Série: les cinq 'soli' des réformateurs
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Sola Fide

LES CINQ «SOLI» DES RÉFORMATEURS

4e formule

Dans le dernier numéro de PROMESSES, nous avons consacré un article à la troisième formule des cinq soli: «Sola Gratia». Les Réformateurs exprimaient ainsi leur conviction que «par le salut nous sommes délivrés de la colère de Dieu, et cela par sa grâce seule. (…) Nous déclarons que le salut n’est en aucun sens une œuvre humaine.»

Les 120 pasteurs, théologiens et éducateurs mentionnés dans les articles précédents, réunis à Cambridge en avril 1996, constatèrent avec inquiétude les dérapages des milieux évangéliques inspirés par une fausse confiance dans les capacités humaines. L’estime de soi, l’évangile de la santé et de la richesse, la vente du message évangélique à des pécheurs devenus «consommateurs complaisants»… tout cela dénature la doctrine de la justification et la réduit au silence.

La Déclaration de Cambridge continue: «Nous réaffirmons que la justification est par la grâce seule au travers de la foi seule grâce au Christ seul. Par la justification, la justice de Christ nous est imputée comme unique satisfaction possible de la justice parfaite de Dieu.

«Nous déclarons que la justification ne repose sur aucun mérite qui nous soit propre, ni sur la base d’une infusion de la justice de Christ en nous par voie sacramentelle. Nous déclarons même qu’une institution qui prétend être une église mais qui refuse ou condamne la sola fide ne peut être reconnue comme une église légitime.»1

Cerner la foi

Mais sommes-nous sûrs d’avoir compris ce que veut dire la Bible quand elle parle de «foi»?

«Il y a plusieurs années, un responsable d’organisme chrétien international destiné à la jeunesse me demanda de regarder, avant sa distribution, un film de formation produit par ce groupe. Le sujet en était l’évangélisation, et le film enseignait aux jeunes à ne pas dire aux non-croyants qu’ils devaient obéir à Christ, lui donner leur cœur, lui consacrer leur vie, se repentir de leurs péchés, se soumettre à la souveraineté du Seigneur et le suivre. D’après le film, informer les non-croyants de telles choses ne ferait que compliquer le message de l’Evangile. Le film recommandait de ne donner que les faits objectifs relatifs à la mort de Jésus (sans mentionner la résurrection), puis d’indiquer aux noncroyants qu’il serait bon pour eux de croire. Pour conclure, il était indiqué que la foi qui sauve se réduisait simplement à la compréhension et à l’acceptation des faits de l’Evangile. (…)

«Des foules de gens viennent à Christ bardés de telles convictions. Croyant qu’il ne relèvera pas leur péché, ils s’approchent de lui avec empressement, mais sans comprendre la gravité de leur culpabilité devant Dieu, sans désir d’être libérés du joug du péché: ils ont été dupés par la présentation d’un Evangile corrompu. On leur a dit qu’ils pouvaient être sauvés par la foi seule, mais ils ne comprennent ni ne possèdent la foi réelle. La prétendue foi sur laquelle ils s’appuient n’est qu’un assentiment intellectuel à une série de faits. Cette foi ne peut les sauver.»2

Confusion

1. Substituts

La foi est souvent confondue avec une confession de foi «doctrinalement correcte ». Comme l’indique l’exemple cité cidessus, celle-ci peut être réduite à sa plus simple expression: «Je crois que Jésus est mort pour mes péchés». Il suffit de croire que… Et pourtant, ainsi que nous le verrons ci-après, l’assentiment intellectuel est une composante indispensable – mais insuffisante en soi – de la foi au moyen de laquelle nous sommes sauvés.

Nombreux sont ceux qui se contentent d’appartenir à une église et d’assister plus ou moins fidèlement à ses offices. Ce christianisme de nom, d’habitude ou de tradition se passe facilement d’une foi réelle.

D’autres mettent leur confiance dans les sacrements, et comptent sur la prétendue efficacité du baptême et de l’eucharistie – l’erreur romaine dite ex opere operatum que l’on trouve parfois sous une forme atténuée dans certaines églises protestantes.

D’autres encore comptent sur le feeling, sur une expérience subjective, mystique, divorcée de la vérité objective révélée par Dieu.

Un autre substitut à une foi réelle est la crédulité, l’attitude de ceux qui, en l’absence de toute évidence, acceptent pour vrai ce qu’ils désirent ardemment. Les rumeurs de guérison miraculeuse de certaines maladies incurables peuvent encourager ces faux espoirs.

Enfin, un autre substitut encore à la vraie foi est l’optimisme, l’idée qu’il suffit de cultiver une attitude mentale positive, de se persuader qu’une chose désirée est vraie pour que celle-ci se produise.

2. Objections

«La foi est naïve, sans fondement solide, un saut dans le vide. Elle commence là où s’arrête la raison!» Affirmer cela, c’est ignorer que la foi biblique est fondée sur un témoignage solide, digne de… foi – la Parole de Dieu.

