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La puissance de Dieu ? Une évaluation de la doctrine et des méthodes du Dr Paul Yonggi Cho

DOSSIER SPECIAL

Tous, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, l’écoutaient attentivement, et disaient: Cet homme est la puissance de Dieu, celle qui s’appelle la grande Act 8.10.

Il arrive que, dans leur enthousiasme, les hommes tombent d’accord pour décréter des faussetés, en toute bonne conscience. En l’occurrence, celui que tous écoutaient avec ravissement était magicien de son état, et la puissance qu’on lui reconnaissait n’était pas de Dieu. S’il est un homme qui a fortement défrayé les chroniques évangéliques de Suisse romande ces derniers temps, et dont on dit qu’il est revêtu de toute la puissance de Dieu, c’est assurément vers le Dr Paul Yonggi Cho que nous devons nous tourner. Et puisque l’émerveillement des foules ne garantit pas de l’erreur, il convient aussi, à son propos, de se demander d’où lui vient son succès.

A ceux qui, d’aventure, trouveraient une telle enquête bardée d’outrecuidance, nous rappelleront l’exigence biblique d’examiner toutes choses, et de retenir ce qui est bon (1 Tim 5.21). Que Dieu nous aide donc à voir clair…

Mais d’abord, qui est celui que des milliers de chrétiens évangéliques iront écouter, pour la deuxième fois en moins de trois ans, au mois de mai 1993, à Yverdon-les-Bains?

Quelques mots des feuillets de propagande suffiront à évoquer le «phénomène» :
-«de pasteur de la plus grande église qui ait jamais existé dans toute l’histoire du christianisme»
-«son église, la «Yoido Full Gospel Church», compte 700’000 membres et se trouve à Séoul, en Corée»
-«51’000 cellules de prières»
-«le dimanche, environ 50’000 personnes assistent à chacun des 7 cultes»
-«le développement de cette église est une suite de miracles accomplis par Dieu»
-«le pasteur Cho a participé dans le monde entier à environ 800 séminaires sur la croissance de l’église…»

Bref, un tableau d’honneur à faire pâlir de honte ou d’envie tout pasteur ou responsable ecclésiastique qui se respecte. Nous ne serons donc pas surpris de découvrir, parmi les plus ardents supporters du Dr Cho, bon nombre de directeurs spirituels en quête d’authenticité, de plénitude et de conquêtes pour l’Evangile. Comme eux donc, nous ne nous arrêterons pas à rêver aux records du Dr coréen, mais nous nous efforcerons de percer ses secrets.

Lorsqu’on écoute le Dr Cho, on se sent étonnamment à l’aise. Pas de supériorité écrasante dans ses propos, pas d’abstractions ou de développements théologiques ennuyeux; l’anecdote, l’histoire vécue, les confessions auto-biographiques abondent; le chemin vers la mise en pratique semble tout tracé. Pour le chrétien biblique, c’est l’impression de redécouvrir un territoire déjà parcouru, avec l’avantage d’un éclairage plus avenant, d’un climat plus tonifiant. Soyons honnêtes: qui peut, du point de vue de la plus stricte orthodoxie biblique, ne pas souscrire aux déclarations suivantes?

Sur la Bible

-«Dans notre Eglise, nous édifions d’abord notre foi par l’étude de la Bible et l’enseignement, avant de nous unir dans la prière» (PCRp: 201) (1).
-«Nous n’entendrons jamais quelque chose venant de Dieu qui serait en contradiction avec la révélation et l’inspiration de la Bible» (PCR p. 158).

Sur la nécessité de la vie spirituelle

-«Nous avons besoin d’un réveil dans nos vies et surtout dans notre assemblée. Nous sommes las des cultes morts et des réunions de prière dépourvues de vie» (ADC p. 122).

Sur le but suprême de Dieu en nous
«La guérison du corps n’est pas le but suprême du Saint-Esprit… Le but suprême de Dieu, c’est la guérison de nos âmes» (QD p. 87).

Sur notre soumission à la Parole
-«Le Saint-Esprit ne contredit jamais la parole écrite de Dieu. ..Ainsi donc, tous nos désirs doivent être soigneusement examinés à la lumière des Ecritures» (QD p. 95).

Sur les rapports entre l’Esprit et la Parole
-«L’Esprit sans la Parole est à l’origine du fanatisme. La Parole sans l’Esprit est à l’origine de la stagnation. Un juste équilibre entre les deux fera croître toute assemblée» (ADCp.181).

