Dossier: La Bible, repère pour l'éthique
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Violence: Fatalité ou défi

Le phénomène de la violence s’amplifie dans tous les pays, mais sous des formes diverses. La vision adoptée ici par Luc Zbinden se concentre sur la Suisse romande et sur la France, mais cette forme est identique dans quasiment tous les pays d’Europe et dans toutes les grandes villes. Et que dire des nombreux pays africains, où la violence est immense et prend des dimensions bien plus radicales et désastreuses encore ? L’auteur présente quelques bases bibliques et des pistes à suivre. Luc Zbinden, marié et père de 4 enfants, est enseignant au niveau gymnasial. Aimant la Parole, il intervient régulièrement auprès de groupes de jeunes ou de parents. Le ton de l’article s’explique par le fait qu’il a d’abord été rédigé pour les lecteurs du journal Chadrak1, publication destinée aux jeunes2.

Lausanne et Genève, fin mai 2003 : Des manifestants anti-G8 fracassent des vitrines et cassent tout sur leur passage.

Yverdon-les-Bains, 6 juin 2003 : Michael est poignardé sur le quai de la gare : il a refusé de remettre son lecteur CD à ses agresseurs.

Vauderens, 21 juin 2003 : au sortir d’un bar de nuit, Olivier, 16 ans, perd la vie suite à une bagarre.

Ne dramatisons pas… Il s’agit de faits divers, enregistrés en Suisse romande, et tout le monde sait que la violence n’est pas un phénomène nouveau. Toutefois, les statistiques le confirment : nous allons vers une société de plus en plus brutale. Les délits accompagnés de violence (vols, lésions corporelles intentionnelles, racket, etc..) ont augmenté de 20 % ces dernières années. 25 % des délinquants interpellés ont moins de 19 ans.

Les actes violents sont de plus en plus visibles, et de plus en plus tournés vers les institutions. Comment l’expliquer ? Les mobiles peuvent en être l’intimidation, la vengeance, le désespoir, la volonté de sauver la face. Mais pour beaucoup, il s’agit d’abord d’une manière d’exprimer leur révolte, leur rejet des institutions : on s’attaque aux bâtiments qui les représentent, aux équipements publics, on insulte les policiers et l’on passe parfois à des actes plus graves.

Quelques constats

– 1. La violence peut naître dans le sentiment d’exclusion, d’abandon, d’injustice que ressentent certains : des jeunes, mais aussi leurs familles.
– 2. La violence augmente alors que notre société est de plus en plus stressée. Les pressions dans le monde professionnel sont toujours plus fortes, les exigences toujours plus élevées ; l’insécurité et l’instabilité dans le monde de l’emploi renforcent un sentiment d’inquiétude grandissante. Les derniers événements (attentats et menaces terroristes, conflits divers, effondrements économiques, etc.), couplés avec le goût pour le catastrophisme qui alimente tous les media, contribuent à ébranler la confiance en l’avenir.
– 3. La violence s’installe comme un moyen « naturel » d’expression pour exprimer sa rage, sa révolte, ses convictions : colère destructrice du peuple dans la rue, manifestants anti-mondialistes, ou bandes de quartiers. Il faut briser pour se faire entendre…
– 4. La violence prend parfois racine dans un cœur, dans une vie sans paix : je frappe, je menace, je hais, j’injurie, je brise, j’humilie, je casse parce qu’au fond de moi « j’ai la haine » des autres, et de moi-même. Je ne m’aime pas, je n’aime pas ce monde… Je n’ai pas de paix intérieure. Mon cœur n’est en paix ni avec moi, ni avec les autres.

Que faire, alors ?

Face à tous ces faits divers, aux situations que tu rencontres, comment réagis-tu ?

– Vas-tu relativiser : la violence, quelle violence ?
– Vas-tu sourire, ironiser : pas de panique, la violence a toujours existé.
– Vas-tu jouer à l’autruche et te défendre par un : ça ne me regarde pas !

