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Le fardeau de la dépression (1)

Pourquoi donne-t-il la lumière à celui qui souffre, et la vie à ceux qui ont l’amertume dans l’âme, qui espèrent en vain la mort, et qui la convoitent plus qu’un trésor, qui seraient transportés de joie et saisis d’allégresse, s’ils trouvaient le tombeau? A l’homme qui ne sait où aller, et que Dieu cerne de toutes parts ? Mes soupirs sont ma nourriture, et mes cris se répandent comme l’eau. Ce que je crains, c’est ce qui m’arrive; ce que je redoute, c’est ce qui m’atteint. Je n’ai ni tranquillité, ni paix, ni repos, et le trouble s’est emparé de moi (Job 30.20-26).

 Il est étrange et paradoxal de constater que la dépression – qui est le plus commun des malaises inorganiques – reçoive une attention si mince dans la plupart des livres de relation d’aide écrits d’un point de vue chrétien. Même les meilleurs ouvrages n’échappent pas à cette observation. Ceci est sûrement dû à l’incertitude largement répandue quant à la cause de la dépression, et aussi aux multiples formes de mélancolies qui défient les théories les plus courantes du traitement de cet état d’abattement psychologique. Cet article n’est pas un essai d’identification des causes ou une liste de remèdes à appliquer au traitement de la dépression -pour des raisons évidentes – mais une offre de suggestions pour aider les personnes atteintes à sortir de leur état.

1. Aux sources de la dépression

Quelques écrivains spécialisés dans la question de la relation d’aide se donnent un mal fou pour trouver exactement les causes de chaque maladie de l’humeur. Ils espèrent ainsi qu’une fois l’origine du mal mise en évidence, ils pourront le traiter de façon appropriée. Parmi les raisons de l’accablement soudain, on trouve des problèmes liés à la culpabilité, à la colère, au chagrin, à la pensée négative, aux difficultés de relation à autrui, aux traumatismes de l’enfance, à une estime de soi réduite à zéro et à l’épuisement physique. Des époques de stress prolongé comme la maladie et le deuil sont aussi regardées comme des états menant à la dépression. Il n’y a pas de doute qu’une accumulation de tels facteurs peut déclencher et aggraver le découragement et la mélancolie, mais les regarder simplement comme la cause est sûrement trop simple. «Une colère refoulée est le point de départ de presque toutes les dépressions cliniques» a déclaré un psychiatre chrétien. «Le but inaccessible» est une école de pensée défendue par les docteurs Paul Meier, Frank Minirth et quelques autres. Une personne déprimée peut tenir compte de tels points de vue, mais il faut reconnaître qu’une frustration ou une colère rentrée ne conduisent pas fatalement à la dépression. Pourquoi une minorité de gens brusquement soumis à une tension intérieure plongent-ils dans des états d’âme frisant le désespoir profond alors que la plupart des autres ressortent indemnes d’un bref passage à vide? En outre, il y a des moments où les chrétiens sont pressés de toutes manières… dans la détresse… persécutés… abattus comme l’apôtre Paul (2 Cor 4.8-9) sans que la «colère censurée» n’entre en ligne de compte. Quelques auteurs citent le texte du Psaume 32.4 où David décrit une grande lassitude, semblable à une dépression, reconnaissant qu’elle est le résultat d’un péché non confessé. On prétend alors très vite que la plupart des crises d’abattement sont motivées par un sentiment de culpabilité. Il est clair, selon l’Ecriture, que la désobéissance et le péché conduisent au châtiment et au chagrin, mais voir ces comportements comme la seule source de découragement est tout à fait injustifié, car il y a beaucoup d’autres exemples dans la Bible de gens abattus et accablés sans raisons spécifiques. Rappelons-nous de quelques grands héros de la réformation ou des réveils qui ont souffert de sévère mélancolie, parfois même dans leurs plus belles heures de service.

IL est évident que plusieurs ont une tendance innée à la lassitude et la tristesse, mais les phases dépressives peuvent provenir des causes les plus diverses. En vérité, et le plus souvent, il n’y a pas de cause clairement apparente. Le voile pénible de la mélancolie tombe bien des fois de façon inattendue et inexplicable. Dès que l’humeur morose s’installe, elle entraîne une succession de lamentations et ceux qui les entendent en déduisent forcément qu’elles sont vraiment la source de la tristesse. Mais le problème de base est sans doute une prédisposition constitutive à la dépression, dans la plupart des cas.

