Dossier: Toronto
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Retour à l’essentiel

Quel quart de siècle extraordinaire que ce dernier dans l’histoire de l’Eglise ! Les «vents de doctrine» tous azimuts ont traversé nos milieux évangéliques proposant tour à tour la redécouverte de charismes oubliés, une louange style nouveau avec ses innovations musicales, l’évangile de la prospérité, les signes et prodiges vus comme support indispensable à l’annonce de la Bonne Nouvelle, diverses techniques pour accélérer la croissance de l’Eglise puis, plus récemment, une conception inédite de la «bénédiction» ! Ajoutons à cela l’attraction exercée par l’ocuménisme, l’influence du féminisme dans la conception du rôle de la femme dans l’Eglise, et une relation d’aide de plus en plus axée sur divers courants chrétiens de psychothérapie. Qu’on nous comprenne: la liste ci- dessus se veut une constatation plutôt qu’un jugement, car ce que l’Eglise oublie ou escamote sera tôt ou tard redécouvert et remis en lumière, mais avec le risque de le voir déformé ou exagérément exalté. Car il y a du bien dans certaines de ces tendances, pour autant qu’elles trouvent leur source dans l’Ecriture et lui restent conformes.

Toujours est-il que ces courants, qui provoquent une évolution rapide, nous poussent à poser la question: pourquoi sommes-nous si in fluençables, vulnérables, voire avides d’adopter toutes les nouveautés qu’on nous propose sans les soumettre au préalable à un examen critique, en nous demandant «Que dit l’Ecriture?» -et dans certains cas: «Que conclure à partir de ses silences?» On pourrait évoquer le désir sincère du réveil, ou peut-être un -esprit d’insatisfaction -..véritable «maladie évangélique» – qui pousse de nombreux croyants à rechercher de nouvelles expériences (et pourtant l’expérience bien comprise fait partie d’une vie chrétienne authentique), ou encore une atmosphère d’anti-intellectualisme encouragée par des invitations à «laisser notre intelligence au vestiaire» pour que l’Esprit ait toute sa liberté d’action. Mais je crois que la raison fondamentale de notre instabilité est tout simplement l’ignorance grandissante des Ecritures inspirée par l’indifférence à son égard, une perte de goût pour l’étude et pour la prédication systématique de la Parole de Dieu. Nous avons été frappés plusieurs fois ces dernières années par la mévente de livres «sérieux» sur nos comptoirs d’église – dictionnaires, concordances et commentaires bibliques. Et qui n’a pas encore assisté à un culte où la prédication avait été tout simplement supprimée afin qu’on ait «plus de temps pour la louange» ? Secoue-toi, peuple de Dieu, pendant qu’il en est encore temps!

Mais tout n’est pas perdu. Loin de nous le désir d’être les apôtres de la morosité! Il est encourageant, lors de notre cheminement avec différentes communautés évangéliques en Europe francophone, de rencontrer des croyants, parfois minoritaires, certes, qui réclament une solide nourriture biblique et qui disent: «Voilà ce dont nous avons besoin, et qui nous édifie». Pour chaque livre récemment paru qui déplore le glissement de l’Eglise vers l’ignorance et l’infantilisme, et qui parle du «scandale de la pensée évangélique», on peut en découvrir un autre qui voit l’avenir sous un angle plus optimiste. Notre Seigneur n’a pas abandonné son peuple, et il continuera à s’en occuper jusqu’au bout.

Après nous être demandés pourquoi nous en sommes là, notre préoccupation suivante devrait être de revenir à l’essentiel, c’est-à-dire nous demander tout à nouveau: «Que dit l’Ecriture?» et nous remettre à chercher, avec persévérance et sérieux, dans une étude attentive, les lignes de force qui se dégagent de l’Evangile livré une fois pour toutes par Jésus-Christ et ses Apôtres. En d’autres termes, sur quoi le Seigneur et les siens ont-ils insisté comme étant de première importance? Et inversement, quels thèmes sont-ils passés sous silence ou mentionnés incidemment? Où trouver les textes bibliques représentatifs qui mettent en relief ces thèmes, et qui par leur insistance nous préserveront d’un choix arbitraire, déséquilibré? Je pense, pour ma part, qu’il n’est pas difficile de repérer ces textes, et celui dont nous vous proposons l’examen ci-après en fait partie, nous en sommes persuadés. Il apporte, en effet, la réponse du Seigneur à trois questions fondamentales:
   1) qu’est-ce que la repentance?
   2) 2) qu’est-ce que la vie éternelle?
   3) qu’est-ce que la foi?

