Témoignage
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Quelques expériences de George Müller

De tout temps, l’Eglise s’est préoccupée de la situation matérielle de ses membres et a tâché d’exercer la charité au dehors. L’importance attachée aux questions sociales dans notre civilisation actuelle a posé à l’Eglise des XIXe et X Xe siècles des problèmes particuliers, qu’elle a résolus de diverses manières.

Certains chrétiens ont cherché à soulager la misère autour d’ eux sans créer de grandes organisations. Ils ont ainsi travaillé au bien-être matériel de leur entourage, comme par exemple Félix Neff dans les Hautes-Alpes, ou, avant lui, le pasteur Oberlin ( 1740-1826) du Ban-de- la-Roche en Alsace. Ce dernier, au cours d’un ministère de 60 ans, a appris à ses paroissiens, bûcherons grossiers, à cultiver un jardin, à construire des routes, il a introduit des métiers, tout cela avant tout pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

D’autres ont eu pitié de l’enfance abandonnée. Ainsi Georges Müller (1805-1898) a fondé un orphelinat à Bristol. Un de ses buts essentiels était de montrer au peuple de Dieu que le Seigneur prend soin de ceux qui s’attendent à Lui pour leurs besoins matériels. Sans jamais rien demander à personne, il a toujours reçu, en réponse à la prière, tout ce qui était nécessaire à l’ entretien des 2000 orphelins qu’il avait recueillis.

(J.-M. Nicole, in Précis de l’Histoire de l’Eglise, p. 250)

L’article qui suit contient essentiellement les réflexions-mêmes de G. Müller, telles que Mme G. Brunelles a traduites dans son livre: «Georges Müller, sa vie et son oeuvre» (Cahors, 1926, p. 358 à 366).

Economes du Seigneur : Quelques détails sur la gérance de G. Müller -29 mai 1874.

«Durant les trente ans écoulés, j’ ai souvent souligné que l’enfant de Dieu était l’économe du Seigneur, et qu’il y avait lieu de donner de façon systématique à mesure que Dieu bénissait, sans s’amasser de trésors sur la terre; j’ ai dit les bénédictions temporelles et spirituelles qu’il y avait à obéir au Seigneur, les fruits abondants que récoltaient ceux qui agissaient selon les principes qu’il pose lui-même… mais je n’ai pas donné en chiffres l’état de ma gérance. C’est ce que je veux faire passer maintenant sous les yeux du lecteur en remontant à l’époque où j’ai commencé d’ appliquer ces principes. Je ne recherche pas la louange des hommes mais la gloire de Dieu et le bénéfice que mes frères pourront tirer de mon exemple. Je laisserai les derniers mois de 1830 et commencerai avec 1831. Cette année-là, il plut au Seigneur de me donner trois mille sept cent quatre-vingt-quinze francs sur lesquels nous avons donné mille deux cent cinquante francs. Je dis nous, car ma bien chère femme partageait absolument ma façon de voir et elle désirait autant que moi vivre de façon simple et économique à cause du Seigneur.

En 1833, je reçus quatre mille huit cent quatre-vingts francs. Remarquez que le Seigneur nous rendit et bien au-delà, ce que nous avions donné pour lui, non seulement les douze cent cinquante francs, mais presque quatre fois cette somme. C’est ainsi qu’il fait; j’ai souvent eu l’occasion de l’observer durant ces quarante-quatre ans passés. Cette année-là, nous avons donné au Seigneur dix-sept cent cinquante francs. Une petite fille était née à notre foyer, mais cela ne modifia pas notre manière de faire; nous ne fûmes que plus désireux de nous amasser des trésors dans le ciel afin qu’elle aussi en eût le bénéfice.» (…)

Avec les années, G. Müller reçoit davantage: en 1839, quelque neuf mille francs et il donne aussi toujours davantage. Mais en 1840, il ne reçoit que six mille soixante-deux francs:

«Le Seigneur change souvent de méthode, écrit-il à ce propos. Non seulement cette année-là il n’y eut pas d’augmentation, mais encore une sérieuse diminution. C’est ainsi que Dieu éprouve souvent la foi de ses enfants ayant en vue leur plus grand bien: il leur enseigne de très précieuses leçons et permet certaines difficultés pour éprouver leur coeur. Et que fîmes-nous, ma chère femme et moi? Nous n’avons pas dit: «Le Seigneur nous a oubliés!» Nous n’avons pas dit non plus que, dorénavant, il y aurait lieu d’économiser l’argent dont nous n’avions pas besoin; mais nous continuâmes de donner dans la mesure du possible.

