Dossier: L'évangile selon Marc
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Questions exégétiques dans l’évangile selon Marc

Dans l’étude de l’Évangile selon Marc et afin d’en comprendre le sens, plusieurs questions cruciales doivent être abordées.1

L’importance de Marc 1.1 dans la compréhension de l’Évangile selon Marc

La première question à se poser concernant Marc 1.1 est celle de sa provenance. Lorsque nous nous posons la même question à propos d’un passage comme la guérison du paralytique (2.1-12), la paraboles des mauvais vignerons (12.1-11), ou la purification du temple (11.15-19), la réponse est assez simple. Ces passages sont parvenus à Marc par les traditions sur Jésus qui circulaient dans l’église primitive, et qu’il a, sous l’inspiration de l’Esprit, incorporées à son évangile. Cependant, Marc 1.1 n’est pas une tradition qui circulait au sein de l’église primitive. Cette phrase n’a jamais existé avant que Marc n’écrive son Évangile. Elle a été créée par Marc comme introduction à son évangile, tout comme Matthieu 1.1 (« Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham. ») et Luc 1.1-4 (« Puisque plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le commencement en ont été les témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole, il m’a semblé bon à moi aussi, après avoir tout recherché exactement depuis les origines, de te l’exposer par écrit d’une manière suivie, excellent Théophile, afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus. ») ont été créés par Matthieu et Luc pour servir d’introduction à leurs Évangiles. Le fait que Marc ait choisi d’introduire son évangile de la sorte et que les premiers mots que son auditoire ait entendus de son évangile soient ceux de Marc 1.1 signifie que ce verset est extrêmement important dans la compréhension de son évangile. Pour Marc, la première chose qu’il veut que ses lecteurs et auditeurs sachent à propos de son Évangile c’est qu’il concerne la bonne nouvelle de « Jésus-Christ, Fils de Dieu. »

L’indice le plus important que Marc nous donne à nous lecteurs est que depuis Marc 1.2 le reste de son évangile concerne « Jésus-Christ, Fils de Dieu. » Ceci indique que le récit qui suit, en Marc1:2-8, n’est pas à propos de Jean le Baptiste. Au contraire, il concerne Jésus Christ, le Fils de Dieu ! La seule raison pour laquelle Marc nous parle de Jean le Baptiste est que ce récit nous aide à comprendre d’une manière ou d’une autre qui est Jésus. Ainsi, les mots importants en 1.2 ne sont pas « mon messager » et « qui » mais « toi » et « ton chemin ». En 1.3 ce n’est pas « la voix de celui qui crie dans le désert » mais « Seigneur » et « ses ». Donc, en lisant ces versets, nous devrions souligner ces mots :

« Selon ce qui est écrit dans le prophète Esaïe : Voici, j’envoie devant toi mon messager pour frayer ton chemin ; c’est la voix de celui qui crie dans le désert : « Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. »

Par conséquent, quand nous enseignons ou prêchons Marc 1.2-8, l’évangéliste ne veut pas que nous nous concentrions sur Jean Baptiste mais sur Jésus Christ, le Fils de Dieu, et en quoi le ministère de Jean Baptiste nous aide à comprendre qui est Jésus. De même, Marc 4.35-41 n’est pas à propos des disciples et de leur peur durant la terrible tempête sur la mer de Galilée mais à propos de Jésus Christ, le Fils de Dieu, et l’accent porte sur les mots de la conclusion en 4.41 – « Quel est donc celui-ci, car même le vent et la mer lui obéissent ? » Marc 1.1 nous révèle que le sens de 4.35-41 est que Jésus Christ, le Fils de Dieu est « Seigneur de la nature », que ouragans et tempêtes sont soumis à sa grande puissance et à sa parole.

