Dossier: La Bible, repère pour la vie
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La Bible: un message déconcertant

Jésus a souvent été choqué par la manière dont ses contemporains comprenaient les Ecritures. Pas étonnant que sa lecture à Lui les ait à son tour déconcertés.

Voici du reste le principal reproche qu’il adresse aux théologiens de son temps :

"Vous sondez les Ecritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle: ce sont elles qui rendent témoignage de moi. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie!" (Jean 5.39,40).

De quelle manière ces Ecritures rendent-elles témoignage de l’œuvre et de la personne de Christ, et pourquoi est-il si difficile de venir à lui pour avoir la vie ?

Jésus s’est entretenu de cette question avec un « docteur de la loi » qui l’avait abordé.

A. Au cœur du problème

A celui qui voulait apprendre quel était "le plus grand commandement de la loi", Jésus répondit en s’appuyant sur deux versets de l’Ancien Testament seulement (Mat 22.39,40):

"Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement.
Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes."

Il y a beaucoup dans cette réponse.

1. "Tu aimeras le Seigneur" : la Bible est un livre qui s’intéresse essentiellement aux relations entre l’homme et Dieu. L’existence de l’homme ne peut se comprendre sans l’existence de Dieu, car l’homme a été créé pour aimer Dieu. Toutefois, Dieu est Seigneur, à la fois Créateur et Maître de ses créatures. L’amour de l’homme envers Dieu, et son bonheur, commencent d’abord par l’acceptation de cette souveraineté, de cette radicale transcendance.

2. "…le Seigneur, ton Dieu" : l’homme est destiné à une relation privilégiée, exclusive, intime et personnelle avec son Seigneur. Aussi la Bible ambitionne, pour ses destinataires, bien au delà de l’initiation à une forme particulière de sagesse, de l’adoption d’un code éthique, de l’apprentissage de nouveaux modèles de pensée, de la pratique d’une ascèse quelconque. Elle les replace devant leur centre de gravité par excellence, et leur plus grand trésor: le Dieu éternel.

3. "… de tout ton cœur" : un lien d’amour avec le Dieu de l’Univers ne peut se limiter à une coexistence pacifique ou à une relation d’affaires. Le cœur tout entier est requis, et doit rester mobilisé en permanence pour Dieu. Le cœur, c’est-à-dire le quartier général de mon individu, ce poste de commandement qui décide de mes engagements, de mes choix de vie, de la mise à disposition de tout mon être… le cœur sans lequel tout acte n’est que gesticulation, trompe-l’œil, ou camouflage.

4. "… de toute ton âme" : bien que les termes de cœur et d’âme soient parfois interchangeables dans l’Ecriture, le contexte indique qu’ici l’âme doit être comprise comme une entité distincte du cœur. Il n’est pas déraisonnable de penser que Jésus parle de l’âme comme du grand clavier du corps et des sens, des sentiments, des émotions, et des mouvements caractéristiques de notre tempérament. Dieu ne compte pas seulement sur la soumission de notre volonté, sur un attachement loyal et résolu, mais aussi sur des âmes qui vibrent pour lui, sur des vis-à-vis passionnés par lui.

5. "… et de toute ta pensée": plus de doute, notre relation avec Dieu est réellement destinée à envahir tout le champ du vécu. Elle inclut la totalité de notre être. Elle est "holistique" au plus haut degré. Par conséquent, si notre relation avec Dieu n’est fondée que sur la volonté et sur les émotions, elle se trouvera tôt ou tard prise en défaut. Il y manquera la composante structurante de la pensée, il y manquera la cohérence, la clairvoyance, et cette intelligence réflexive qui nous distingue de l’animal. La soumission à Dieu, notre amour pour lui, n’entraînent pas la régression et la cessation de l’effort intellectuel. C’est le contraire qui doit se produire.

