Série: Histoire de l'Eglise
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Les controverses doctrinales 312-590 ap. J.C. (4)

Histoire de l’Église

I. Introduction

Une lecture, même rapide, du N.T. peut nous convaincre qu’une saine doctrine est essentielle et les premiers chrétiens tenaient à la Vérité. La doctrine détermine le contenu du salut et elle influence la conduite quotidienne. Après un calme doctrinal relatif pendant les trois premiers siècles, le Corps de Christ a été secoué par des discussions âpres au sujet du contenu de la doctrine biblique :

1) Comment Christ, le Fils de Dieu, est-il lui-même Dieu (la doctrine trinitaire), en même temps homme et Dieu (la doctrine de la personne de Christ) ?
2) Comment distinguer le Père du Fils sans nier la vraie humanité, ni la vraie divinité absolue du Fils ? Les meilleurs penseurs et théologiens s’y sont penché pendant 125 années (de 325 à 451).

L’hérésie consiste souvent, au départ, à s’accrocher avec ténacité à un aspect évident, mais incomplet, de la vérité biblique. Cet aspect, développé hermétiquement, est déformé jusqu’à compromettre l’équilibre de toute la saine doctrine. En relisant cette histoire doctrinale, si complexe et subtile – où même parfois l’incompréhension et la violence dominaient – je suis émerveillé par la manière dont les doctrines du N.T. se sont imposées. Chaque protagoniste se servait de la Bible pour affirmer « sa vérité ». Où est La Vérité ? Sans la ténacité de certains érudits éclairés par le Saint-Esprit quant à l’enseignement du N.T., le christianisme aurait sombré dans le marasme hérétique : les vérités concernant le Christ, la rédemption, le salut par la grâce, la vie éternelle auraient été irrémédiablement perdues. Nous devons remercier Dieu pour le contrôle qu’il a exercé sur l’élaboration de la doctrine dans cette période.

L’orthodoxie a été définie par les travaux exténuants des quatre premiers Conciles, appelés « œcuméniques » (= généraux), où étaient représentés les chrétiens de tout l’Empire, et tenus sous les auspices des empereurs romains (!) : les conciles de Nicée (325), de Constantinople (381), d’Éphèse (431) et de Chalcédoine (451). Seul un survol en est possible ; mais il vaut la peine de lire les textes qui y ont été élaborés pour saisir pourquoi ils ont tenu à l’orthodoxie doctrinale, comme nous le faisons aujourd’hui.

II. Les Quatre Conciles.

A. Le Concile de Nicée (325)

Arius, ancien d’une église d’Alexandrie en Egypte, veut à tout prix sauvegarder les privilèges du Père au sein de la Trinité, car Lui seul est éternel, souverain, incréé, selon Arius. Il affirme : puisque le Fils de Dieu a été créé par la volonté et la puissance du Père, il n’est donc pas de la même « substance » que le Père. Donc, Christ est une créature qui s’est développée humainement avec ses propres faiblesses ; il n’est pas Divin, car seulement similaire au Père, mais différent de lui, quant à sa nature. Le Logos (le Fils de Dieu) remplace l’âme humaine de Jésus ; le Logos habite le corps de Christ, mais il a soigneusement évité de s’identifier avec la nature humaine complète. Le Fils est subordonné dans sa nature au Père.

Cet enseignement hérétique plaît beaucoup aux ex-païens « convertis » ( ?), parce qu’il ressemble au gnosticisme qui affirme que Dieu (=le Père) règne seul entouré d’êtres moins importants mais au service de Dieu vis-à-vis des humains. Même les vrais convertis ont de la difficulté pour comprendre que le Logos ( la Parole, Jean 1.1) existe éternellement en tant que l’égal du Père ! Les vues d’Arius étaient très populaires, parce que sa prédication était prisée, et il savait gérer les relations publiques ! Il a écrit des chansons appréciées qui véhiculaient ses erreurs ! Les idées de « La Tour de Garde » (Témoins de Jéhovah) sont un type d’arianisme moderne.

Après bien des débats « animés », le Concile réuni à Nicée (Iznik, Turquie), adopte le Credo suivant :

« Nous croyons en un seul Dieu, Père Tout-Puissant, Créateur de tous les êtres visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre, qui à cause de nous les hommes et à cause de notre salut est descendu et s’est incarné, s’est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté au ciel, viendra juger les vivants et les morts ; et en l’Esprit Saint.