De même, Marc 5.1-20 n’est pas à propos d’un démoniaque ou des gens de Guédara, mais à propos de Jésus Christ, le Fils de Dieu, qui est plus fort que Belzébuth et ses démons. Marc 5.21-43 n’est pas à propos d’une femme malade d’une perte de sang ou de Jaïrus et de sa jeune fille morte, mais à propos de Jésus, Seigneur sur la maladie et la mort. Marc 16.1-8, n’est pas à propos de femmes qui étaient effrayées et ne rapportèrent pas la nouvelle de la résurrection de Jésus aux autres, mais plutôt à propos de Jésus et de sa résurrection, et l’accent porte sur 16.6-7 : « Il est ressuscité, il n’est pas ici ; voici l’endroit où on l’avait déposé. » L’accent est mis sur le fait que Jésus Christ, le Fils de Dieu, était ressuscité des morts et allait rencontrer les disciples en Galilée, comme il l’avait dit. Bien qu’il y ait parfois des thèmes et des accents secondaires dans les récits de Marc, le point essentiel que Marc cherche à souligner dans son évangile, d’après Marc 1.1, est de nature christologique. C’est que Jésus de Nazareth est le Christ, le Fils de Dieu.

L’importance des confessions christologiques des démons dans Marc

Dans l’évangile selon Marc, les démons confessent à trois reprises que Jésus est le Fils de Dieu. En 1.24 le démon appelle Jésus « le Saint de Dieu » et en 5.7 le « Fils du Très-Haut ». Dans le résumé que fait Marc en 3.7-12, il commente en 3.11 que les démons désignaient constamment Jésus comme le « Fils de Dieu ». Dans les années 1970 et 1980, différents spécialistes ont allégué que Marc voulait que ses lecteurs comprennent que de telles confessions donnent une mauvaise image de l’identité de Jésus et qu’une telle opinion est d’origine démoniaque. On avançait que pour Marc, cet accent sur Jésus en tant qu’exorciste et guérisseur, faiseur de merveilles et de miracles, était satanique. Le fait que ces confessions proviennent de démons montrait, soi-disant, qu’elles devaient être rejetées. Pourtant un tel raisonnement s’écroule du fait que le premier verset de l’Évangile selon Marc indique que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. De manière plus significative encore, ce raisonnement est réfuté par le fait que dans le résumé que fait Marc en 1.34, il affirme « mais il ne laissait pas les démons parler, parce qu’ils le connaissaient » ! Marc donne ce commentaire éditorial pour aider ses lecteurs à reconnaître que, même si les autorités juives et romaines ne reconnaissent pas Jésus comme le Christ, le Fils de Dieu, les démons, de par leur connaissance surnaturelle, reconnaissent effectivement qui est Jésus. Ils sont donc des porte-paroles fiables de la christologie de Marc ! Il en résulte que si nous essayons de compléter la phrase « Moi, Marc, je vous ai relaté l’histoire de Jésus guérissant le démoniaque dans la synagogue de Capernaüm en 1.21-28 et la guérison du démoniaque de Guédara en 5.1-20, parce que . » nous devrions dire « . parce que je veux que vous sachiez que les démons, qui, comme je vous l’ai dit en 1.34 connaissent réellement l’identité de Jésus, confessent qu’il est le Fils de Dieu, tout comme je vous l’ai dit en 1.1 ». Les démons reçoivent l’ordre en 3.12a de cesser de confesser que Jésus est le Fils de Dieu parce que, comme l’indique 3.12b, Jésus ne veut pas qu’ils le fassent connaître. Cela suppose que leur confession est correcte.

L’importance des déclarations récapitulatives dans Marc

Dans Marc nous trouvons de nombreux commentaires éditoriaux de l’évangéliste qui sont de nature récapitulative. Comme ils résument souvent ce qui précède et préparent le lecteur à ce qui va avoir lieu dans les chapitres suivants, il est évident qu’ils sont le résultat du travail de rédaction de Marc. Le vocabulaire, le style grammatical et l’accent théologique, typiques de Marc, indiquent également que ces commentaires sont de la main de l’évangéliste. Cela ne veut pas dire que ce qui y est rapporté a été créé de toute pièce par l’évangéliste. Ce sont, au contraire, une condensation des différentes traditions en sa connaissance. Certains de ces résumés sont relativement brefs, d’autres longs. Parmi les plus apparents, notons 1.14-15, 21-22, 28, 33-34, 39, 45 ; 3.7-12 ; 4.1, 33-34 ; 6.6b, 53-56 ; 9.30-32 ; 10.32-34 ; 12.12 ; 14.1-2. Puisque ce ne sont pas simplement des traditions que Marc reproduit telles quelles, ils contiennent beaucoup plus de son travail de rédaction que sa reproduction des traditions et enseignements qu’il a trouvé dans le matériel transmis par les témoins oculaires et les serviteurs de la parole (Luc 1:2). Par conséquent, en les lisant l’un à la suite de l’autre, on obtient un bon aperçu des intérêts de l’évangéliste et des points sur lesquels il insiste. Il devient alors apparent que Marc cherche à souligner la popularité de Jésus auprès du peuple, son ministère puissant de guérison et d’exorcisme, la nécessité divine de sa mort, et le rôle des autorités juives dans cette mort.