Les circonstances aggravantes viennent parfois de la propre expérience du conseiller spirituel qui, s’il a lui-même souffert d’un méchant assaut de mélancolie dans le passé, peut suggérer que la dépression doit toujours être complètement guérie. Il fera peut-être valoir qu’il a été libéré de toute rechute pendant des années.

2. Conseiller spirituel ou psychiatre: que choisir ?

Pour un grand nombre de personnes, la dépression ne s’abat qu’une seule fois sur elles, entre 18 et 25 ans et ne réapparaît plus, sinon après une grossesse ou dans l’âge avancé. Bien des gens ne se montrent vulnérables qu’à ces époques de la vie, alors que beaucoup d’autres restent fragiles et proches de cet état pathologique jusqu’à la mort. Bien qu’une minorité seulement souffre durement et à plusieurs reprises d’un tel délabrement psychique, c’est néanmoins un mal très commun, si commun même que dans toute Eglise d’une centaine de membres, cinq à dix de ceux-ci en sont touchés à divers degrés. il a été maintes fois affirmé par les médecins que les femmes en sont affectées deux fois plus que les hommes, mais les pasteurs en exercice n’appuient pas ce point de vue. Une assez grande proportion de serviteurs de Dieu certifient avoir connu l’angoisse et la dépression; c’est un fait que l’on retrouve dans beaucoup de biographies de chrétiens. il n’y a pas très longtemps, un magazine évangélique publiait un article sur la dépression dans le service de Dieu et dévoilait que les pasteurs ne sont pas étrangers à ses atteintes. Peut-être que le Grand Médecin a voulu qu’il en soit ainsi afin que ses aides s’équipent d’une bonne dose de compréhension et de compassion pour les autres (voir 2 Cor 1.4). il va sans dire que le secours pastoral seul ne peut pas toujours remédier à toutes les manifestations de souffrance intérieure. La force du désespoir du coeur est parfois si intense, que celui qui en souffre ne peut tout simplement plus faire face à la vie et doit recourir aux médicaments. Dans ce cas, la règle de 1 Cor 10.13 ne peut pas être appliquée parce que la personne se trouve dans l’incapacité de supporter l’épreuve et ne peut plus prier ni faire appel aux promesses de Dieu.
 Dans le même ordre d’idées, je souligne que si le vide intérieur provoque des troubles de comportement au point de fausser le sens de la réalité des choses, le problème déborde le cadre de la relation d’aide, du moins pour un temps. Les hallucinations sont un signe d’irrationalité, mais elles ne sont pas aussi sérieuses qu’elles le paraissent. Quelques-uns voient, entendent et profèrent des choses incohérentes à la suite de tensions, de chocs ou d’insomnies, mais recouvrent tout aussi vite leur équilibre et la stabilité s’ils retrouvent le sommeil et l’amitié de quelqu’un. Nous ne devons pas nécessairement pousser à consulter un psychiatre lorsque nous observons une détérioration de l’humeur, car le rétablissement s’opérera peut-être avant l’obtention d’un rendez-vous chez le médecin!

Si des idées noires se sont fermement installées, il faut reconnaître que nous ne sommes plus dans notre élément et le secours médical devient pressant. Si une personne dépressive présente d’autres problèmes sérieux et tente de s’enlever la vie, le meilleur spécialiste en relation d’aide est incompétent, il ne doit même pas essayer d’agir seul. Le dépressif a besoin du soutien préventif de la médecine. Mais la plupart des manifestations de la dépression ne vont pas si loin, malgré le profond désespoir et le dégoût. il faudrait être en mesure de porter secours à notre prochain sans intervention psychiatrique tant que possible – les avantages de la mise à l’écart de la médecine seront mentionnés plus tard.

3. Les formes de la dépression

Avant de considérer les mesures d’aide que nous pouvons prendre, nous voulons décrire rapidement les symptômes de cette expérience. La dépression survient sous la forme d’une tristesse marquée et continue qui, bien des fois, imprègne toute la personnalité. Lorsque nous sommes en dépression, nous envisageons les choses d’une manière extrêmement pessimiste, allant jusqu’à la perte totale de l’assurance du salut.