Nous encourageons ici nos lecteurs à méditer le chapitre six de l’Evangile de Jean, en particulier les versets 14 et 15, puis du v. 22 jusqu’à la fin du chapitre. Avant de dégager les trois questions fondamentales auxquelles le Seigneur répond dans son discours, reculons pour mieux sauter. Après avoir nourri une foule immense, puis calmé la tempête sur le lac de Galilée, Jésus retrouve ses interlocuteurs à la synagogue de Capernaüm. Fidèle à l’un de ses principes de rédaction, l’évangéliste ne se contente pas de raconter des faits, mais veut explorer aussi leurs prolongements, en l’occurrence les réactions des participants et le dialogue ou discours qui fait suite. Par ce biais, il développe les deux thèmes parallèles de la foi et de l’incrédulité, et retrace leur croissance sur la toile de fond de la confrontation avec le Christ.

L’échange avec les Galiléens tourne au vinaigre et devient un dialogue de sourds, s’envenimant pour passer du stade des questions (v. 25 à 40) à celui des murmures (41 à 51), puis à la querelle (52 à 59) pour aboutir enfin au scandale (60ss). Qu’est-ce qui les retient de croire? Jean l’a déjà dit d’une façon générale dans son diagnostic du ch. 3.18 à 21 : la haine de la lumière. Mais voilà: de chapitre en chapitre il nous présente les diverses racines de cette haine; la résistance des Galiléens semble motivée par deux préoccupations: leur nationalisme charnel, égoïste (v. 14 et 15), et leur matérialisme tout aussi charnel, sur lequel le Seigneur met le doigt (v .26). Nous y reviendrons, car dans son discours Jésus soulèvera ce problème d’incrédulité galiléenne. Au terme de cette confrontation étrange, mais combien actuelle, la majorité aura abandonné le Seigneur, tandis que la minorité, testée et fortifiée dans sa foi, lui sera plus attachée que jamais. Cette crise sert à souligner l’importance cruciale des paroles prononcées par le Seigneur.

Trois questions fondamentales

1) Qu’est-ce que la repentance?

La réponse à cette question est implicite, dès lors que Jésus prend ses distances d’avec ceux qui veulent le faire roi (v. 15), puis met en lumière la motivation qui les a poussés à le rechercher à Capernaüm (v. 26). L’intérêt qu’ils éprouvent à son égard est déformé, égoïste, déjà au niveau de leur pensée, de leur conception de la mission du Messie. Et si la repentance, au sens biblique (gr. metanoia = changement d’avis, réorientation du discernement moral), engage l’homme tout entier -intelligence, émotions et volonté-elle doit nécessairement opérer, d’abord, dans le domaine de la pensée, de la croyance, des convictions, pour produire un changement radical à ce niveau-là. C’est pour cela que Dieu nous fait l’honneur de s’adresser à nous comme à des êtres rationnels, capables de l’écouter et de le comprendre en faisant usage de notre intelligence, don du Créateur… sous l’éclairage de son Esprit! Plutôt que de «laisser notre intelligence au vestiaire», l’Ecriture nous invite à la soumettre au pouvoir du Saint-Esprit qui entend la libérer de l’erreur, la transformer et l’instruire.

Ainsi, conduit par l’Esprit et l’Ecriture (toujours les deux ensemble, jamais l’un sans l’autre), l’homme apprend la vérité, reconnaît et admet qu’il a fait fausse route dans ce qu’il pense et croit, confesse déjà cela comme un péché et accepte de revenir à « la case de départ » pour laisser corriger ses pensées, son système de valeurs, sa philosophie par celui qui est la Lumière. Cette démarche, humiliante, touche l’homme affectivement, peut produire des larmes de tristesse, et doit, pour être une repentance véritable, l’amener à décider de faire demi-tour et en finir avec le péché. Cette repentance, qui ouvre la porte à l’engagement de la foi, est l’ouvre du Saint-Esprit dans un cour soumis, réceptif. Ajoutons qu’il ne s’agit pas d’un pas unique au début de la vie chrétienne; au contraire, nous avons besoin de revenir toujours à nouveau au Seigneur et à sa Parole, non pas certes pour passer par une succession de conversions, mais pour laisser corriger, réorienter notre système de pensée, facilement détourné du chemin étroit de la vérité, et l’aligner sur celui du Christ. Sommes-nous prêts à le faire, ou connaissons-nous les mêmes blocages que les Galiléens?