L’importance des répétitions dans Marc

Le bon sens veut que ce qui est important pour un auteur tende à être répété dans ses écrits, tandis que ce qui l’est moins ne le soit pas. Même si les théologiens et les exégètes ont parfois été critiqués avec raison de se spécialiser dans les questions de détail, les auteurs bibliques insistent et répètent généralement ce qui leur semble important et minimisent ce qui ne l’est pas. Un aspect que Marc souligne dans son évangile est la présentation de la mort de Jésus comme une nécessité divine. Martin Kähler, à la fin du dix-neuvième siècle, désignait Marc comme essentiellement « un récit de la passion avec une longue introduction ». Quoiqu’un peu exagérée, cette remarque est pertinente. Marc souligne l’importance et la nécessité divine de la passion. Des allusions à la mort à venir de Jésus se trouvent déjà en 2.20 où Jésus se présente comme l’époux qui « leur sera enlevé ». Bien que le passif puisse indiquer le rôle des ennemis de Jésus dans sa mort, il peut aussi être interprété comme un passif divin : « Il leur sera enlevé par Dieu ». Dans la première prédiction de sa passion en 8.31, Jésus parle de sa mort comme « nécessaire », et il est clair que sa mort est décrite ici comme une nécessité divine. Sa mort n’est pas une question de destin ou de tragédie nébuleux mais l’accomplissement du plan et du but divins.

En 9.31 et 10.33-34, Jésus prédit sa passion pour la deuxième et la troisième fois. Dans la deuxième, Jésus se décrit comme « livré entre les mains des hommes », et ceci doit vraisemblablement être compris comme un passif divin, Dieu livrant Jésus à la mort. Dans la troisième annonce de la passion, Jésus est décrit comme « livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes », et il est également préférable de l’interpréter comme un passif divin. En 10.45, Jésus dit qu’il est venu (le « de Dieu » est implicite) pour donner sa vie en rançon pour beaucoup. En 14.8, Jésus montre qu’il est conscient de sa mort prochaine. Lorsque nous arrivons au chapitre 14, la nécessité divine de la mort de Jésus est fortement soulignée :  v. 21 (« le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de lui »), v. 24 (« Ceci est mon sang de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup »), v. 36 (« éloigne de moi cette coupe. Toutefois non pas ce que je veux, mais ce que tu veux »), et v. 49 (« mais c’est afin que les Écritures soient accomplies »). La description de la mort de Jésus comme nécessité divine et sa connaissance à l’avance par Jésus est clairement mise en avant dans Marc, et il devrait en être de même dans notre prédication et notre enseignement sur cet évangile.

Conclusion

Alors qu’aujourd’hui, le lecteur et sa lecture du texte prennent le dessus sur la signification voulue par l’auteur, il est important pour les évangéliques d’affirmer que le but de notre étude est de comprendre ce que les auteurs inspirés de l’Écriture voulaient dire par les textes qu’ils nous ont légués. Dans l’étude de Marc, cela implique de chercher à comprendre ce que Marc voulait dire par les mots et les traditions sur Jésus qu’il nous a transmis. L’affirmation de l’inspiration divine de Marc devrait avoir comme corollaire une détermination à comprendre le sens que l’auteur biblique a donné à ses mots.

1L’article original abordait six questions. 1

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Stein Robert
Robert L. Stein est professeur de Nouveau Testament au Baptist Theological Seminary. Il a publié de nombreux livres et articles sur les évangiles et les questions d’hérméneutique. Il prépare actuellement un commentaire sur l’Évangile de Marc. L’article original (en anglais et traduit avec la permission de l’éditeur) a paru dans le numéro d’automne 2004 de la revue The Southern Baptist Journal of Theology, consacré à l’Évangile selon Marc. Une partie des articles de cette revue est disponible en ligne à l’adresse : www.sbt.edu/resources/publications/sbjt.php