Erreur ! Elle te regarde, cette violence ! Elle cherche ton regard, elle devrait te toucher dans tes tripes, dans ton cœur, dans tes gestes de tous les jours. Chacun des constats qui précèdent doit nous interpeller et nous pousser à apporter des réponses… dans la mesure de nos moyens.

Une première réponse à la violence se trouve dans la Bible

Elle se résume en un mot, un seul qui porte en lui toutes les promesses de Dieu, toutes les réponses d’un Dieu d’amour à la violence : SHALOM !

Dieu dit : « Je ferai régner la paix (shalom) dans le pays, et votre repos ne sera point troublé » Lév 26.6.

On traduit souvent shalom par paix, mais dans ce petit mot hébreu se cache une puissance immense ; shalom signifie aussi : vie abondante, sécurité, bien-être, intimité avec Dieu, bonne entente avec les autres. Shalom contient tout le projet de Dieu pour nous, pour nos familles, pour nos groupes, pour nos bandes, pour nos quartiers, pour nos villes ! Dieu a toujours voulu que nous vivions ce shalom, et que de ce shalom jaillisse l’hospitalité, l’aide, l’amour, la solidarité pour les autres.

Alors, qu’attendons-nous ? Freiner la montée de la violence, c’est d’abord aider ceux qui nous entourent à « faire la paix » : si j’ai reçu la paix de Dieu, que je vis dans son shalom, ma mission est de la transmettre tout autour de moi.

Mais il me faudra avant tout commencer par mes propres réactions, qui font parfois des étincelles… voire des explosions. Là encore, la Bible est d’une actualité désarmante. Lisez plutôt : « Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas ; que votre colère s’apaise avant le coucher du soleil. Ne donnez pas au diable l’occasion de vous dominer… Chassez loin de vous tout sentiment amer, toute irritation, toute colère, ainsi que les cris et insultes. Abstenez-vous de toute forme de méchanceté » (Eph 4.26,31).

En d’autres termes, bon nombre d’incendies de forêts seraient évités si l’on éteignait les premières petites flammes. A moi de montrer l’exemple : ma manière de répondre ou de parler, mes réactions parfois « limites », ces mots durs que je lâche trop facilement, ces regards pleins de haine qui tuent à distance, ces sarcasmes, ces critiques, ces gestes mal maîtrisés qui blessent ou qui agacent mon entourage sont déjà des petites graines de violence. Et si je laissais l’amour de Dieu les changer, si je devenais un contre-exemple de la violence ambiante et un exemple vivant du shalom que Dieu donne ?

Une deuxième réponse : tenir compte des besoins des jeunes

La pré-adolescence/adolescence est une période cruciale pendant laquelle le jeune, à la recherche de son identité, oscille entre séparation et dépendance. Il est alors essentiel de l’aider à devenir un individu à part entière. Pour cela, il nous faudra faire preuve d’audace, d’attention et d’amour…inconditionnel ! Répondre alors à ses besoins, c’est offrir …

– des modèles positifs, sécurisants, structurants et adultes ;
– un regard attentif par lequel il se sente reconnu ;
– un cadre, des repères : oser définir ce qui est permis et ce qui est défendu, faire prendre conscience qu’il y a des actes et paroles dommageables pour autrui ;
– une alternative au cynisme ambiant, à l’individualisme rampant ;
– notre Foi, notre Espérance, notre Amour de la Vie dans un monde gagné (ou perdu ?!) par l’incertitude et le relativisme.

Une troisième réponse : encourageons les initiatives des jeunes et pour les jeunes

C’est ce que disent de nombreux éducateurs qui côtoient de près la violence.

Donnons un exemple : le 14 janvier 1999, en banlieue parisienne, suite à une rivalité de bandes, un adolescent de 17 ans meurt poignardé par un autre adolescent.

Des jeunes impliqués dans ce drame absurde décident de ne pas recourir à la violence, mais au dialogue. Ils rédigent alors un manifeste pour expliquer pourquoi ils ont toujours eu la violence comme seule réponse à leur peur, à leur haine. Avec leurs mots à eux, pour sensibiliser et convaincre les jeunes qui ne croient plus en rien et qui n’ont plus confiance en personne.