6. "Tu aimeras ton prochain comme toi-même": le message biblique serait à coup sûr irrecevable s’il minimisait l’importance vitale des relations entre humains. Un Dieu tout entier occupé au bien-être de ses créatures pourrait-il négliger de leur enseigner comment se comporter les unes à l’égard des autres? Notre amour envers Dieu peut certes se concrétiser dans la foi, dans la prière, dans l’exercice d’une activité pratique, mais peut-il faire l’économie de notre responsabilité envers nos frères humains? Notre amour pour Dieu et pour notre prochain s’authentifient l’un par l’autre.

"De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes":
des deux "lois" rappelées par Jésus découlent tous les enseignements fondamentaux de l’Ancien Testament ("la loi et les prophètes", comme en Rom 3. 21, désignent toute la Révélation vétéro- testamentaire). D’une manière magistralement panoramique, Jésus dévoile l’unité du message biblique, son origine divine, son objectif premier, et ses implications dans tout ce qui touche à notre sphère abusivement appelée privée. Marc, dans son Evangile (12. 32,33), rapporte que le docteur de la loi qui vient de recevoir cette réponse est touché au vif: "Bien, maître, tu as dit avec vérité que Dieu est unique, et qu’il n’y en a point d’autre que lui, et que l’aimer de tout son cœur, de toute sa pensée, de toute sa force (notez qu’ici l’"âme" est remplacée par la "force"), et aimer son prochain comme soi-même, c’est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices" (notez encore: Jésus n’a pas évoqué les holocaustes et les sacrifices, mais le docteur a déjà compris que quelque chose clochait dans la religion purement formaliste et légaliste de la majorité des Juifs de son temps).

B. Un "brave homme" mal dans sa peau

En fin d’entretien, Jésus, "voyant qu’il avait répondu avec intelligence", déclare à son interlocuteur: "Tu n’es pas loin du royaume de Dieu" (Marc 12.34). Cette marque d’approbation de la part de Jésus a de quoi surprendre, dans le contexte de ces chapitres, car le Seigneur va réserver ses plus sévères critiques aux scribes, aux pharisiens, et aux docteurs de la loi. En quoi ce scribe-là s’est-il rapproché d’une juste compréhension de l’Ecriture?

Cet homme se distingue par une honnêteté intellectuelle et morale nettement au-dessus de celle de ses pairs. Plus transparent qu’eux, il laisse entrevoir, derrière ses "questions-pièges", un malaise spirituel. D’emblée il a demandé, dans le récit parallèle de Luc: "Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?" (10.25) Sachant que seul Dieu peut octroyer la vie éternelle, reconnaissant implicitement l’excellence de la loi, ce grand érudit se trouve probablement confronté, jour après jour, au plus cruel constat: il est incapable de pratiquer ce qu’il souhaite pratiquer pour plaire à Dieu. Il est par conséquent à l’extérieur du royaume de Dieu. Dieu n’est pas encore son seul suzerain. Ce scribe n’a pas la vie éternelle.

Luc nous offre un indice supplémentaire de l’échec de cet homme. Lorsque Jésus fait mine de clore la discussion en lui recommandant: " Tu as bien répondu: fais cela, et tu vivras" (10.28), ce dernier cherche immédiatement à se justifier en prétextant qu’il n’est pas si aisé de savoir qui est ce prochain qu’il doit aimer comme lui-même. Et Jésus de rebondir en lui racontant l’histoire du "bon Samaritain".
Le malheur du scribe est de ne pas aimer Dieu au point d’aimer son prochain, et de trop s’aimer lui-même pour s’éprendre de Dieu. En ce sens, il est représentatif de toute notre race; le diagnostique biblique est péremptoire à ce sujet: "Vous étiez autrefois éloignés de Dieu et ennemis (de Dieu) par vos pensées et par vos mauvaises œuvres", rappelle l’apôtre Paul aux chrétiens de Colosses (1.21 a); "Vous étiez morts par vos offenses" (2.13 a).

Mais la Bible serait fort énigmatique, ou même totalement désespérante, si elle se limitait à la narration de rencontres comme celle de ce scribe et de Jésus. En explorant l’ensemble du message évangélique, il est possible d’envisager la solution que Jésus a préparée pour tous les scribes de tous les temps.