Sur la conversion
-«Dès que vous acceptez Jésus-Christ comme votre sauveur personnel, votre esprit renaît. Cela est instantané. Aussitôt la vie de Dieu se répand en vous et votre être spirituel reçoit la vie éternelle» (QD p. 98).

Sur l’importance de l’humilité
-«Si nous marchons avec un esprit orgueilleux, Dieu nous résistera quand nous nous approcherons de lui dans la prière;»« nous ne pouvons rien réussir en nous basant sur nos propres mérites, mais par la grâce divine nous pouvons tout faire» (PCR p.35).

Sur la nécessité de la foi
-«La foi est l’ingrédient particulier qui remplit notre prière de puissance et provoque des résultats…»
-«En priant il faut avoir la foi afin que notre prière soit exaucée» (PCR p . 179).

Avouons-le, ces quelques citations pourraient déjà, à elles seules, servir de mots d’ordre et de cadre doctrinal à toute assemblée chrétienne digne de ce nom. Elles ne représentent pourtant qu’un échantillon des excellentes choses exposées par le Dr Cho. Au point que certains seraient prêts à ranger un tel homme parmi les grands phares de l’Eglise du 20ème siècle.

Il ya, hélas, l’envers du décor. Car tout n’est pas de la même veine, dans l’oeuvre écrite du pasteur Cho. Voici, entre autres, quelques affirmations que je me permettrai de faire suivre de quelques questions.

Sur le baptême du St-Esprit
-«Le parler dans une autre langue est le signe initial du baptême dans le St- Esprit…» «Lorsque nous parlons en d’autres langues, nous sommes remplis du St-Esprit» (QD po 73).


Questions:
a) La Bible enseigne-t-elle que le parler dans une autre langue est le signe nécessaire et général du bap-tême dans le St-Esprit?
b) Existe-t-il un signe qui soit l’accompagnement obligé du baptême dans le St-Esprit? (2)
c) L’expérience des Corinthiens ne prouve-t-elle pas que l’on peut parler en d’autres langues sans être «rempli du St-Esprit»(cf. 1 Cor 3.1-3; 1.7; 13.1)?

Sur la naissance de la foi
-«Dieu est un Dieu de miracles. C’est pourquoi ses enfants sont nés avec le désir de voir des miracles dans leur vie. S’ils ne voient pas de telles choses, les gens ne seront jamais vraiment convaincus que Dieu est tout-puissant» (QD p. 56).

Questions:
a) L’exigence de miracles est-elle nécessairement une marque de vraie soif de Dieu? (cf. Luc 11.29; 23.8; 2 Thes 2.9).
b) Les miracles sont-ils le seul moyen de persuader les hommes de la toute;:puissance de Dieu ? ( cf. Rom 1.18-20).
c) La prédication de l’Evangile n’est-elle pas, à elle seule, capable de produire la vraie foi ? ( cf. Rom 1.16,17; I Cor 1.18-25; Rom 10.8-17; Rom 15.4; 2 Tim 3.15-16).
d) Les plus grands miracles sauraient-ils venir à bout de l’incrédulité humaine? (cf. Luc 16.30, 31; Jean 2.23-25; Act 2.22,23).

Sur la plénitude du St-Esprit et ses manifestations
-«Etre rempli du St-Esprit ne nous conduit pas automatiquement à marcher par la puissance de l’Esprit» (PCR p, 139).

Questions:
a) La plénitude du St-Esprit peut-elle se maintenir dans la vie du croyant si elle n’est pas conjointe à des fruits concrets? Les croyants dont l’Ecriture dit qu’ils étaient pleins de l’Esprit n’ont- ils pas tous, d’une manière ou d’une autre, manifesté la puissance du St- Esprit dans leur attitude ou dans leurs actes? (cf. Act 6.3,5; Act 11.22-24; Act 4.8, 13; Act 7.55-60; Act 13.9- 11).
b) N’y-a-t-il pas grand danger à privilégier les manifestations extérieures de «puissance» (miracles, signes, paroles «créatrices» ), et à considérer les fruits intérieurs de l’Esprit comme moins révélateurs d’une vie spirituelle authentique? (cf. I Cor 13; GaI 5.16- 26; I Cor 6.17; I Jean 4.12-16; 2 Pi 1.3-8).