Aveuglés, déformés par leur esprit nationaliste et matérialiste, devenus insensibles au trésor spirituel -le pain d’en haut -que le Christ leur offre, ils résistent, contestent, et finissent par lui tourner le dos. Ils ont refusé la Lumière, et se condamnent à rester dans les ténèbres et à perdre l’essentiel. L’avertissement est particulièrement approprié pour ceux d’entre nous qui, pendant de nombreuses années, se sont construit un système moral, philosophique, scientifique, voire religieux, qui constitue une barrière humainement insurmontable à un retour en arrière et un nouveau départ. On nous dit que le milieu des intellectuels est de tous les milieux le plus intolérant. Qu’il est difficile, en effet, de se dire au bout d’une carrière de 30 ou 40 ans: «Je me suis trompé, j’ai fait fausse route, je suis prêt à recommencer en acceptant de tout mettre en question et de devenir un disciple aux pieds du Christ, mon nouveau Maître!» Mais rien n’est impossible à Dieu.

2) Qu’est-ce que la vie éternelle?

On pense souvent, à tort, que la vie éternelle est «quelque chose», un billet gratuit pour le ciel que l’on peut mettre dans sa poche pour considérer ensuite le salut comme une affaire classée, une police d’assurance pour l’avenir et pour l’éternité. Non! La vie éternelle, c’est Quelqu’un: ce n’est rien moins que la personne de Jésus-Christ, mort, ressuscité et vivant éternellement, et qui déclare: «Le pain de vie, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde» (v. 33); «Moi, je suis le pain de vie»(v. 35); et encore: «C’est ici le pain descendu du ciel» (v. 58). Il le dira aussi à Marthe et à Marie: «Moi, je suis la résurrection et la vie» (11.25), ainsi qu’aux disciples dans la chambre haute: «Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie» (14.6).

La vie que nous donne le Seigneur est à la fois une réalité passée et présente. Il s’est donné pour nous, à notre place (v. 51) en tant que Souverain Sacrificateur qui a versé son propre sang en sacrifice expiatoire… cela, tout le monde le sait dans nos communautés! Mais sait-on tout aussi clairement que ce- lui qui s’est donné pour nous à Golgotha se donne à nous aujourd’hui? Que la vie éternelle, en définitive, c’est la vie du Christ en nous? Oui, notre Créateur non seulement nous a donné la vie du corps (gr. bios), mais ensuite, maintenant, par une nouvelle oeuvre de création, nous rend participants de la vie d’en-haut, de sa propre vie (gr. zôê). Qu’on ne nous accuse plus, comme on l’a fait autrefois, de nombrilisme… Car l’enseignement donné par le Maître à ses disciples dans la chambre haute est on ne peut plus clair à ce sujet ( v. ch. 14 à 16). Grâce à la présence en lui de l’Esprit de la promesse, le chrétien est celui en qui habitent tout aussi totalement le Père et le Fils (14.23). Dans la prière sacerdotale qu’il adresse au Père, Jésus dit au sujet de tous ceux qui croiraient en lui: «Moi en eux et toi en moi» (17.23). Paul en fera quasiment le centre de son annonce de l’Evangile, et reviendra là-dessus dans plusieurs de ses épîtres (v. par exemple, Ga2.20; Ep 3.17; Co 1.27).

Ajoutons, en anticipant, que quand le Christ entre dans notre vie et nous unit à lui-même, il vient tel qu’il est dans tout son ministère et avec toutes ses prérogatives. Nous ne pouvons pas l’accepter «en bouts et en morceaux»: Sauveur aujourd’hui, puis longtemps après, peut-être, Seigneur. Le principe est clair, même s’il nous faut une vie d’apprentissage pour en réaliser tout le potentiel: c’est tout ou rien! Nous l’accueillons sans réserve, en reconnaissant en lui notre Sauveur, Maître, Seigneur, Ami, Modèle, Guide… bref, tout ce qu’il veut être et accomplir.

Finie la solitude! Cette «dimension actuelle» de l’Evangile a été le message d’espérance qui a révolutionné la vie de tant de chrétiens, et les a libérés d’un service fatigant, souvent stérile, «pour» le Seigneur, à partir du moment où ils ont commencé à lui permettre de vivre sa vie en eux et au travers d’eux. C’est le message qui a bouleversé tant de hippies à San Francisco dans les années 70, car ils y ont découvert la réalité d’une Bonne Nouvelle actuelle, capable de transformer notre vie quotidienne: «Un Sauveur personnel, un Ami proche, actuel, en ce moment même… vous vous rendez compte?» A tel point que plusieurs d’entre eux ont fondé leur propre église, à laque!le ils ont donné le nom «The Jesus Christ light and power company» !

3) Qu’est-ce que la foi?