En 1841, l’épreuve de notre foi continua. Mais l’année suivante, il plut au Seigneur de nous confier davantage, soit huit mille deux cent quarante-quatre francs. Sur cette somme, nous avons donné trois mille deux cent cinquante francs. Nous ne nous sommes pas dit alors que la maison que nous habitions et qui était louée nous convenait, et qu’il serait sage de mettre de l’ argent de côté pour l’ acheter. Mais nous souvenant que nous sommes ici-bas étrangers et voyageurs, que nos possessions sont célestes et à venir, et que nous ne sommes que les économes de ce que le Seigneur nous confie, nous lui avons consacré tout ce que nous possédions. Je ne crains pas de me placer à côté du chrétien qui, en 1842, a essayé d’amasser des richesses pour lui-même et a persévéré dans cette voie, et de lui demander s’il est plus heureux que moi, et s’il a de plus brillantes espérances que les miennes pour l’éternité. Oh! si les chrétiens voulaient s’attacher à la Parole de Dieu et conformer leur vie à ce qu’elle enseigne!…

En 1845, je reçus dix mille huit cent trente-trois francs. Remarque, cher lecteur, qu’il plut au Seigneur de me rendre les deux mille cinq cents francs que j’ avais donnés en son nom, en 1844. Cette année nous eûmes la grande joie de pouvoir donner cinq mille cinq cents francs. Non pas dans le but d’obtenir davantage, mais pour que Dieu fût glorifié, avec les moyens qu’il lui plaisait de mettre à notre disposition. Tel répand son bien qui l’augmente encore davantage, et tel épargne outre mesure pour n’aboutir qu’ à la disette (Prov. 11.24).

En 1852, je reçus onze mille cent trente-sept francs. Que le lecteur veuille bien se souvenir que je n’avais pas de traitement, que je ne recevais rien pour les actes pastoraux…, que ni ma femme ni moi nous ne touchions rien comme directeurs des Orphelinats où cependant nous travaillions beaucoup tous les jours, et année après année. J’auraispu, en toute justice, attribuer à chacun de nous un salaire, car pour parler à la manière des hommes, nous le gagnions bien! Mais pour plusieurs raisons nous avons préféré ne pas le faire, et dépendre uniquement du Père céleste qui est toujours si bon et si tendre envers ses enfants.

En 1858,je reçus vingt-cinq mille sept cent vingt-sept francs trente-sept centimes et demi. Le total est exact, même pour les centimes. Il y a des centimes dans les sommes qui me sont envoyées anonymement. Tu es peut-être surpris du chiffre de cette somme, cher lecteur? C’est effectivement un chiffre élevé… mais tu as c’ertainement découvert mon secret… Ce n’est pas à cause de mes mérites, ni parce que je demandais quoi que ce soit aux hommes directement ou indirectement en leur laissant entendre mes besoins… Je n’en parle qu’à Dieu. Et quand il lui plaît de me donner plus que le nécessaire pour ma famille et pour moi, je le consacre avec joie à son oeuvre ou au service des pauvres ou aux membres de la famille qui peuvent en avoir besoin; je me considère comme l’économe du Seigneur; du moins j’essaye de l’être. Et il lui plaît de me confier toujours davantage, ce qui me procure la joie et l’honneur de pourvoir aux nécessités des autres et de donner pour son oeuvre. Sur la somme ci-dessus, nous avons donné dix-neuf mille neuf cent francs. (…)

En 1862… Dieu nous a fait la grâce de pouvoir donner vingt et un mille neuf cent vingt et un francs vingt-cinq. Je dis que Dieu nous a fait cette grâce. Car n’imagine pas, cher lecteur, que l’argent m’est indifférent, et que c’est pour cela que je le donne… Non, tu te tromperais fort. En cela comme en toutes choses j’ai besoin de faire monter vers Dieu la prière du psalmiste : Aide-moi, et je serai sauvé (Ps 119.117). Si j’étais laissé à moi-même et malgré toutes les expériences faites, je me laisserais aller à aimer l’argent, à l’entasser, à essayer d’augmenter ce qu’on me donne; car je suis calculateur par nature, et mon tempérament naturel est celui de l’homme d’affaires. Mais Dieu me fait la grâce de calculer pour l’éternité…, de calculer que le Seigneur Jésus s’est fait pauvre pour que je fusse enrichi, de considérer qu’il a versé son sang pour me sauver; il convient donc que je lui donne en retour ce qu’il lui a plu de me confier à titre d’économe.»