Sur la bonne façon de prier -«Si vous présentez une requête très précise (à Dieu) et que vous la voyez clairement, vous pouvez la recevoir» (QD p. 22).
-Dieu a toujours répondu à des prières directes et spécifiques, si vous avez besoin de 30’000 francs, demandez ce montant exact(PCR p.180).

Questions:
a) Comment ignorer que Dieu ne bénit les prières «directes et spécifiques» que si elles correspondent à sa volonté? (cf. Jac 4.3; 2 Cor 12.7-9; I Jean 5.14, 15; Luc 22.42).
b) Comment ignorer que les croyants qui ont voulu forcer la main de Dieu ont parfois été exaucés, mais s’en sont mordu les doigts? (cf. Nom 11.4-6, 18-20, 31-34; Nom 14.3,28- 30; 1 Sam 8.4-22; Nom 22 à 25.5 et Jude 11,2 Pi 2.15).
c) La visualisation précise de l’exaucement est-elle une condition sine qua non de la bénédiction ? ( cf. Eph 3.20; Héb 11.8; Rom 8.25-27).

Sur le rôle de la prière
-«La prière de la foi doit nous conduire dans des visions et des songes» (PCR p. 181; citation suivie de la référence à Act 2.28).

Questions:
a) Est-ce que les visions et les songes sont vraiment le canal de la révélation divine aujourd’hui ? (cf. Héb 1.1; 2 Tim 3.16, 17; lac 1.22-25; Apoc 22.18-19. Ces passages et bien d’autres ne proclament-ils pas à l’évidence que la Parole incarnée et la Parole écrite suffisent à nourrir la foi et à inspirer notre action, et qu’il est impie de vouloir y ajouter quoi que ce soit?)
b) Pourquoi vouloir absolument appliquer la citation d’Act 2.16, 17 (vos jeunes gens auront des visions, et vos vieillards auront des songes) à l’ensemble de tous les chrétiens de tous les temps, alors que l’apôtre Pierre s’adresse spécifiquement à des Juifs, et que la totalité de cette prophétie ne trouvera son accomplissement qu’à l’heure où tout Israël reconnaîtra son Messie? (cf. Jér 30; Zach 12; Apoc 1.7; Rom 11.25-27; Mat 23.37-39).

Sur la puissance de la foi
-«En dominant dans le monde de la quatrième dimension (3) – le royaume de la foi – vous pouvez donner des ordres aux circonstances et aux situations dans lesquelles vous vous trouvez. Vous pouvez transformer et embellir la laideur et le chaos, et guérir ceux qui sont blessés et souffrent» (QD p. 57).

Questions:
a) Si tel est le pouvoir réel de la foi, pourquoi les croyants n’ont-ils pas encore fait venir le ciel sur la terre?
b) Comment concilier une telle puissance avec les propos de Jésus sur la nécessité de la souffrance (Jean 16.33) sans oublier ceux des apôtres: Paul (Act 14.22; Rom 8.22,23; 2 Cor 4.7-11, 16; 5.4; 6.4, 5), Pierre (I Pi 1.6; 2.20,21; 4.12-16), Jacques (Jac 1.2,3; 5.10, II), Jean (Apoc 1.9) et l’exemple de tant de croyants fameux (Héb 11.35-40)?

Sur la guérison du corps
-«Je sais que Dieu peut et veut guérir si nous lui faisons confiance pour accomplir la Parole et obéissons à sa voix» (ADC p.114).

Questions:
a) Etant donné que la mort physique est souvent précédée d’une maladie, pourquoi les croyants meurent-ils encore?
b) La Bible enseigne-t-elle que Dieu veut guérir toute maladie, tout handicap et toute infirmité chez tous ceux qui lui appartiennent? Si oui, pourquoi Monsieur Cho porte-t-il des lunettes? (cf. GaI 4.13, 14; GaI 6.11; 2 Cor 12.7;2 Tim4.20;2 Rois 13.14).


A défaut de constituer une réfutation en règle de toutes les outrances du Dr Cho, nous espérons que les quelques questions qui viennent d’être soulevées auront au moins eu le mérite de dévoiler la présentation tronquée, partiale et subjective que cet homme nous offre de la puissance du chrétien.

Certains croyants en mal d’«événements» se récrieront probablement à ce point, en nous lançant: «Vous voulez disserter sur la doctrine. Le Dr Cho, quant à lui, nous montre ses oeuvres. Où sont les vôtres?»