Ceux qui disent : "Il était un temps où il n’était pas" et : "Avant d’avoir été engendré, il n’était pas" et qu’il est devenu à partir de ce qui n’était pas, ou d’une autre hypostase ou substance, ou qui affirment que le Fils de Dieu est susceptible de changement ou d’altération, ceux-là l’Église catholique et apostolique les anathémise. »

Le Corps de Christ avait toujours cru en la Trinité, laquelle est biblique, et l’a confessée dans la formule trinitaire (Mat 28.19). Le Fils est entièrement Dieu existant éternellement en la même « substance » que le Père et l’Esprit, car Dieu est UN, présent en trois révélations personnelles – Père, Fils, et Saint-Esprit – , tous égaux en la même essence et en actions. Dieu est Un en Trois et Trois en UN. Il n’existe ni trois dieux ni un Dieu divisé en trois tiers. Toute connaissance biblique du Père est acquise en Christ par l’Esprit-Saint. Notre salut dépend de la connaissance du vrai Dieu trinitaire révélé dans le N.T. «La Définition» de Nicée fut la norme pour toutes les autres définitions conciliaires futures.

B. Le Concile de Constantinople (381)

Qui est Jésus-Christ ? Tous les chrétiens n’avaient pas la même conviction !

Appollinarius, un pasteur de Laodicée (en Turquie actuelle), nie que Christ possède un esprit humain. Il affirme : Christ a été dépossédé de son esprit par le divin Logos, ce dernier étant un homme céleste préexistant ! Il est impossible que deux natures, divines et humaines cohabitent en une seule personne, donc Christ n’est ni entièrement Dieu, ni entièrement homme, mais une combinaison des deux. (Appollinarius voulait pour résoudre ce dilemme que Christ sauve des hommes, et pour cela Christ n’ait eu qu’une seule nature, la humaine, selon lui ).

Après délibération, le Concile a publié le Credo suivant :

« Nous croyons en un Dieu, Père tout?puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles ; et en un Seigneur Jésus?Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel (?µ???s??? (homoousios) au Père, par qui tout a été fait, qui pour nous, les hommes, et pour notre salut, est descendu des cieux, par le Saint Esprit s’est incarné de la Vierge Marie, et s’est fait homme ; il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate, a souffert, a été enseveli, est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, est monté aux cieux ; il siège à la droite du Père et il reviendra en gloire juger les, vivants et les morts ; son règne n’aura pas de fin ; et en l’Esprit Saint, le Seigneur, qui vivifie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est conjointement adoré et glorifié, qui a parlé par les prophètes, et en une Église sainte, catholique{= universelle}, et apostolique. Nous confessons un baptême pour la rémission des péchés. Nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle à venir. Amen. »

Il est évident que l’évangélique ne peut accepter l’avant-dernière phrase de ce « symbole ». Elle n’est pas biblique : le pardon des péchés vient par la repentance du péché et par la foi en Christ, et non par le baptême d’eau.

Ce Concile affirme

1) l’unité de la Trinité,
2) la pleine divinité de Christ,
3) la nature humaine complète, mais sans péché, de Christ permettant ainsi à Jésus-Christ de racheter le corps-l’âme-l’esprit de l’individu,
4) la divinité et l’égalité du Saint-Esprit.

Le problème de la relation entre la nature divine et la nature humaine en Christ n’y est pas totalement solutionné, mais l’Église va dans la bonne direction : Dieu a été manifesté en chair. Ce concile réaffirme, puis élargit le « Symbole de Nicée ».

C. Le Concile d’Éphèse (431)

La bataille pour l’orthodoxie doctrinale biblique continue entre 381 et 431. Le sommet, sur le plan de l’explication théologico-biblique dans certains domaines importants, y est atteint à Éphèse.

Nestorius, prédicateur fameux et grand évêque à Constantinople, s’est opposé hardiment à l’emploi populaire de « Marie, Mère de Dieu », dans le culte des églises. Combien il avait raison de le faire ! Or, en condamnant cette appellation, il employait des mots qui faisaient croire que Christ était composé de deux personnes ! Il ne nie pas la divinité de Christ, mais en accentuant tellement la réalité et l’intégrité de son humanité, il parle d’une « conjonction » morale ou d’une fonte de deux volontés plutôt qu’une union essentielle des deux natures. Il refuse de reconnaître la participation de la nature divine dans les actes et les souffrances de l’homme Jésus. Il considère Jésus-Christ comme un composite de deux personnes distinctes, divine et humaine ; selon lui, Jésus-Christ a eu deux personnalités distinctes. Dieu résidait en l’homme Jésus ; Jésus n’a été que le « véhicule » qui portait le passager Dieu. Jésus et Dieu (le Père) sont de très bons amis ! Cette conception met en danger l’unité théanthropique (Dieu-homme) de la personne et de l’œuvre de Christ. De plus l’œuvre de la rédemption est affaiblie, compromise.