C. Illusions indésirables.

Pour accéder à la vie éternelle, voici deux illusions que notre scribe aurait dû jeter aux orties.

1ère illusion: le salut est une affaire de connaissance

Le scribe cherche le chemin de la vie éternelle en tâchant d’accroître ses connaissances sur le sujet. Cet intellectuel présuppose donc que la connaissance sauve.

Grave méprise : cette thèse ne fait que perpétuer les mensonges du Serpent en Eden (Gen 3.5,6). Souvenons-nous que nos premiers parents, faits à l’image de Dieu, vivaient à l’origine dans une communion lumineuse avec leur Créateur, et l’un avec l’autre. Pour avoir voulu accéder à une connaissance supérieure, les malheureux, au prix d’une désobéissance insensée, ont provoqué une rupture de communion avec leur divin Maître. L’esprit humain, dès cet instant, est devenu esclave de lui-même et de Satan : la gestion de la « connaissance du bien et du mal » se dérobe à son contrôle.

Voilà donc ce que nous devons reconnaître en préambule à tout espoir de salut : notre condition terrestre, nos relations avec Dieu et avec nos semblables, sont marquées par le péché (et entre autres, par les faux raisonnements), par le mal et par la mort. Parce que nos cœurs, nos âmes et nos pensées sont perméables aux suggestions et aux séductions du Diable, et se portent naturellement vers le mal, aucune connaissance, même "biblique", ne peut nous dépêtrer de nos sables mouvants. Notre bonne volonté, nos bonnes intentions, nos bons sentiments, voire nos élans sublimes, nos intuitions géniales ont beau être appelés à la rescousse, c’est en vain. Aucune connaissance n’est en mesure, à elle seule, d’arrêter notre descente vers la mort éternelle, vers la séparation définitive d’avec Dieu. Pas même la connaissance des deux plus importants commandements divins.

2ème illusion: le salut est une affaire d’actes justes

Comme des millions d’Israélites avant et après lui, notre scribe s’était efforcé de respecter la loi de Dieu. Résultat : ni lui, ni aucun de ses coreligionnaires n’ont été en mesure d’obéir ne serait-ce qu’aux deux premiers commandements. Malgré la providence divine, les délivrances, les moyens de grâce et de pardon, malgré la patience de Dieu, les faveurs imméritées, et tout le cortège des prophètes, des messagers divins, des signes et des miracles, le peuple d’Israël, microcosme de l’humanité, n’a pu se sauver par les œuvres de la loi.

Mais pourquoi les écrivains sacrés ont-ils rempli tant de pages sur ce thème? Pourquoi comptabiliser ces interminables suites de transgressions, de trahisons et d’infidélités? N’est-ce pas parce qu’il est fort ardu de nous persuader de l’absolue perversion de notre nature, et de l’absolue nécessité d’un Sauveur divin. Or il nous est vital de nous laisser convaincre, "car tous ceux qui s’attachent aux œuvres de la loi sont sous la malédiction; car il est écrit: Maudit est quiconque n’observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loi, et ne le met pas en pratique" (Gal 3.10). A lire les âpres débats entre Christ et ses opposants, l’orgueil et la volonté de l’homme renâclent devant cette logique-là.

D. Réalités nouvelles

En amenant son interlocuteur dans les impasses historiques et théologiques dont nous venons de parler, Jésus ouvrait la voie à de nouvelles réalités. En voici deux qui, sûrement, constituent l’épine dorsale de l’Evangile (c’est-à-dire du message biblique complété par la Révélation néo-testamentaire), et qui peuvent nous le rendre entièrement profitable.

1. Dieu accomplit à notre place ce qui nous est impossible

"Lorsque nous étions sans force, Christ, au temps marqué, est mort pour des impies" (Rom 5.6).
"Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs,
Christ est mort pour nous"
(Rom 5.8).