L’argument n’est pas mince, nous en convenons. Le Dr Cho a non seulement pour lui des performances spectaculaires, mais démontre une qualité d’engagement chrétien hors du commun. Les relations de ses combats spirituels, de ses veilles, de ses jeûnes, et surtout sa hardiesse (le seul don particulier qu’il se reconnaisse: QD p. 32) sont autant de gages de sincérité et de consécration. Nous n’hésiterons pas à admettre que si la majorité des chrétiens évangéliques fondamentalistes déployaient le même zèle et montraient une foi aussi ardente que celle, du pasteur Cho, bien des problèmes de croissance seraient résolus et le témoignage à la vérité rendu plus crédible. Que notre examen critique des positions du Dr Cho nous pousse donc à revoir notre engagement devant le Seigneur, et à vivre moins mollement au service du roi de gloire, telle pourrait être une retombée positive et justifiée de cette étude.

Néanmoins, et précisément parce que nous attribuons une bonne part de la célébrité du Dr Cho à la quantité de confusion qu’engendrent ses partis-pris, nous ne voulons pas conclure cet article sans avoir expliqué pourquoi le «Plein Evangile» du pasteur coréen nous semble inconciliable avec une compréhension saine de l’Ecriture.

Tout d’abord, le Dr Cho est l’un des représentants dominants de la «troisième vague» du pentecôtisme. Ce courant met la sourdine à quelques-unes des erreurs les plus manifestes du pentecôtisme classique et du charismatisme des années 70, mais il n’en reste pas moins profondément pentecôtiste. Son insistance caractéristique sur les démonstrations de puissance, sur la primauté de l’expérience, sur les messages directs du St-Esprit, sur la valeur normative des premiers temps du ministère des apôtres, tout celà s’inscrit dans la ligne mystique du pentecôtisme originel.

Or la tendance pentecôtiste de Yonggi Cho entretient (volontairement ou non) un certain nombre d’équivoques et de confusions qui, comme nous tenterons de le résumer, touchent à l’intégrité même de Dieu.

I. La puissance de Dieu

Selon Yonggi Cho, puisque Dieu, par sa seule Parole, a pu créer le monde (cf. QD, chap. 3), le chrétien, par analogie, et du fait qu’il héberge l’esprit de Dieu, doit aussi créer par la parole. La puissance créatrice de Dieu en nous est même conditionnée par nos actes de parole: «J’ai appris un secret: avant que vous ne parliez, le Saint-Esprit n’a pas les moyens de créer» (QD p. 65); «Jésus est lié à ce que vous proclamez. Comme vous pouvez libérez la puissance de Jésus par le moyen de la parole que vous prononcez, vous pouvez aussi créer la présence du Christ» (QD p. 70).

Ce langage et ce programme sont séduisants. Mais à y regarder de près, ils s’avancent un peu trop loin:
-la capacité de créer ex nihilo n’appartient qu’à Dieu. Le verbe «créer» n’est jamais utilisé pour décrire l’activité d’un chrétien (cf. Rom 4.17). S’il est vrai que l’être humain est capable d’invention (cf. Ex 31.4; 35.32, 35), et qu’il faut voir dans cette caractéristique un trait distinctif de la créature faite à l’image de Dieu, il est cependant nécessaire de ne pas assigner au croyant un rôle qui reste la prérogative du seul Créateur (cf. Es 40.18-26; 45.5-8).
-Le St-Esprit peut fort bien agir, et même créer, sans passer par le canal de notre parole. Yonggi Cho fait dépendre la réalisation des promesses de Dieu de la qualité de notre collaboration avec l’auteur de ces promesses: «Dieu n’oeuvre jamais sans se manifester par votre manière de penser, votre vision et votre foi. Vous êtes le canal par lequel il passe» (QD p. 136) (4). De telles assertions ne sont-elles pas de nature à enfermer les diverses opérations de Dieu (cf. 1 Cor 12.6) dans un carcan étouffant? Souvenons-nous: la Bible nous révèle que bon nombre des promesses les plus merveilleuses que Dieu ait faites se réalisent indépendamment du bon (ou du mauvais) vouloir des croyants, et ses oeuvres sont exécutées avec ou sans notre concours (Dan 4.35). Il serait sûrement bien absurde de prétendre que Christ n’a pu naître dans le sein de la vierge Marie qu’en vertu de la réponse favorable de cette dernière au discours de l’ange Gabriel. Ou que ce sont les pensées et les prières «créatrices» des disciples qui ont contraint le St-Esprit à descendre sur eux-mêmes, au jour de la Pentecôte. Ou que l’Ecriture ne peut pas, sans notre prédication ou nos commentaires, parler au coeur d’un incroyant. Ou que Dieu n’oeuvre dans nos vies qu’en fonction de notre acquiescement à un programme qu’il aura dû nous soumettre au préalable.