En 1870, l’année de la mort de Mme Müller, G. Müller reçut cinquante et un mille six cent quatre-vingt-sept francs quinze… sur lesquels il donna quarante-deux mille huit cent trente-neuf francs quarante-cinq.

Durant les années suivantes, Müller garda davantage par-devers lui; et il explique que cela ne provenait pas d’ une augmentation de dépenses personnelles, ou de ce qu’il s’était décidé à placer de l’argent… Non! mais il n’ avait pas eu l’occasion de tout dépenser utilement. Par contre, en 1874, il fut amené à donner durant les cinq premiers mois douze mille cinq cent francs de PLUS QUE CE QU’IL AVAIT RECU

A cette époque, les dons pour l’Oeuvre restant constamment en-dessous des dépenses, G. Müller considéra la situation en face. C’étaient deux mille cent bouches qu’il fallait nourrir chaque jour, sans compter tous les frais de vêtements, d’entretien, les soins médicaux, etc… De plus, il aidait cent quatre-vingt-neuf missionnaires, soutenait cent écoles ayant ensemble quelque neuf mille élèves, il fournissait des millions de traités et des milliers d’exemplaires de l’Ecriture. Enfin, à côté des dépenses courantes, il y avait les dépenses imprévues avec lesquelles il fallait aussi compter. Allait-il se trouver devant une caisse vide? Voici ce qu’il écrivit à ce propos:

«Dieu notre trésorier, notre trésorier infiniment riche nous reste. C’est cette pensée qui me donne la paix… Lorsque j’ai vu se dresser devant moi la possibilité d’une caisse vide, je me suis dit presque invariablement: Puisque Dieu s’est servi de moi pour fonder cette Oeuvre et qu’ il m’a conduit à l’agrandir, puisqu’ il a subvenu jusqu’ici, c’est-à-dire durant quarante ans, à tous ses besoins, il donnera encore le nécessaire. J’ai mis ma confiance en lui; il ne permettra pas que je sois confus.»

C’est à propos des sommes gardées pendant les années d’ abondance, surplus qui lui permit de traverser les mois de disette, que G. Müller écrivit les lignes suivantes:

«Ce serait une erreur de croire que je me hâte de dépenser ce que je reçois, comme si c’était un crime que de posséder quelques billets de banque. Non! Mais ce que je veux, c’est de ne jamais me considérer comme le propriétaire de ce que j’ai, peu ou beaucoup, et d’avoir présent à l’esprit que cela appartient à Dieu et non à moi… J’ai donc pu donner du 1er janvier au 26 mai 1874, beaucoup plus que je ne recevais et subvenir aux dépenses de l’Oeuvre que les dons ne couvraient plus.

Bien des lecteurs diront j’en suis sûr: Qu’il fait bon pouvoir donner ainsi! Qu’il est agréable de pouvoir répandre si largement. – Que j’aimerais pouvoir faire de même! Effectivement! C’est là une expérience bénie. Ne voulez-vous pas la faire aussi? Donnez, à mesure que Dieu vous bénit et qu’il vous accorde l’aisance. Ne donnez que peu si vous n’avez pas assez de foi pour donner beaucoup: mais ce que vous faites, faites-le de tout votre coeur, avec fidélité, avec persévérance. Ne faites pas un essai de quelques semaines seulement…, continuez quelles que soient vos circonstances…, et vous aurez toujours plus de joie à donner.

Encore un mot. Comme économes du Seigneur, il ne convient pas que nous dépensions largement pour nous-mêmes. Je me suis toujours accordé le nécessaire, et même ce qui rend la vie confortable, facile, surtout depuis que j’avance en âge; mais je me suis toujours gardé du luxe…

Et maintenant, au soir de la vie, pensez-vous que je regrette les six cent soixante-quinze mille francs que j’ai donnés jusqu’ici? Certainement pas! Et je bénis Dieu de l’honneur qu’il m’a conféré en me permettant de les donner».

La biographie de G. Müller peut être obtenue aux éditions Emmaüs (1982), sous le titre: «G. Müller, l’audace de la Foi.»

G.M.

Mettez-moi de la sorte à l’épreuve, dit l’Eternel des armées.
Et vous verrez si je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux,
Si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance.

Mal 3.10

 

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page