Nestorius est condamné par le Concile d’Éphèse. Ce concile affirma sa foi en la « Définition » de Nicée, mais fait étrange, il n’a promulgué ni « définition=symbole », ni canons doctrinaux. Le concile exprima sa pensée positivement en approuvant solennellement une lettre écrite par l’imminent théologien d’Alexandrie, Cyrille. En voici l’explication essentielle :

La nature divine du Verbe n’a subi aucun changement en S’incarnant, car Il S’est uni selon l’hypostase (« l’être réel », cf., Héb 1.3) une chair (sans péché), animée d’une âme raisonnable, par laquelle Il est appelé Fils de l’homme. Les deux natures différentes ont fait une unité véritable, un seul Christ et un seul Fils. La différence des natures n’a pas été supprimée par l’union. On croit en un seul Christ, le Seigneur, donc nous n’adorons pas un homme avec le Verbe ; nous adorons un seul et même Christ. Refuser l’union selon l’hypostase serait dire qu’il existait deux fils, deux personnes. L’Ecriture ne dit pas que le Logos S’est uni à l’apparence (prosopon) d’un homme, mais qu’Il S’est fait chair. Une seule personne donc (Jésus-Christ, Dieu-homme) est morte et ressuscitée.

Le Christ est Dieu et homme, une seule personne en deux natures, divine et humaine (sans péché). Malheureusement, le terme « Marie, Mère de Dieu » y est reproduit ; le faux terme signifie que Marie a créé Dieu ! Marie est seulement « la mère du Seigneur » (cf. Jean 2.1 ; Act 1.14).

Nestorius est exilé par l’Empereur en 431 et meurt en 439. Le Nestorianisme est éradiqué assez rapidement dans l’Empire, mais il se perpétue parmi les chrétiens en Iran, se répandant jusqu’aux Indes et en Chine au 7ème siècle ! Cette conception de Christ existe aujourd’hui en Arménie, en Iraq (sous le nom de « chaldéen » ; le Premier Ministre actuel (Tariq Aziz) du dictateur Saddam Hussein est un « chaldéen » !).

Malheureusement Mahomet a reçu sa connaissance, très imparfaite, au sujet de Christ d’un moine nestorien ! D’ailleurs, l’Islam a protégé et a permis la propagation de nestorianisme pendant des siècles !

D. Le Concile de Chalcédoine (451)

L’enseignement d’Éphèse n’a pas tout réglé : Après la mort de Cyrille en 444, certains théologiens d’Alexandrie propagent l’hérésie du « monophysisme » (= une seule nature, la Divine, en Christ ) afin de contrer la vérité des deux natures élaborée 20 années plus tôt à Ephèse. En Christ, selon eux, il n’y a qu’une nature, l’humaine absorbée par la divine. Ainsi, le Logos, Christ, possède les attributs humains sans avoir eu la nature humaine, car la nature humaine de Jésus est assimilée et divinisée par la Parole (Jean 1.1). Ainsi, le corps de Christ est rendu divin et incorruptible !

La réaction ne tarde pas à venir pour combattre l’hérésie qui supprime la vraie humanité de Jésus-Christ. Si Christ n’est pas réellement humain mais sans péché, Ses souffrances, Sa Mort et Sa résurrection n’ont plus de valeur réelle. Le Concile de Chalcédoine définit théologiquement en peu de mots la relation entre l’humain et le divin en Jésus-Christ :

" Suivant donc les saints Pères, nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme (composé) d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous sauf le péché, avant les siècles engendré du Père selon la divinité, et aux derniers jours le même (engendré) pour nous et pour notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu selon l’humanité, un seul même Christ, Fils du Seigneur, l’unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, la différence des deux natures n’étant nullement supprimée à cause de l’union, la propriété de l’une et l’autre nature étant bien plutôt sauvegardée et concourant à une seule personne et une seul hypostase, un Christ ne se fractionnant ni se divisant en deux personnes, mais en un seul et même Fils, unique engendré, Dieu Verbe, Seigneur Jésus-Christ".