En définitive, le Dr Cho pèche par excès. Non, ce ne sont pas avant tout nos paroles de chrétiens qui changent le monde et mènent les âmes au Sauveur, c’est l’Evangile (cf. 1 Cor 4.15;Gall.11-12;Eph 1.13;Coll.5- 6). Nous ne sommes, au mieux, que d’humbles porte-parole (Phi12.16; Act 14.3). Et si nous étions empêchés de remplir cette mission, nous savons que la parole de Dieu n ‘est pas liée (2 Tim 2.9). <

2. La victoire de Christ Fidèle à la tradition pentecôtiste,

le Dr Cho maintient l’idée que la victoire de Christ sur le péché et ses conséquences (maladie, infirmité, mort, peine) est telle que tout chrétien peut sur le champ en revendiquer tout le bénéfice: «Vous devez faire pénétrer dans votre esprit l’idée de la victoire et de l’abondance. Dieu n’échoue jamais. Si donc vous recevez les pensées qui viennent de Dieu, vous connaîtrez toujours le succès. Dieu ne perd jamais la bataille, car il est l’éternel vainqueur. Vous devriez toujours être conscients de la victoire. Dieu ne manque jamais de rien. Habituez-vous également à penser en termes d’abondance» (QD p. 125, 126).

En regard d’un tel triomphalisme, on peut estimer que les apôtres nous ont laissé un bien piètre exemple. ..(cf. 2 Cor Il.23-30; 2 Cor 4.7-11; 1 Pi 4.12-13; Act 14.22; Rom 5.3; Mat 16.24-25). Le Dr Cho aurait-il donc oublié que le serviteur n’est pas plus grand que son maître (Jean 15.20) et que nous devons apprendre l’obéissance par la souffrance (Héb 5.8; IPi 4.1-2)?

L’hommage que Yonggi Cho semble rendre à Christ est un faux-fuyant destiné à flatter notre envie de bonheur, de succès et d’aisance. Il faut en dénoncer la trompeuse vraisemblance. Comme le signale P. Ranc dans son livre «Le bonheur à tout prix?», (5) le bonheur du chrétien est une réalité, mais c’est un «bonheur paradoxal» (p. 91), dans la droite ligne des béatitudes (Mat 5.1-12). On ne saurait passer sous silence cette marque distinctive de la vie avec Christ sans porter gravement préjudice à l’équilibre du message biblique, et sans encourager les croyants à rechercher en priorité les bénédictions de moindre valeur. Or, si c’est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes ( 1 Cor 15.19).

Au reste, l’«évangile» du Dr Cho draine de nombreux contresens (le même constat s’impose au sujet des autres leaders de la «3ème vague»: J. Wimber, P.Wagner):
-le taux de réussite des guérisons miraculeuses est loin du 100 % de Jésus et des apôtres;
-si Dieu nous garantit l’abondance en toutes choses, pourquoi ne pas poursuivre le confort, la richesse et la notoriété?
-si la maladie du croyant est une anomalie, pourquoi des chrétiens ont-ils dû supporter leur vie durant de pénibles infirmités? et pourquoi la gloire de Dieu a-t-elle reposé sur le témoignage de tant d’enfants de Dieu éprouvés? (6)
-si la victoire de Christ est déjà entièrement à notre disposition, pourquoi faut-il mourir? pourquoi ne pouvons- nous pas opérer des résurrections, à l’instar de Jésus et des apôtres? pour-quoi ne pas être invulnérables aux poisons et aux animaux dangereux (cf. Marc 16.17)?

L’«évangile de la prospérité» de Yonggi Cho souffre manifestement de trop d’incohérence pour être avalisé. Consciemment ou non, le nouvel apôtre «Paul» confond l’état éternel du croyant et sa condition actuelle.