A partir du v. 29 et jusqu’au v. 58, Jésus utilise huit verbes -croire en, venir à, contempler, être enseigné de, entendre, recevoir, manger, boire – pour décrire la relation qui doit être établie et développée entre le disciple et son Maître. Il répète en particulier, au début, «croire» , et dans la seconde partie du discours, «manger et boire» .Quel sens donner à ces verbes, surtout aux deux derniers: une interprétation littérale, sacramentale ou spirituelle? Dans un musée moscovite consacré à l’athéisme on a vu un tableau qui se voulait une caricature: un énorme corps de Christ auquel étaient accrochés de nombreux chrétiens minuscules qui mordaient dans sa chair vive.

Quant à l’ interprétation «sacramentale», certains commentaires ont rapproché ces verbes de l’eucharistie pour affirmer qu’à la Table du Seigneur, en prenant le pain et la coupe, nous mangeons la chair de Jésus et nous buvons son sang. Sans vouloir entrer dans l’histoire de la longue controverse à ce sujet, nous dirons pourquoi nous croyons qu’il n’est pas question de la Sainte-Cène ici. D’abord, le repas du Seigneur devait être institué après les faits relatés. Ensuite, à Capernaüm Jésus parle à des non-croyants, pour qui manger le pain de vie devait conduire au salut; tandis que la Table du Seigneur concerne les chrétiens seulement, et représente notre communion avec le Christ et notre croissance en lui.

La clé nous est donnée dans deux versets: 57 et 63. Dans le premier, Jésus établit un parallèle, qui ne peut être compris que d’une manière spirituelle, entre le fait qu’il vit par le Père, et l’acte de le manger afin de vivre par lui. Dans l’autre, il dit: «La chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie.» Une compréhension littérale, charnelle des paroles de Jésus ne donnera pas la bonne interprétation. Celle-ci, spirituelle, n’est accordée qu’à l’homme spirituel, par le Saint-Esprit.

Dans son évangile, Jean utilise plusieurs constructions après le verbe croire pour en faire ressortir les diverses nuances. Nous comprenons, ainsi, que la foi, tout comme la repentance, est la réponse, l’engagement de l’homme tout entier vis-à- vis de Jésus-Christ, aux niveaux intellectuel, affectif et volontaire. Il est question de:
  1) «croire que…» (croyance intellectuelle),
  2) «croire en…» (confiance affective );
  3) «croire jusque dans…» (gr. eis: préposition indiquant mouvement, pénétration -engagement volontaire -v. 29, 35 et 40).

Si, par conséquent, la foi commence, voire continue par une démarche intellectuelle d’adhésion aux vérités de l’évangile, elle ne s’arrête pas là, mais entraîne le croyant dans un élan de tout son être. Croire en Jésus c’est, en définitive, se l’approprier, non seulement dans sa mort comme Sauveur, mais aussi jour après jour dans sa vie de Ressuscité, comme Seigneur, Modèle, Guide, etc. (voir plus haut)! Par un exercice constant de la foi, non seulement j’entre dans une relation personnelle, intime, vitale avec le Christ; mais par elle je maintiens et cultive cette relation. Manger la chair et boire le sang de Jésus, c’est m’approcher de lui, vivre dans sa présence, me tenir à ses pieds pour contempler sa personne, écouter son enseignement de manière à l’assimiler et m’y soumettre. Croire en Christ, c’est me lever pour le suivre, lui obéir, le servir avec fidélité et persévérance, exprimant ainsi ma confiance en lui et ma dépendance de lui… de celui qui ne cessera de pourvoir à mes besoins et d’assurer ma défense. Bref, croire en Christ, comme disait le Frère Laurent, c’est «pratiquer sa présence…»

CONCLUSION: RETOUR A L’ESSENTIEL

Il s’agit du cour de l’Evangile, de ce pour quoi, en notre faveur, le Christ est mort et ressuscité: une relation personnelle, dynamique, continue avec lui, dont le but est – et le résultat devrait être – de nous transformer à son image. L’alternative à laquelle nous sommes confrontés, (et les derniers versets du ch. 6 nous la présentent comme un défi, dans l’exemple des deux réactions contrastées), se situe entre le refus des Galiléens, figés dans leur incrédulité (v. 66), et la foi «malgré tout» de la poignée de disciples, exprimée dans la magnifique confession de Simon Pierre: «Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle, et nous avons cru [ et continuons à croire], et nous avons connu [ et continuons à connaître] que c’est toi [seul] le Saint de Dieu» (v. 68-69).
F.H.
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Horton Frank
Après des études au Biblical Seminary à New-York, Frank Horton a été secrétaire général des GBU en France, professeur puis directeur de l’Institut Biblique d’Emmaüs à St-Légier en Suisse. Retraité depuis plusieurs années, il poursuit son ministère d’enseignant. L’article que nous publions est un résumé d’un message donné en Angola, pays où il a passé son enfance avec ses parents missionnaires. Frank Horton est membre du comité de soutien de Promesses.