Série: Chronique de livre
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ESTHER – Survivre dans un monde hostile (Daniel ARNOLD)

Daniel ARNOLD
Editeur: Editions Emmaüs, CH-1806 St-Légier, 208 pages, 2000

CET OUVRAGE est un commentaire évangélique du livre d’Esther. Un coup de chapeau à l’auteur de ce commentaire qui a le don – comme il nous l’a déjà prouvé par son dernier commentaire sur les Juges – d’aborder les questions qui préoccupent l’homme moderne. Malgré l’absence apparente de Dieu dans ce livre, il est partout visible par sa Providence. Il contrôle et règle tout, à chaque détail près, afin que ses desseins s’accomplissent en faveur de son peuple.

Esther aborde aussi les grandes questions qui agitent la société moderne: sexisme, féminisme, racisme, génocides, soif de puissance, légitime défense, sanctions, peine capitale, etc. Ce livre est donc passionnant et actuel.

Nous apprenons aussi à travers ce livre que nous pouvons «survivre dans un monde hostile», question aussi actuelle qu’au temps d’Esther. Le Dieu tout-puissant, saint et juste est aussi un Dieu de grâce et de tendre sollicitude envers tous les siens.

L’auteur du commentaire a divisé son ouvrage en six chapitres principaux: 1. Un aperçu de l’écho que le livre a reçu dans différents milieux; 2. Une synthèse des données sur les caractères des principaux personnages; 3. D’autres considérations littéraires sur la structure, le genre littéraire et le message du livre; 4. un examen des questions historiques: contexte, identification des principaux personnages, date de la rédaction et auteur, questions liées à l’historicité du livre; 5. Le commentaire des neuf chapitres du livre d’Esther et 6. Le problème du livre d’Esther dans la traduction grecque des Septante. Septante-sept pages sont consacrées à l’introduction du livre d’Esther, nonante- huit pages à ses neuf chapitres, commentés selon les divisions, quatorze pages pour la question de la traduction des Septante, et cinq pages pour la bibliographie.

Pour faire envie au lecteur d’étudier le livre d’Esther avec l’aide de cet ouvrage passionnant et instructif, il nous a semblé bon de nous y étendre un peu plus.

Un livre apprécié et contesté (p. 9 – 11). Nous apprenons que ce livre a subi à travers les âges passablement d’attaques quant à sa canonicité, son historicité et sa valeur spirituelle et éthique – certains rabbins, la traduction des Septante, qui a ajouté à peu près 50% de texte par rapport à la version originale en hébreu, l’Eglise d’Orient, l’Eglise d’Occident, même Luther à certains égards. Or l’ouvrage de Daniel Arnold démontre de façon magistrale combien le livre d’Esther est divinement inspiré, et met en valeur les différentes facettes de ce livre divin qui pointent vers son Auteur, comme par exemple, le rôle qu’y joue la Providence, sa logique, sa structure, son harmonie, son éthique, etc.

Le portrait des principaux personnages (pp. 13-32). Nous apprécions la perspicacité avec laquelle l’auteur de l’ouvrage décrit les personnages leur caractère et leur relation avec l’histoire d’Esther. Les événements s’enchevêtrent les uns dans les autres et Dieu, dans le livre d’Esther, fait intervenir chaque personnage et chaque événement au moment juste. Caractères et événements sont intimement liés, et D. Arnold fait ressortir avec force que Dieu reste le Maître de l’Histoire. De nos temps où les assauts contre l’inspiration plénière et l’inerrance des Ecritures se multiplient, il est encourageant de voir combien le Dieu souverain et omnipotent tient tous les fils de l’Histoire, lui dont la Providence ressort de façon si surprenante tout au long du livre.