– Accéder à la vie éternelle par l’observation sans faille de tous les commandements de Dieu,
– offrir un sacrifice parfait et définitif en vue du pardon de tous les pécheurs de tous les temps,
– ouvrir toute grande la porte de la réconciliation avec Dieu, par la repentance et par la foi en Christ,
– attirer tous les hommes à Dieu,
– et préparer une place dans le Ciel à tous les disciples de Christ, pour qu’ils demeurent à toujours
avec Lui,
… voilà quelques œuvres impossibles à l’homme, mais accomplies par le Fils de l’homme en notre faveur.

"Car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même, en n’imputant point aux hommes leurs offenses…" (2 Cor 5.19 a).
" Qui peut donc être sauvé? Jésus les regarda et leur dit: Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible" (Mat 19.25, 26).

Que cette possibilité provienne précisément de l’Offensé et du Juge montre l’étendue de son amour, et l’impensable abnégation du Sauveur du monde. Quel poids immense et insupportable serait tombé des épaules du scribe s’il avait compris cela!

2. Dieu nous rend capables de l’impossible

Jésus-Christ n’a pas accompli l’œuvre de leur salut pour transformer les croyants en timides contemplatifs. Les deux premiers commandements sont une montagne infranchissable pour l’homme naturel. Mais Dieu fait de ses enfants, les croyants, de nouvelles créatures capables de choses nouvelles. Il leur envoie sa Parole et son Esprit pour nourrir leur cœur, leur âme et leurs pensées. Il met en eux un esprit nouveau. Il leur insuffle une nouvelle raison de vivre et de se réjouir. Il leur ouvre le chemin de l’espérance et de la victoire sur le péché. Il les rend capables d’aimer leur prochain. Il les envoie comme témoins de sa résurrection. Il leur fait des dons spirituels et les incorpore à l’Eglise, qui est "la colonne et l’appui de la vérité" (1 Tim 3.15 b).

Ceux de ses enfants qui collaborent à ce programme peuvent témoigner: "C’est Dieu qui agit en nous…c’est lui qui produit en nous le vouloir et le faire" (cf. Col 1.29; Phil 2.13). Ce que la loi est impuissante à donner, la foi en Christ nous l’accorde avec abondance. Ainsi pouvons-nous être rendus capables de toute bonne œuvre pour l’accomplissement de la volonté de Dieu; ainsi Dieu peut-il faire en nous ce qui lui est agréable (cf. Héb 13.21). Jour après jour, selon les plans de Dieu, nos cœurs, nos âmes et nos pensées sont modelés par l’Ecriture, afin que nous devenions des hommes et des femmes de Dieu accomplis (cf. 2 Tim 3.16,17). Et lorsque nous traînons les pieds, sommes infidèles, ou péchons, Dieu nous soumet à une discipline qui finit par produire "un fruit paisible de justice" (Héb 12.11 b).

Conclusion: la leçon de théologie que Jésus offre à son docteur de la loi nous introduit au cœur de la Révélation divine. Elle éclaire l’Ancien Testament, et prépare le Nouveau. Elle nous fait découvrir que la Bible, lue sous l’angle de la Chute et de la Rédemption de l’homme, retrace l’histoire d’un sauvetage réellement déconcertant. On parle dans ce livre d’une créature naufragée qui ne veut pas se laisser sauver, ou prétend se sauver toute seule. On y entend Dieu condamner ces folles tentatives, mais tout engager pour arracher l’hommes à ses illusions mortelles. On y voit le Fils de Dieu quitter la gloire, et offrir sa vie en rançon pour le salut de ses ennemis. Et enfin, on y apprend la possibilité d’une recréation spirituelle si parfaite qu’elle permet aux esclaves du péché de devenir des serviteurs et des servantes de l’Eternel.

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Pfenniger Claude-Alain
Claude-Alain Pfenniger, marié, père de trois (grands) enfants, est professeur de langues retraité. Il a exercé des fonctions pastorales en Suisse et a collaboré à la rédaction de diverses revues chrétiennes. Il est membre du comité de rédaction de Promesses depuis 1990.