Voici des extraits de ce manifeste :

1. Respect ? On se parle sur un autre ton

“ L’agression, ça peut commencer par un regard. Mais c’est surtout les mots. Certains s’amusent à provoquer et utilisent des mots qui poussent à la guerre. C’est vrai, tout le monde peut péter les plombs. Ça arrive. Mais ce langage de défi, cette manie d’afficher sa force sur l’autre, en permanence, ça chauffe les esprits. Il faut se parler normalement, garder le contrôle. Certains disent : faut être respecté. Nous on dit : “ Si tu veux le respect, commence par respecter l’autre.”

2. Un échec ? C’est pas pour ça qu’on est victime

“ Avoir des échecs, c’est normal. Rien n’est fatal, jamais. Marre d’entendre les mecs gueuler contre la société, le système et ne rien faire pour bouger de là. Que les grands qui s’en sont sortis donnent l’exemple et montrent aux petits comment ça marche. Qu’ils aillent dans les écoles, les assos’, les quartiers pour raconter. On peut rêver d’une BMW à 14 ans. Mais dire qu’on est victime si on n’en a pas, c’est n’avoir rien compris à la vie. La violence, la crapulerie, le racket et le reste, ça se termine toujours mal. Il n’y a pas de bandit heureux. ”

Pas mal, l’idée du manifeste… Il en existe déjà un appelé « la Bible »… On y trouve aussi des formules, des paroles qui, une fois mises en pratique peuvent aussi dire “Stop à la violence !” :

· “ Aime ton prochain comme toi-même ! ” (Mat 19.19).
· “ Une réponse aimable apaise la colère ” (Prov 15.1).
· “ Vous ne serez sauvés qu’en revenant à moi et en restant paisibles. Votre seule force, c’est de garder votre calme et de me faire confiance ” (Es 30.15).
· “ Dieu est pour nous un abri sûr ” (Ps. 46.2).
· “ La loi du Seigneur est parfaite ” (Ps. 19.8).
· “ Ne rendez à personne le mal pour le mal ” (Rom 12.17).
· “ Celui qui veut jouir d’une vie agréable et connaître des jours heureux doit se garder de médire, se détourner du mal, pratiquer le bien et rechercher la paix avec persévérance ” (1 Pi 3.10-11).

La violence est un défi lancé à tous ceux qui ont encore un cœur pour ressentir et prier, à tous ceux qui ont encore des mains et des jambes pour aller à la rencontre de ceux qui souffrent et veulent le faire savoir, à tous ceux qui ont une tête bien faite pour avoir des idées et des initiatives pour répondre à la violence.

Dire non à la violence, c’est ouvrir les yeux sur les racines possibles de cette violence et… agir !

Quelques pistes d’action

Ça bouge chez les chrétiens… Des groupes de contact se proposent de venir à la rencontre des enfants et des jeunes dans leur quartier, par l’animation, le sport, les jeux, ou la compétition… et par le témoignage de l’espérance et de la vie que l’on trouve en Jésus-Christ.

Voilà des projets qui touchent les enfants et qui peuvent peut-être empêcher la naissance de la violence : ils donnent à ceux qui participent à ces activités le sentiment qu’ils existent, qu’ils n’ont pas besoin de se manifester par la violence pour s’exprimer, qu’ils sont importants aux yeux des animateurs, qu’ils ont de la valeur aux yeux de Dieu. “ Tu es important pour quelqu’un ! ”

A quand des initiatives, issues de nos églises, pour atteindre les quartiers chauds et calmer le jeu en réapprenant à chacun à vivre et à respecter l’autre — en mettant sur pied un centre de rencontre et d’animations pour jeunes d’un quartier, en organisant des loisirs communautaires (sports, art, musique, etc…), des camps-projets originaux (rénovation, construction, aide à des sinistrés, mission humanitaire, etc…) où l’on s’éclate et on se décharge physiquement pour un projet qui en vaut le coup, etc…

A nous la créativité ! La balle est dans notre camp :

– Que pourraient faire ton groupe de jeunes, ton église pour lutter contre ce sentiment de solitude, d’absence de solidarité, ou de révolte ?

