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Les attentes du monde d’aujourd’hui à l’égard de l’Eglise

Nous vivons un temps de crise et de mutations profondes.

Plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, les progrès technologiques permettraient de produire des biens et des services de qualité en abondance et rapidement, et pourtant les besoins fondamentaux de millions de personnes ne sont pas satisfaits. Les moyens de communications connaissent une expansion sans précédent, et pourtant les gens se sentent de plus en plus isolés. Le génie génétique et d’autres découvertes scientifiques laissent entrevoir la stabilisation sinon ta guérison de maladies considérées jusqu’il y a peu comme incurables ou irréversibles, et pourtant de nouvelles épidémies, la drogue et la pauvreté extrême tuent de trop nombreuses personnes dans la fleur de l’âge.

En dépit de ces prouesses technologiques et des immenses retombées et virtualités positives qu’elles entraînent, les hommes et les femmes des pays les plus riches de la planète tremblent pour leurs emplois, ont peur de voir leurs salaires et autres revenus diminuer au point de ne plus leur permettre d’acheter l’indispensable. Ils appréhendent d’être agressés psychiquement et physiquement. En un mot comme en cent, la plupart des êtres humains craignent aujourd’hui pour leur sécurité.

La société entière est en désarroi, crispée face à l’avenir, se demandant de quoi demain sera fait. La confiance dans les gouvernements s’érode dangereusement.

Cette situation constitue évidemment le terreau idéal de l’ émergence d’une nouvelle quête de spiritualité. Pour le chrétien que je suis, cette quête est rationnelle et réjouissante lorsqu’elle emprunte les chemins qui conduisent au seul vrai Dieu. Elle est en revanche irrationnelle et regrettable quand elle se manifeste par une fascination pour les religions orientales, les horoscopes ou les gourous tyranniques, assoiffés d’argent et parfois même de sang.

Il ne fait guère de doute que des millions d’êtres humains attendent quelque chose des Eglises chrétiennes, aujourd’hui peut-être même davantage qu’hier, même s’il en a toujours été ainsi. Les Ecritures l’attestent, puisque nous pouvons lire ce passage dans l’épître aux Romains (8.19): la création attend… avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu.

Mais cette attente est le plus souvent non formulée, confuse, comme tapie au fond de l’âme, à la lisière entre l’angoisse et l’espérance.

Par ailleurs cette attente présente un caractère ambigu, ressemblant étrangement à celle des enfants à l’égard de leurs parents, à celle des citoyens face à l’Etat, ou encore à celle des élèves face à leurs enseignants.

L’enfant fera tout pour que son père lui passe ses caprices, mais simultanément il souhaite que son père lui résiste afin de le protéger. Nous désirons presque tous que l’Etat prélève moins d’impôts et qu’il nous laisse faire presque n’importe quoi, mais dans le même temps nous en voudrions aux pouvoirs publics de ne plus assumer correctement leurs tâches et de ne plus réprimer les agissements qui mettent gravement et objectivement la vie sociale en péril. La plupart des élèves déploient des trésors de patience et d’imagination pour travailler le moins possible et obtenir de leur maître une agréable mansuétude, mais ils finissent par mépriser ceux qui n’exigent rien d’eux.

Ainsi sont les être humains, écartelés dans leur âme, comme victimes d’une espèce de schizophrénie morale, souhaitant pour eux-mêmes à la fois le bien et le mal, sans être capables de toujours trancher ce dilemme sans aide extérieure.
Cette contradiction ontologique, constitutive de la nature humaine, se retrouve évidemment dans leur attente face à l’Eglise chrétienne. D’un côté, nous, humains, aimerions que l’Eglise accommode son message aux vents de l’histoire, aux nécessités idéologiques et aux mours du moment, qu’elle taise tout ce qui résonne désagréablement à nos oreilles, mais d’un autre côté, nous aspirons, souvent plus inconsciemment que consciemment il est vrai, à entendre de l’Eglise un message vrai et fort, fondé sur l’entier de la révélation de Dieu, dût-elle blesser nos âmes et troubler notre confort ainsi que certaines de nos certitudes et pratiques dont nous soupçonnons qu’elles pourraient être fausses.

La Bible traite magistralement de cette contradiction majeure de l’âme humaine, notamment dans un épisode de l’histoire d’Israël que l’on découvre dans 1 Rois 22. Le roi de Juda et celui d’Israël projettent d’attaquer la Syrie pour reprendre un territoire perdu. Mais avant de faire la guerre, ils entendent connaître la volonté de Dieu. Les nombreux prophètes courtisans leur annoncent bien sûr la victoire. Mais pour plus de sécurité, on envoie chercher Michée, dont on connaît la fidélité à Dieu. Survient cette conversation révélatrice entre Michée et le roi d’Israël. Le roi s’exprime: Michée, irons-nous attaquer Ramoth en Galaad, ou devons-nous y renoncer? Michée, dans un instant de faiblesse ou par ironie répond: Monte, tu auras du succès… Et le roi lui dit: Combien de fois me faudra-t -il te faire jurer de ne me dire que la vérité au nom de l’Eternel? Michée affirme alors qu’il faut renoncer à la reconquête. Le roi d’Israël, furieux, dit à Josaphat, roi de Juda: Ne te l’ai-je pas dit? Il ne prophétise sur moi rien de bon.

Toute l’ambiguïté de l’attente des hommes à l’égard de l’Eglise se trouve dans ces dialogues. On veut connaître la vérité tout en désirant ne pas la connaître. On flatte et consulte les faux prophètes tout en les méprisant. On attend des prophètes véritables qu’ils annoncent la vérité, tout en les haïssant de cette haine faite d’un mélange d’admiration, de respect et d’aversion.