Haman, personnage totalement égocentrique, orgueilleux, arrogant, colérique, impatient, ésotérique et superstitieux, est le type de l’insensé. Assurérus à la façade sympathique, passif et irresponsable, est toujours d’accord pour plaire à tout le monde, car il aspire à la toute-puissance, et il manque totalement de discernement. Pour délivrer son peuple des machinations diaboliques, Dieu sucite deux personnages singuliers: Mardochée et Esther. Mardochée, discret, réservé, humble, patient, persévérant, prévenant envers les faibles et respectueux du droit et de la justice est un homme ferme dans la foi et courageux; il ne recherche que l’honneur de Dieu. Il le fait dans l’abnégation de luimême. N’est-il pas une figure de la sagesse par excellence? Contrairement à Haman et Assuérus à l’éthique «utilitariste » et «situationnelle», Mardochée vit une éthique qui honore Dieu. Esther, soumise, vraie femme et discrète, développe son caractère à travers cette épreuve de force.Elle n’est pas le jouet du roi, mais l’instrument de Dieu pour préparer un renversement de situation. Grâce à sa discrétion, sa volonté et sa fidélité à son Dieu tout basculera en faveur de Dieu et de son peuple. Dieu, dans l’histoire d’Esther, est le personnage le plus important. Pourtant, son nom n’y apparaît jamais, et «il n’y aucune référence à la prière, au Temple, aux sacrifices, à l’alliance, à Jérusalem». Sa discrétion ne fait ressortir qu’avec d’autant plus d’éclat son contrôle souverain et sa providence dans les événements. A l’auteur de dire avec pertinence que «l’absence du nom de Dieu est un moyen propre à souligner que c’est le Dieu caché qui ouvre et accomplit ses desseins. Le livre d’Esther illustre la réalité d’un monde de prétention, où chacun veut paraître important et où Dieu est négligé. L’absence du nom divin se révèle donc comme fondamentalement pédagogique» (p.32).

Le message du livre et les caractéristiques littéraires (pp.33-77). «L’aventure d’Esther est donc celle d’un drame avorté, mais c’est aussi un drame conté». La narration produit un effet dramatique dans chaque chapitre et dans chaque situation. Le génocide planifié, décrété et vécu dans les premiers chapitres par les uns se transforme en un effet de boomerang contre les méchants. Une autre caractéristique du livre est la surprise qu’il produit sur le lecteur à chaque retournement de situation. «Esther est un livre à mystère». Plusieurs interrogations se posent au lecteur. Daniel Arnold nous donne trois groupes de questions intéressantes. On y trouve aussi de l’ironie. Il cite huit exemples de retournements de situations dans lesquels on a l’impression que l’auteur sacré choisit tel événement pour ironiser sur les intentions et les actes du cour du méchants parce qu’ils seront finalement anéantis par le Dieu invisible, mais bien à l’ouvre en faveur des siens. «Dieu règne en maître sur ce monde, même quand les hommes ne lui prêtent aucune attention». En revanche, la sagesse de Mardochée et d’Esther nous servent d’exemples. La sagesse du juste sort finalement au grand jour. La structure du livre contient plusieurs dualités composées de paires de personnages et d’événements et d’autres «éléments secondaires». L’auteur de l’ouvrage présente aussi «la structure d’Esther en forme de chiasme («procédé stylistique qui consiste à placer les éléments de deux groupes formant une antithèse dans l’ordre inverse de celui que laisse entendre la symétrie» (Le Petit Larousse). On y trouve deux fois sept éléments pour l’ensemble du livre (p.32). Puis, nous retrouvons des chiasmes dans les chapitres un (p.82), deux (p.93), trois (p.104), et quatre (p.114). L’histoire d’Esther affiche aussi un rythme qui «s’intensifie à l’approche du centre, puis se relâche vers la fin du livre. Il y a crescendo et decrescendo ». Le dénouement se trouve au milieu du livre (5.3-7.2), où nous assistons à un retournement foudroyant de situation avec deux éléments importants: «l’intervention divine et la ruse» sage d’Esther. Daniel Arnold relève aussi d’intéressants parallélismes entre Joseph et Mardochée, Moïse et Esther, Ruth et Esther, et Saül et Mardochée. Relevons également la réalité historique dont l’auteur parle. Ces «répétitions dans l’histoire biblique montrent l’unité fondamentale de dessein divin, alors que les différences reflètent les diversités de la vie, ainsi que les particularité du plan divin dans le temps».