Il peut arriver que la dépression entraîne une hypersensibilité à l’état de révolte et de péché du coeur humain et à une perception inhabituelle de notre déchéance, vision dévastatrice qui se transforme en auto-accusation.
1. Estimation de soi perturbée: la dépression peut se greffer sur un sentiment d’indignité, nous précipitant dans une orgie de dénigration de soi, ou elle peut laisser notre orgueil intact et prendre la forme d’une extrême pitié de soi à la suite d’une vague monumentale de blessures, d’injustices, de coups durs et de déboires.
2. Perte de maîtrise émotionnelle: quelquefois la dépression agit davantage sur les sentiments que dans les pensées par une terrible combinaison d’abattement, de misère, d’anxiété, de terreur et une perte de confiance et de motivation. Nous sommes touchés par le fond, frustrés ou entièrement épuisés et exténués. La souffrance intérieure nous rend indécis et apathiques, imprévisibles et impulsifs en peu de temps.
3. Personnalité altérée: pour beaucoup de gens, la dépression est génératrice de frayeurs nocturnes avec des coups de boutoir d’angoisse si terrifiants que l’on désespère de voir arriver le jour. D’autres deviennent irritables et franchement désagréables alors que certains deviennent anormalement placides et prennent quotidiennement le rôle du paillasson.
4. Obsessions: pour plusieurs, la dépression se manifeste par des idées défaitistes; ils les rabâchent continuellement, les passent à la moulinette jusqu’à ce que l’esprit soit trop alourdi pour réagir et penser objectivement.
5. Perception du monde extérieur faussée: les tourments de la dépression font pleurer sans raison, en cachette, et amènent à regarder les autres avec effroi. Le diable bien sûr prend avantage de ce vide intérieur, insinuant les pensées les plus folles, le doute et les soupçons, jusqu’au désespoir total.
6. Plaisir morbide: la dépression favorise aussi la tendance perverse à l’autodestruction; il ne s’agit pas exclusivement de suicide, mais d’un violent désir de tout abandonner, de tout quitter, de prendre congé et d’oublier ce que Dieu avait commencé par sa grâce. Le déprimé a envie de s’écarter de tout et de se réduire ainsi à la non-existence.La raison peut admettre une chose et en même temps se laisser aller à une excitation morbide de la tragédie, s’en délectant secrètement.
7. Obstination à souffrir: beaucoup de dépressifs déterminés à regarder les choses sous leur aspect le plus négatif sont étrangement résolus à rester dans leur état, ce qui est une forme de masochisme: leur peine, leur humiliation et leur langueur sont finalement voulues et recherchées.
8. Souffrance morale: par dessus tout, cette mystérieuse et réelle souffrance morale est le facteur le plus significatif. On peut en subir les assauts à un degré très élevé pendant quelques heures, plusieurs jours à la file, des semaines, des années.
9. Atteintes corporelles: les formes extrêmement variées de la dépression, avec sa cruauté unique, ont pour effet de nous mettre en garde contre des explications simplistes des causes et des moyens de guérison. Les gens touchés par ce trouble inorganique souffrent souvent d’anomalies physiques parallèlement à leurs angoisses. Nous ne saurions passer sous silence leurs craintes devant les manifestations de cet ordre. Il faut les rassurer, car de tels symptômes n’ont rien d’extraordinaire. On relève des sueurs froides ou des bouffées de chaleur, des palpitations, des démangeaisons du cuir chevelu, la bouche sèche, des difficultés de déglutition, de violents maux de tête, une foule de désagréments digestifs ou autres. On ressent souvent une impression de substance acide nocive dans le corps, dans le sang et même sur la langue. Souvent ces ennuis baissent d’intensité ou disparaissent carrément au moment où le dépressif apprend que ces symptômes sont courants.

Notre but, dans la relation d’aide, c’est d’épauler un croyant qui traverse le désert brûlant de la dépression. Si nous tendons la main à quelqu’un qui souffre de ce vide intérieur et de cette extrême lassitude, c’est pour le convaincre que la dépression peut être vaincue grâce à l’application des règles de l’Ecriture. Cette découverte achevée, le dépressif est préparé pour repousser les vagues de tristesse. L’objectif pastoral, par conséquent, est d’enseigner à composer de la meilleure façon avec cet état de manière à tenir le coup aux pires moments.

Dans le prochain numéro de Promesses, l’auteur fournira quelques outils pour dépister, comprendre, définir et affronter la dépression.

1 Pasteur au Metropolitan Tabernacle à Londres. C’est dans cet édifice que C.H. Spurgeon prêcha avec fruit de 1861 à 1892. L’article que nous publions ici paraîtra en trois fois. Il est emprunté à la revue «Sword and Trowel» (No 111989) et adapté.

P.M.
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