Jésus-Christ est parfaitement Dieu et homme, étant de la même substance que le Père et de la même substance que l’homme, sans péché. Ces deux natures, divine et humaine, sont unies sans être mélangées ni transformées ni divisées ni séparées. L’erreur, « Marie, Mère de Dieu » est encore incluse !

Le Symbole de Chalcédoine crée immédiatement une énorme division dans la chrétienté qui dure jusqu’au 21ème siècle ! Les « chrétiens » d’Égypte (coptes), d’Éthiopie, ceux de Syrie (2 groupes), et d’Arménie n’ont pas accepté « Chalcédoine », car ils voulaient rester monophysites (une seule nature). Sont-ils sauvés selon le N.T. ? Dieu est seul juge, mais il me paraît logique de croire qu’il faudrait le « bon » Sauveur biblique pour être sauvé.

III. Un Résumé.

Les grandes branches du protestantisme évangélique apprécient ces 4 Conciles pour leurs formulations de la vérité biblique touchant à toute la personne de Jésus-Christ :

1) Le Credo de Nicée (325) a été rédigé afin de réfuter la prétention arienne que le Fils de Dieu aurait seulement été le sommet de la création de Dieu, et donc, différent en tout aspect du Père. Le Credo affirme l’unité de Dieu en insistant que Christ est de la même « substance » que le Père et éternel comme lui. Le Saint Esprit, lui aussi, est Dieu au même titre.
2) Le Credo de Constantinople (381) est calé sur celui de Nicée, mais avec des additions très importantes ; les historiens les regroupent jusqu’à appeler celui de Constantinople (plus complet) « le Credo de Nicée » (le premier et le plus connu) !
3) Le Credo d’Éphèse (431) déclare que les deux natures, divine et humaine, sont distinctes, chacune ayant ses propres caractéristiques, quoique unies en une seule personne, Jésus-Christ.
4) Le Credo de Chalcédoine (451) atteste que Christ, quant à sa divinité, est consubstantiel avec le Père et consubstantiel avec l’humanité dans son humanité parfaite ; de plus la divinité et l’humanité de Christ existent ensemble sans mélange, ni changement, ni division, ni séparation.

IV. La Conclusion

Des credos bibliques, et parfois d’autres, ont toujours eu des fonctions multiples :

– L’emploi dans le contexte baptismal (Matt 28.19 ; Act 8.37 ).
– Un rôle de bases pour l’instruction dans les essentiels de la FOI biblique et chrétienne. Leur concision aide les convertis à les mémoriser (Rom 1.4 ; 10.9-11 ; 1 Cor 15.3-4 ; Phil 2.6-11 ; 2 Cor 13.13 ; 1 Tim 3.16 ; etc.).
– Un rôle pour encadrer la bonne doctrine afin de contrer les hérésies.
– Leur place dans le culte, des siècles suivants, à la fin de la lecture des Ecritures où tous pouvaient confirmer leur attachement à la FOI biblique (toutes les doctrines qui font du christianisme ce qu’il est). Le seul danger ici serait la répétition mécanique pour les convertis et de la possibilité de tromper des perdus assistant au culte de se croire convertis si facilement en ne répétant que des mots!
– Le danger de composer un credo se révèle parfois dans sa rigidité formelle, complexe, et abstraite, car il peut devenir extensible à l’infini. Pire, les bien intentionnés, mais ignorants, les utilisent pour « filtrer » même la vérité des Écritures, portant, ainsi, des lunettes bien colorées pour voir seulement ce que l’on veut voir !

Apprécier le rôle joué dans le passé et l’utilité actuelle dans le domaine théologique des credos encourage la foi personnelle, nous protège des erreurs, et nous pousse vers l’étude plus approfondie de la Bible afin de connaître ses vérités pour nous-mêmes.

La prochaine grande étude de l’histoire de l’Église va couvrir la période de 590 à 1517, coupée en plusieurs mini-périodes à cause de sa richesse, de son enseignement, et de ses avertissements.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page
Série : Histoire de l'Eglise
McCarty Scott
Scott McCarty a fait ses études en théologie au Dallas Theological Seminary, aux États-Unis. Il exerce un ministère d’enseignement biblique en France depuis 1971. Cofondateur du Centre d’information à l’évangélisation et à la mission à Grenoble, il est membre de Promesses et auteur de nombreux articles.