Cela dit, la victoire de Christ sur le péché, sur Satan et sur la mort est une réalité en marche. A la croix, notre Sauveur a réellement dépouillé Satan de ses droits (usurpés) et de sa puissance(Col 2. 15). Dès lors, ceux que le Fils affranchit de la servitude du péché deviennent enfants de Dieu (Jean lI2), et sont réellement libres (Jean 8.31,32,36). Ainsi l’Eglise contribue à la victoire effective et universelle de Christ (1 Cor 15.20-28). Dans cette espérance et dans cette foi, nous pouvons attendre avec confiance la gloire à venir (Rom 8.18-25), laissant à Dieu la liberté d’intervenir dans nos affaires selon sa sagesse, de manière miraculeuse ou naturelle.

3. La volonté du St-Esprit

A plusieurs reprises, le Dr Cho nous transmet des messages qu’il affirme avoir directement reçus du St-Esprit. Hormis le fait que ce genre d’expériences nous rappelle les avertissements de l’Ecriture au sujet des fausses révélations (cf. Gal 1.6-11 ; Mat 7.22-23), le contenu même des messages ne manque pas d’étonner. Quoi! il aura fallu attendre 2’000 ans pour qu’enfin la chrétienté découvre le monde de la «quatrième dimension», de 1’«incubation», et de la «puissance créatrice de la parole», alors que les mouvements occultes et les fausses religions utilisent ces concepts depuis la nuit des temps!

Une autre surprise nous est réservée lorsque le Dr Cho nous relate quelles ruminations ont préludé à la réception des messages directs du St- Esprit: «Quand mon ministère a débuté en 1958, j’avais un désir brûlant dans mon âme; je désirais ardemment bâtir la plus grande église de Corée. Ce désir brûlait tellement en moi que je vivais avec lui, je dormais avec lui et je marchais avec lui. Aujourd’hui, quelque vingt ans plus tard, on dit que mon église est la plus grande du monde» (QD p. 23). A chaque nouvelle étape de la carrière du pasteur Cho, et avant plusieurs révélations spéciales, on retrouve cette même passion des records, des chiffres inouïs et de la croissance express. Cette tournure d’esprit semble souvent procéder d’un sentiment de frustration à la vue des miracles et du succès obtenus par des sectes non-chrétiennes (comme la secte bouddhique de la Sokagakkai: QD p.34-36). Le raisonnement implicite est toujours celui-ci: puisque le succès de ces croyances leur est accordé par le moyen de prodiges surnaturels, nous les chrétiens, qui nous tenons dans le camp du Dieu Tout-Puissant, devons prouver la véracité de l’Evangile par des prodiges plus spectaculaires et par une croissance numérique plus rapide. Tenaillé par ce désir de rivaliser avec les incroyants en les affrontant sur leur propre terrain et en adoptant leurs méthodes, leur mentalité et leurs objectifs, le Dr Cho s’enferme dans une surenchère de paris toujours plus sensationnels. Le Seigneur Jésus, quant à lui, ne se permettait pas de faire usage des paroles de l’Ecriture pour tenter Dieu ( cf. Mat 4.5-7). Il ne fait aucun doute qu’en fondant son ministère sur des critères de réussite calqués sur ceux du monde, le Dr Cho fait sauter toutes les bornes de la sobriété, et s’expose, comme il expose ceux qui le suivent, à des pièges profonds. Il se met en position idéale pour recevoir des impulsions et des révélations d’un «esprit» qui n’est pas le St-Esprit, et pour confondre ses désirs avec la volonté de Dieu. N’est-ce pas dans ce piège-là que s’est pris Simon le magicien après sa convefsion (cf. Act 8.18-24)?

Enfin, et ce n’est pas la moindre surprise, le Dr Cho nous offre, pour justifier la recherche et la réception régulière d’«émissions spéciales» du St-Esprit, des commentaires exégétiques fort peu sérieux. Dans le chapitre 4 de «La Quatrième Dimension», il établit en effet une distinction radicale entre les vocables grecs «1ogos» et «rhêma» (7). Selon lui, le «1ogos», à savoir la Parole manifestée en Jésus-Christ et dans la Bible, ne peut inculquer la foi. Pour acquérir la foi, il faut que Dieu nous adresse une communication spéciale et privée, le «rhêma» . Voici son raisonnement: «Romains 10.17 nous montre que ce qui édifie la foi dépasse de loin le seul fait de lire la parole de Dieu: Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole du Christ. Dans ce texte, le mot «parole» n’est pas le terme grec logos, mais rhêma. La foi vient quand on entend le rhêma» (QD p. 78). Et Yonggi Cho de se lancer dans une promotion des voix, des signes et des confirmation externes qui seuls, en tant que rhêma, peuvent donner vie, sens et force au logos. Cette attitude, qui rappelle la position du théologien Karl Barth (8), ne reconnaît plus à la Bible une force et une autorité intrinsèques, et ouvre la porte au subjectivisme.