Le message fondamental du livre pointe vers «la survie des fidèles dans un monde hostile», réalité très actuelle. Dieu reste-t-il passif, inexistant ? Esther démontre à quel point Dieu prend soin des siens dans toutes les circonstances de la vie. La sagesse, la pratique de la justice et la commémoration de la victoire sont trois enseignements précieux que la narration nous fournit. Le chrétien est aussi appelé à commémorer la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Bref, survivre dans un monde hostile est impossible sans le secours du Dieu invisible, omnipotent et toujours présent. Ces parallélismes doivent nous rappeler que Jésus a fait une «ouvre différente, meilleure et plus grande», car «le salut n’est plus lié à une terre», et le chrétien n’est pas appelé à se retirer du monde, mais à être un témoin de Christ. Nous sommes «dans le monde sans être du monde» (Jean 17.11,14,15). Le livre «d’Esther doit aussi être lu dans le cadre de la révélation progressive de Dieu». C’est une étape vers le divin Mardochée qui viendra délivrer son peuple et juger le monde. Dans cette attente, nous sommes appelés à mettre notre entière confiance en Dieu (Héb 11.1), même s’il reste discret sur la scène. Un mot encore concernant la typologie. Il faut être prudent dans ce domaine, car souvent de tels effort d’allégorisation peuvent aussi voiler une explication du comportement d’Esther et de Mardochée par exemple. Après tout, la victoire finale nous est assurée, mais nous ne devons pas nous arrêter à mi-chemin dans notre combat de la foi.

Contexte historique, date et auteur (pp.59-77). Cette partie est consacrée à une défense claire en faveur de l’historicité du livre d’Esther. L’auteur le fait avec compétence. En le situant entre 483 et 472 av. J.-C. et en l’insérant entre Esdras 6 et 7, soit entre la reconstruction du temple sous Darius I en 516 et le retour d’Esdras en 457. Assuérus est identifié à Xerxès. Les chapitres 1 et 2 d’Esther cadrent à merveille avec les événements cités par l’historien Hérodote. L’historicité de Vasthi, Esther, Mardochée et le génocide contesté par les théologiens libéraux ne résistent pas aux arguments avancés par Daniel Arnold. La date ancienne de la rédaction est en harmonie avec l’historicité du livre dont l’auteur pourrait bien être Mardochée, «auteur talentueux, capable de reconnaître dans l’histoire l’harmonie des desseins divins» (p.77).

Commentaire (pp.81-176). La seconde partie de son ouvrage est consacrée à un commentaire des neufs chapitres, subdivisés en chapitres et sections à l’intérieur des chapitres. Chaque chapitre est précédé d’une introduction. Ce qui rend le livre particulièrement attrayant, c’est l’actualisation des différents problèmes, événements et comportements des principaux acteurs à la lumière des textes sacrés. Les récits sont expliqués sous l’angle d’une éthique biblique en harmonie avec l’ensemble de l’Ecriture divinement et pleinement inspirée. La principale force de cet ouvrage est, à notre avis, de se focaliser sur la souveraineté absolue de Dieu et sur sa Providence, ce qui donne à la foi chrétienne un ancrage très solide dans un monde hostile.

Le livre d’Esther dans la traduction grecque des Septante (pp.179- 194). Cette annexe intéressante nous apprend que l’on passe de 167 versets du texte hébreu à 267 dans le texte grec de la version des Septante. Les omissions du texte hébreu sont de 9%, la traduction libre de 36% et seulement 55% du texte hébreu sont traduits fidèlement dans le texte grec. Toute cette problématique nous est donnée en détail, et nous apprécions ces informations précieuses qui nous rappellent combien nous devons être reconnaissants pour des Versions traduites sur la base des textes originaux en hébreu pour l’Ancien Testament et en grec pour le Nouveau Testament.

Bibliographie (pp.195-199). Elle contient cinq pages et est utile au lecteur qui aimerait approfondir encore l’étude du livre d’Esther.

Nous avons aussi apprécié les nombreuses notes explicatives et complémentaires au texte en fin de chaque page. Les quelques tableaux, dessins et graphiques frappent l’oil par leur clarté et leur simplicité et nous aident en même temps à mieux comprendre les explications.

En résumé, ce nouvel ouvrage qui vient s’ajouter à celui des Juges («Les héros de la foi») est venu enrichir la bibliothèque du lecteur assidu d’un nouveau «classique» parmi les commentaires excellents de la Bible, et nous le recommandons chaleureusement.

Henri Lüscher

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Lüscher Henri
Cofondateur de la revue, il y a 48 ans, Henri Lüscher se consacre encore à plusieurs tâches administratives et rédactionnelles en faveur de Promesses.