Or le devoir de l’Eglise est clairement de s’inspirer de l’attitude des prophètes véritables et non de celle des faux prophètes; de répondre aux aspirations justes, les meilleures et les plus élevées de l’être humain, et non de céder aux mauvais penchants qui se cachent en chacun de nous.

L’Eglise existe pour servir de témoignage à la vérité révélée en Jésus-Christ. Cette mission lui a été confiée par Dieu lui-même. L’Eglise ne peut être fidèle à l’humanité qu’en étant fidèle à Dieu et à sa Parole.

Aujourd’hui, comme par le passé, être fidèle à Dieu consiste tout d’abord, pour l’Eglise, à rappeler à nos contemporains les grandes vérités bibliques, à savoir:

Que l’univers est une création de Dieu et non pas le produit du hasard et de la nécessité comme le disait Jacques Monod dans les années soixante. Le premier verset de la Bible contient cette affirmation centrale: Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.

Qu’en dépit du mal et de l’action de Satan, Dieu exerce une souveraineté absolue sur l’histoire et la vie de tout être humain. A l’Eternel la terre et ce qu’elle renferme, le monde et ceux qui l’habitent (Ps 24.1).

Que tout être humain est marqué par le péché originel à la suite d’un mauvais choix de nos ancêtres communs, Adam et Eve. Il convient d’ajouter que dans leur situation nous aurions tous agi de la même manière, tentés que nous aurions été par le goût de l’inconnu, par l’attrait du mal, en dépit des conséquences connues.

Qu’il n’y a de salut individuel pour l’éternité qu’en Jésus-Christ. Il n y a de salut en aucun autre; car il n y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés (Act 4.12).

Que le ciel et la terre passeront (Luc 21.33). Cela implique que l’état définitif du Royaume de Dieu n’est pas de cette terre.

Qu’en conséquence l’Etat, institution divine, existe pour rendre la vie sur terre possible en dépit de la méchanceté du cour humain, selon le texte célèbre du 13e chapitre de l’épître aux Romains.

Pour l’Eglise, être fidèle au Dieu de Jésus-Christ consiste en outre à rappeler aux hommes et aux femmes de ce temps, le génie de Dieu, le génie de la Bible, le génie du christianisme, pour reprendre le titre d’un livre de Chateaubriand. L’Ecriture dit de Dieu qu’il est omnipotence, amour, justice et sainteté. Personnellement j’aime ajouter qu’Il est le génie incarné, sa quintessence.

Ce génie se retrouve dans l’équilibre qui caractérise la Bible. Il convient de le faire redécouvrir à nos contemporains.

L’Ecriture dit: Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures, car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu (Rom 13.1). Mais, dans un chef-d’ouvre d’équilibre, elle nuance tout aussitôt en proclamant: Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act 5.29), ce qui légitime l’objection de conscience contre les lois et ordres iniques de l’Etat. Appliquée uniquement dans ce domaine, l’Ecriture préviendrait aussi bien contre l’anarchie que contre le totalitarisme, ce qui souligne son apport inestimable aux nations et à la société.

Dans la foulée, l’Eglise doit répéter qu’il n’y aurait jamais eu de démocratie sans christianisme et plus particulièrement sans le protestantisme.

Cet équilibre exceptionnel et parfait de la Bible caractérise également les relations parents-enfants telles qu’elles devraient être: Enfants obéissez à vos parents, est-il dit en Eph. 6.1, mais la nuance suit immédiatement: Pères, n’irritez pas vos enfants (Eph. 6.4).

Alors que les Ecritures appellent sans cesse les hommes à être justes et saints, elle n’hésite pas à dire: Ne sois pas just à l’excès (Ecc17.16). Quel incroyable équilibre. Quelle incroyable richesse.

La Bible ruisselle de vérité tout au long de ses pages. Loin d’être un livre de contes, elle dépeint l’homme tel qu’il est, sans fard. Les errements du grand roi David y sont décrits sans complaisance. L’apôtre Paul a pu écrire à son propre sujet: Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas… Misérable que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort?. (Rom 7.19,24).

Le livre qui dit cela ne peut qu’être le livre de la Vérité. L’Eglise de Jésus-Christ doit plus que jamais répandre la révélation du Dieu de Jésus-Christ dans le monde où Dieu l’a mise et s’adonner à un véritable travail apologétique.

Chers amis lecteurs, merci d’être des témoins de la vérité dans vos villes et vos villages. Et souvenez-vous de ce que Christ disait à l’Eglise de Sardes: Rappelle-toi donc comment tu as reçu et entendu la parole, garde-la… (Apoc 3.3).

J.-P. G.
Dr. ès sc. politiques
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Graber Jean-Pierre
J.-P. Graber, docteur ès sciences politiques, est actuellement directeur d’une école de commerce en Suisse et politicien engagé. Il a publié une remarquable thèse intitulée Les Périls totalitaires en Occident (La Pensée universelle, Paris, 1983). Le texte qui suit est un condensé (librement adapté par C.-A. Pfenniger) d’une conférence de J.-P. Graber prononcée le 29 janvier 2005 à Lausanne. Le texte intégral paraîtra sur notre site Internet. L’auteur adopte des positions tranchées, qui sont présentées par Promesses pour alimenter la réflexion des lecteurs. Nous savons toutefois que tous les chrétiens ne sont pas unanimes au sujet de l’Union européenne.