Or, l’exégèse du Dr Cho est voisine de la fantaisie. En effet, dans le contexte de Rom 10, le rhêma représente très précisément l’Evangile: cf. Rom 10.8, 18. Nous admettrons bien volontiers que le terme rhêma fasse davantage référence à un acte de parole qu’au contenu de cette parole, mais l’emploi biblique de ce mot ne nous permet pas d’introduire une dissociation entre forme et contenu. De plus, il est bien téméraire d’affirmer que le logos ne peut à lui seul produire la foi. Il aurait suffi au Dr Cho de lire le prologue de l’évangile de Jean pour s’en convaincre. Si nécessaire, on y ajoutera la lecture des passages suivants: Act 15.7; 1 Cor 1.18; Héb 4.12; Eph 1.13; Col 1.4-6; Mat 13 .23. La grande leçon de ces textes et de bien d’autres semblables, c’est que Dieu travaille dans ce monde en utilisant conjointement et simultanément la parole incarnée et glorifiée (Christ), la parole écrite, et le St-Esprit: Car il y en a trois qui rendent témoignage: l’Esprit, l’eau (= la parole écrite) et le sang (de Christ), et les trois sont d’accord (1 Jean 5.7-8). Et si tous n’acceptent pas ce triple témoignage, nous savons du moins que la parole de Dieu ne retourne jamais à Lui sans effet ni sans avoir accompli sa volonté (Es 55.10-11 ).

La seule concession que nous puissions faire au Dr Cho, c’est de souligner avec lui que la découverte de la volonté de Dieu pour nous est une tâche qui requiert toute notre attention, de la patience, de la docilité, de l’humilité, et une foi complète. Cette tâche serait évidemment hors de notre portée sans la Grâce et sans l’action en nous du St-Esprit, qui opèrent en nous un renouvellement spirituel constant de sorte que nous puissions discerner la pensée parfaite de Dieu (Rom 12.2; Eph 1.17-19; Phill.9-10), et grandir à l’image de Christ (Eph 4.13).


Qu’ajouter à ces considérations, si ce n’est qu’il ne nous appartient pas de porter un jugement sur les motivations profondes, le degré de sincérité et la part d’inconséquence d’un homme qui, à tant d’égards, paie si généreusement et bravement de sa personne, et sait faire montre d’une hardiesse souvent très sympathique?

Cependant, nous ne pouvions pas ne pas faire remarquer l’ambiguité du personnage et de son système. Oui, la vérité est à la fois présente et déformée dans cette nouvelle vague de l’évangélisme. La puissance de Dieu est à la fois magnifiée et récupérée au profit de la chair. L’oeuvre médiatrice de Christ est à la fois proclamée et remplacée par l’oeuvre médiatrice de la parole humaine. Le salut éternel est reconnu comme le but suprême de Dieu pour nous, mais pratiquement, les regards des croyants sont dirigés vers des accomplissements purement terrestres.

Mais alors, nous direz-vous, Paul Yonggi Cho est-il donc un magicien, un instrument involontaire de l’ennemi ?

Permettez-nous de suspendre notre appréciation, et de prendre au sérieux cet avertissement de l’apôtre Paul: Frères, vous avez été appelés à la liberté,. seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair… Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs (Gai 5.13, 24).

Bibliographie:

