Dossier: Le Lévitique : Marcher avec un Dieu saint
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Relire les sacrifices à la lumière de Jésus Christ

À la première lecture, une grande partie du livre du Lévitique décrit des cérémoniaux compliqués liés à des sacrifices. Qu’est-ce que ces coutumes sanglantes d’un autre âge peuvent-elles bien nous apporter, au début du XXIe siècle ? Cet article essayera de clarifier le sujet, en précisant les types et les caractéristiques essentiels des sacrifices du Lévitique, tout en cherchant leur signification sous la nouvelle alliance.

A. Comment classifier les sacrifices ?

Le schéma qui suit résume les différents types de sacrifices rencontrés au cours des pages du Lévitique.

Sacrifices communautaires
Sacrifices quotidiens
Sacrifices lors des fêtes
Sacrifices spéciaux
Sacrifices personnels
Sacrifices obligatoires
Sacrifices lors d’un voeu

Sacrifices volontaires

Sacrifices spécifiques
Sacrifices de consécration

En se limitant aux sacrifices les plus usuels, décrits dans les 7 premiers chapitres, on peut mettre en évidence une deuxième classification:

Rituel
Loi
Sacrifices volontaires
Holocauste
1.1-17
6.1-6
Offrande fleur de farine
2.1-16
6.7-11
Sacrifice de paix
3.1-17
7.11-35
Sacrifices volontaires
Sacrifice pour le péché
4.1-5.13
6.17.23
Sacrifices pour le délit
5.11-26
7.1-10

B. Pourquoi les sacrifices ?

Deux motifs principaux conduisaient l’Israélite ou la communauté à présenter des sacrifices.

1. Pour ôter l’obstacle du péché

Des sacrifices étaient obligatoires : lorsqu’il avait péché, l’Israélite était tenu de présenter en substitution une victime innocente. Par cet acte, Dieu pardonnait au coupable : « Le sacrificateur fera pour cet homme l’expiation, et il lui sera pardonné. » (4.31)

2. Pour s’approcher de Dieu avec reconnaissance

C’était pour l’essentiel des sacrifices volontaires1. Une expression revient constamment à leur propos : « d’une agréable odeur à l’Éternel » (1.9,13,17 ; 2.2,9,12 ; 3.5,16). Cet acte, libre, généreusement offert, plaisait à Dieu.

Des actes symboliques

Ces sacrifices n’avaient pas par eux-mêmes une vertu spéciale, comme le développera abondamment l’épître aux Hébreux. Ils étaient des actes symboliques, offerts sans qu’une parole fût prononcée.

Des actes adaptés à la culture de l’époque

Les sacrifices étaient également conformes aux rites de la culture antique dans laquelle baignaient les Israélites. C’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’on puisse établir des parallèles avec les pratiques d’autres peuples de l’Antiquité.

Toutefois, nous trouvons dans ces rituels une sublimation à la hauteur du seul vrai Dieu. Par exemple, Dieu interdit formellement les sacrifices humains, hélas si fréquents ailleurs. Tout, et dans le choix raisonné des bêtes et dans le rituel prescrit, exalte la supériorité de la loi de l’Eternel.

C. Comment interpréter les sacrifices ?

Un sens général clair

1. Ces divers sacrifices pointaient vers le seul sacrifice de Jésus Christ. L’épître aux Hébreux établit simultanément le parallèle et le contraste : « Tu n’as pas voulu de sacrifices, ni d’offrandes, ni d’holocaustes, ni de sacrifices pour le péché, et tu n’y as pas pris plaisir – lesquels sont offerts selon la loi, – alors il dit : « Voici, je viens pour faire ta volonté ». Il ôte le premier afin d’établir le second. C’est par cette volonté que nous avons été sanctifiés, par l’offrande du corps de Jésus Christ faite une fois pour toutes. » (Héb 10.8-10)

Par son ouvre unique, Jésus a ôté : – l’obstacle du péché intrinsèque de l’homme : « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jean 1.29) ;
– l’obstacle des péchés spécifiques commis par chacun : « Le sang de Jésus Christ nous purifie de chaque péché » (1 Jean 1.7). Les actes symboliques répétés sous l’ancienne alliance ne faisaient qu’anticiper l’offrande unique qui inaugure la nouvelle (Rom 3.24-26). Ce n’est donc que par la vertu du sacrifice à venir de Christ que Dieu pouvait, autrefois, pardonner l’Israélite fautif.

2. Ces divers sacrifices anticipaient notre culte chrétien :

« Offrons donc, par lui, sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom. Mais n’oubliez pas la bienfaisance, et de faire part de vos biens, car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices. » (Héb 13.15-16) Désormais, Dieu ne requiert plus de nous des sacrifices d’animaux, mais il attend notre louange. Peut-être pour certains, renoncer à une agréable grasse matinée le dimanche permet de mettre du concret derrière la notion de « sacrifice ». Et pour tous, la mention du sacrifice concret de nos biens matériels nous rappelle le prix que représentait dans une économie pastorale un agneau et plus encore un taureau : soyons certains que nos dîmes dominicales sont souvent bien en dessous des offrandes du fils d’Israël d’autrefois !