Il suffirait d’en faire des lieux où chacun se sente accueilli, entouré, écouté… Il suffirait parfois d’ouvrir nos bras pour consoler, ouvrir nos yeux pour voir celui qui souffre, ouvrir notre bouche pour encourager, ouvrir notre agenda pour donner du temps… A condition d’aimer en actions concrètes et pas seulement en théorie.

– Que peuvent faire les parents pour leurs enfants ?

a) Savoir poser des limites expliquées et justifiées.
b) Etre clair et surtout cohérent avec des règles de vie que l’on veut transmettre : “Si je l’enseigne, si je le dis… je le fais !”
c) Travailler à développer et à construire une relation de confiance et de sécurité avec les jeunes : être présent et disponible.
d) Oser dire “non” à son enfant quand c’est dans son intérêt.
e) Redonner de l’espérance et de l’enthousiasme face à l’avenir.
f) Encourager l’enfant dans ce qu’il réussit, dans ses capacités, tout en lui apprenant à accepter et à gérer ses échecs.
g) Donner des racines : vivre et transmettre des valeurs que l’on vit quotidiennement et pratiquement.
h) Lui rappeler sans cesse qu’il compte pour nous et qu’il a de la valeur à nos yeux comme aux yeux de Son Père céleste.

– Que pourraient faire les institutions, les autorités ?

Au niveau global : relancer l’égalité des chances à l’école et lutter contre des inégalités et des échecs qui blessent et parfois révoltent ; revaloriser le travail manuel, promouvoir la beauté et l’utilité de l’artisanat (“ Il n’y a pas de sot métier !”). Un charpentier a changé le monde !

Au niveau local : développer la vie associative, encourager les projets qui valorisent l’apprentissage des relations humaines et la mise en pratique de valeurs positives.

Que Dieu nous aide à réaliser des projets qui viennent au secours d’une jeunesse sans repère « en sanctifiant dans nos cœurs Christ, le Seigneur, étant toujours prêts à nous défendre contre quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous » (1 Pi 3.15). « Heureux ceux qui procurent la paix » (Mat 6.9), car Christ est « notre paix » (Eph 2.14). C’est lui qui fait cesser toute violence.

1 Journal CHADRAK, no 107, C.P. 94, CH-1110 Morges (Suisse)
2 Pour plus de renseignement sur ce sujet, contactez l’auteur à son adresse : Luc Zbinden, Ch. du Raidillon 1, CH-1066 Epalinges (Suisse), e-mail : luzbinden@yahoo.com


Chers parents,

Si vous voulez que nous soyons indépendants, honnêtes et responsables, il n’y a qu’une recette : soyez nos exemples !
Ce n’est pas une faiblesse de montrer ses sentiments.

Montrez-nous votre affection et ne nous laissez pas croire que nous ne sommes qu’une charge pour vous. Nous souhaitons des parents et des professeurs avec qui nous pourrions entreprendre des choses et qui nous consacrent du temps. Avec qui nous pourrions nous amuser et qui ne soient pas uniquement là – si du moins ils sont là – quand tout va mal.

Nous ne savons pas toujours quand nos libertés empiètent sur celles des autres. Mais les reproches et les “ je sais mieux que toi ” autoritaires ne servent à rien. Il est important de se parler. Nous aimerions vous parler, même si c’est difficile. Car peut-être avons-nous aussi de bonnes raisons pour agir ainsi.

Et lorsque vous, les parents, n’arrivez plus à vous entendre, et que la meilleure solution semble être de votre point de vue la séparation ou le divorce, n’oubliez pas : nous ne pouvons pas nous contenter tout d’un coup d’une moitié d’affection.

Pour beaucoup d’entre nous, seule une maison vide et la télé nous attendent chez nous. Nous voudrions avoir le droit d’occuper la première place. Et si pendant la semaine vous n’avez pas le temps, passez au moins le week-end avec nous !

Un groupe d’adolescents, © Centre Suisse de Prévention de la Criminalité


 

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