Ouvrages de P. Yonggi Cho consultés:
-La Quatrième Dimension (Vida, Flo- ride, 1985) QD
-Au-Delà des Chiffres (Vida, Floride, 1986) ADC
-La Prière: Clé du Réveil (Vida, Flo- ride, 1987) PCR
Ouvrage d’obédience charisma- tique (3ème vague):
-Signes et Prodiges Aujourd’hui (arti- cles rassemblés par Peter Wagner et le magazine Christian Life; Vida, 1986)
Ouvrages critiques:
-Guérisons et Miracles Aujourd’hui (articles rassemblés par Paul Wells; Synapse Vie de l’Eglise no 6; Ed. Kerygma, Aix-en-Provence, 1990)
-La Séduction de la Chrétienté, par Dave Hunt et T .A. Mc Mahon (Ed. Parole de Vie, Montpellier, 1989)
-Christianity and New Evangelical Philosophies, par R;L. Heldenbrand (Words of Life, W arsaw, Indiana, 1989)
-The Healing Epidemic, par Peter Masters (The Wakeman Trust, London, 1988)
-Spiel mit dem Feuer, par Wolfgang Bühne ( Christliche Literatur- Verbreitung, Bielefeld, 1991 )
-Dritte Welle »,gesunder Aufbruch? , par WolfgaÏ1g Bühne (CL V, Bielefeld, 1992), Cet ouvrage est disponible en français à la Maison de la Bible, Le Trési 6, 1028 Préverenges (CH), Titre: La Troisième Vague », le plus grand réveil de l’histoire de l’Eglise?

Notes:
(1)Les citations du Dr Cho sont données se/on un système d’abréviations décrit dans /a bib/iographie.
(2) Notre question porte sur /es signes miracu/eux. Nous nous réjouissons de ce que le St- Esprit produise, au moment où il s’établit dans une vie, les fruits surnaturels que sont; la certitude de la vie éternelle (1 Jean 5.13); l’esprit d’adoption (Rom 8.15-16); la com- préhension spirituelle (1 Cor 2.12). De plus, il commence à remplacer nos sentiments naturels par les sentiments de Dieu (Gai 5.22; Phil 2.5-8; Eph 5.1-2). Enfin, il façonne notre volonté et nous rend capables d’agir selon /a volonté de Dieu (Phi/ 2.13)
(3) «Quatrième Dimension»; un des concepts-clés de la doctrine du Dr Cho (QD chap 2 p.34 ss).
1 ère dimension: la ligne. 2ème dimension; le plan. 3ème dimension; le cube; «Le monde matériel et l’ensemble de la terre appartiennent à la troisième dimension» (QD p.35). 4ème dimension; l’esprit;«Dans l’univers, il y a trois types d’esprits: le St-Esprit de Dieu, l’esprit du mal et l’esprit humain» (QD p.35). La quatrième dimension commande la troisième, la troisième commande la deuxième, la deuxième commande la première. Par son esprit, l’homme peut influencer et transformer le monde matériel, Il peut «avec certaines limites», commander et créer, Même les incroyants peuvent dominer la troisième dimension, «ce qui inclut leurs maladies physiques» (QD p.36). Ainsi s’expliquent les miracles accomplis par des hommes dont l’esprit s’unit à l’esprit de Satan.
Quant aux chrétiens, du fait que leur quatrième dimension peut s’unir à celle du Père -le créateur de l’univers-, ils sont à même d’exercer leur propre domination sur les circonstances (QD p. 37); ils peuvent influencer les événements de leur vie (id).
(4) Il conviendrait de toujours mettre l’accent sur la grâce de Dieu, car c’est elle qui est à l’origine des promesses et c’est encore elle qui en rend possible la concrétisation (Phil 1.6). Tout dépend, y compris notre libre et joyeuse collaboration, de la seule grâce de Dieu (Tite 2.11-13; 3.4-8).
(5) Editions Contrastes, Lausanne, 1987
(6) Quelques exemples: Calvin, A. Monod, C,H. Spurgeon, A. Ca11nichael, I. Kuhn, D. Livingstone, Joni Eareckson-Tada.
(7) Ces deux termes du Nouveau Testament sont traduits, selon le contexte, de manières fort diverses dans nos versions françaises. Ainsi le mot «logos» reçoit plus d’une vingtaine d’acceptions différentes, et le mot «rhêma», environ trois. Le mot «parole» est une des traductions que «iogos» et «rhêma» ont en commun.
(8) Karl Barth «ne considère pas la Bible comme étant en elle-même la parole de Dieu, mais seulement comme susceptible de le devenir par une intervention du St-Esprit qui nous parle par elle», cit. du livre de J.-M, Nicole, Précis de l’Histoire de l’Eglise,p.241.

C.-A.P.
Voir Chronique de livres en page 31 de ce numéro de PROMESSES.

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Pfenniger Claude-Alain
Claude-Alain Pfenniger, marié, père de trois (grands) enfants, est professeur de langues retraité. Il a exercé des fonctions pastorales en Suisse et a collaboré à la rédaction de diverses revues chrétiennes. Il est membre du comité de rédaction de Promesses depuis 1990.