«La foi est insuffisante: il faut y ajouter une contribution – de bonnes œuvres, un effort personnel – pour mériter le salut!» C’est ignorer la façon péremptoire dont l’Ecriture écarte les œuvres (Ep 2.8-9). Pourtant ce désir de faire quelque chose reste profondément ancré dans le cœur de l’homme.

«La foi est trop facile: il n’y a qu’à croire, sans rien changer, et tout ira bien!» Critique valable si la foi se réduit à une simple démarche intellectuelle, comme nous l’avons déjà vu.

Qu’est-ce donc que la foi au sens biblique?

Dans les évangiles synoptiques, la foi est avant tout la confiance dans la puissance et la bonté de Dieu, et l’exigence de la foi en Jésus n’y est souvent qu’implicite. Chez Jean, la foi est une notion-clé, fondée sur le triple témoignage solide et inébranlable de la personne, des paroles et des œuvres du Christ. Elle commence par l’acceptation de la véracité des témoins de Jésus, passe par la confiance dans les paroles, les œuvres et la mission messianique de Jésus, et conduit à la réponse de l’homme tout entier à la personne de Christ. Ce sont ces trois dimensions de la foi que nous voulons développer ci-après, en nous fondant sur le quatrième évangile.

Le verbe «croire» (gr. pisteuô ), utilisé une centaine de fois dans Jean, est suivi par différents compléments qui font ressortir diverses nuances de la foi. Voici les trois constructions les plus souvent utilisées:

1) «Croire que…» (pisteuô hoti…) suivi par une phrase à l’indicatif (9 fois dans Jean): il s’agit d’une démarche intellectuelle, d’un assentiment à la véracité d’une déclaration, d’une conviction que cette proposition est digne d’acceptation. L’exemple que nous avons choisi: «Si vous ne croyez pas que Moi je suis, vous mourrez dans vos péchés» (8.24b), met aussi en relief l’importance de ce pas que les théologiens désignent du mot latin notitia, connaissance. On a bien dit que «rien ne peut entrer dans le sanctuaire du cœur sans passer d’abord par le vestibule de la pensée». Les propositions dans Jean concernent la révélation que Dieu a donnée à propos de Son Fils Jésus – son identité, son origine, sa mission, son autorité et sa destinée. Ainsi que nous l’avons déjà dit: cette foi, insuffisante en soi mais indispensable, doit nous conduire plus loin!

2) «Croire en ou à…» (pisteuô) plus parfois la préposition en (= en), suivi par un complément au datif (20 fois): il s’agit d’une démarche essentiellement affective, d’un élan de confiance inspiré par les paroles et la personne de Jésus, appelé assensus par les théologiens. Dans sa conversation avec la femme Samaritaine, Jésus l’encourage («Croismoi », 4.21) à lui faire confiance. Accepter les paroles du Seigneur nous conduit logiquement à nous appuyer sur lui.

3) «Croire en…» (pisteuô eis: litt. «jusque dans» avec mouvement de pénétration), suivi par un complément à l’accusatif (38 fois!): il s’agit d’une démarche essentiellement volontaire, aboutissement des pas de foi intellectuel et affectif qui la préparent, d’un engagement vis-à-vis de Jésus-Christ appelé fiducia par les théologiens. Ayant compris et adhéré à la vérité de l’évangile, m’appuyant sur Celui qui a pris ma place à la Croix, je m’abandonne à Lui, pour me soumettre à Son autorité et Le suivre comme disciple dans une vie d’obéissance. Cet acte – ou plutôt cette marche dans la foi – a le plus grand poids dans l’enseignement de Jésus. Il ne suffit pas d’adhérer aux vérités du christianisme: «Tu crois qu’il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi et ils tremblent» (Jac 2.19). Ainsi dans le verset le mieux connu de la Bible: «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui [litt. jusque dans… s’engage de tout cœur] ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle» (3.16).

Conclusion

La foi au moyen de laquelle nous sommes sauvés est la réponse de l’homme tout entier – pensée, émotions, volonté – par un engagement pour la vie, à Jésus-Christ, reconnu comme Sauveur et suivi comme Seigneur.

Notes :
1 V. PROMESSES 1997/2, p. 13s.
2 John F. MacArthur in «L’Evangile selon Jésus», Ed. Impact, Cap-de-la-Madeleine, QC, Canada, 1998, p. 223s.

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Série : les cinq 'soli' des réformateurs
Horton Frank
Après des études au Biblical Seminary à New-York, Frank Horton a été secrétaire général des GBU en France, professeur puis directeur de l’Institut Biblique d’Emmaüs à St-Légier en Suisse. Retraité depuis plusieurs années, il poursuit son ministère d’enseignant. L’article que nous publions est un résumé d’un message donné en Angola, pays où il a passé son enfance avec ses parents missionnaires. Frank Horton est membre du comité de soutien de Promesses.