Des détails à interpréter avec prudence

Si le sens général des sacrifices est clair, il convient de rester prudent sur l’interprétation des détails de leur rituel, en évitant de faire trop jouer notre imagination ou notre culture. L’auteur de l’épître aux Hébreux lui-même préfère s’en tenir aux grandes lignes : « Ce n’est pas le moment de parler en détail là-dessus. » (Héb 9.5)

Le tableau ci-dessous résume les cinq principaux types de sacrifices en donnant une interprétation possible :

Sacrifice
Car. principale
Verset N.T.
Aspect du sacrifice de Jésus
Holocauste
Entièrement brülé
Le christ nous a aimé et s’est livré lui-même pour nous comme offrande et sacrifice à Dieu, en parfum de bonne odeur (Eph.5.2)
Offrande de fleur de farine
Tiré de la terre
A moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul (Jean 12.25)
L’humanité souffrante de Jésus appréciée par Dieu
Sacrifice de communion
Partagé entre Dieu, le sacrificateur et l’adorateur
La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est–elle pas la communion du sang du Christ? Le pain que nous rompons, n’est–il pas la communion du corps du Christ? (1 Cor. 1.16)
La commune part de Dieu et du croyant en Jésus
Sacrifice pour le péché
Brûlé en partie hors du camps
Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. (Heb. 13.12)
Le sacrifice expiatoire de Jésus pour le pardon des péchés
Sacrifice de réparation
Incluant une réparation
S’il livre son âme en sacrifice pour le péchéa, il verra une semence; (Es. 53.10)
La pleine compensation par Jésus de la dette de nos péchés

D. Quel était le rituel ?

Il comportait trois phases principales :

1. L’imposition des mains

Elle était requise :
– Pour les sacrifices de reconnaissance : « Il posera sa main sur la tête de l’holocauste, qui sera agréé de l’Eternel, pour lui servir d’expiation. » (1.4) Ce n’était que parce qu’un animal innocent allait mourir que la personne de l’adorateur pouvait être acceptée par Dieu. Le parallèle s’en déduit : je reconnais que je ne pourrai jamais rien apporter que Dieu puisse agréer si premièrement Christ n’a pas expié mon état de pécheur.
– Pour les sacrifices de culpabilité :
« Si quelqu’un du peuple du pays a péché par erreur, [.] alors il amènera son offrande, une chèvre, une femelle sans défaut, pour son péché qu’il a commis ; et il posera sa main sur la tête du sacrifice pour le péché. » (4.27-29) Par cette imposition des mains, le coupable transférait symboliquement sa culpabilité sur l’animal qui allait mourir à sa place. Je reconnais que c’est pour tel péché précis que Jésus a dû mourir.

2. L’exécution de la victime offerte

Elle était faite par l’offrant : « Il égorgera le taureau devant l’Éternel. » (4.4) Cet acte représente l’appropriation personnelle du sacrifice. Je reconnais que c’est par ma propre faute que Jésus est mort.

3. L’aspersion du sang

Elle était faite par le sacrificateur, pas par l’offrant : « Le sacrificateur prendra du sang de la chèvre avec son doigt, et le mettra sur les cornes de l’autel de l’holocauste, et il versera tout le sang au pied de l’autel. » (4.30) Je reconnais que l’expiation a été faite par un autre, Jésus, mon substitut. C’est lui qui symboliquement est entré dans le sanctuaire céleste avec son propre sang (Héb 9.12,24-28). Il est à la fois la victime et le sacrificateur !

E. Quels animaux étaient offerts ?

Le tableau ci-dessous résume les différents animaux qui étaient offerts, en suggérant un sens possible pour chacun d’eux2.

 HolocausteOffrandePaixPéchéDélitSens possible
Taureau   Prêtre
Ass.
 Force
Boeuf     Aliment
Bélier     Consécration
Bouc   Chef Mauvaise odeur
Agneau     Soumission
Chèvre   Qq’un Séparation
Pigeons     Conduite par l’Esprit
Tourterelle     Renouvellement
Fleur defarine     Humanité

La caractéristique essentielle de ces animaux était qu’ils devaient être sans défaut : « Vous ne présenterez aucune chose qui ait quelque défaut corporel, car elle ne sera point agréée pour vous. Si un homme présente un sacrifice de prospérité à l’Éternel, pour s’acquitter d’un vœu, ou en offrande volontaire, soit de gros bétail, soit de menu bétail, son offrande sera sans tare, pour être agréée ; il n’y aura en elle aucun défaut corporel. » (22.20-22) Cette perfection apparente anticipait l’absence totale de péché en Christ : « Vous avez été rachetés par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache » (1 Pi 1.18-19) ; « Christ, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu sans tache. » (Héb 9.14)

F. Quels étaient les compléments des sacrifices ?

Les libations

Le vin qui était répandu sur le sacrifice symbolise la joie d’être accepté devant Dieu (23.18). Jésus évoque la joie du royaume établi publiquement (Matt 26.29), tandis que Paul se réjouit de servir, à travers ses souffrances et son possible martyre, « de libation pour le sacrifice et le service de votre foi » (Phil 2.17). Notre joie est donc déjà réelle, mais ne sera complète que dans le futur.

Le sel

Il symbolise à la fois :
– la préservation : le sacrifice de Christ nous préserve de la corruption du péché ;
– l’alliance permanente de Dieu avec son peuple : « Toute offrande de ton offrande de gâteau, tu la saleras de sel, et tu ne laisseras point manquer sur ton offrande de gâteau le sel de l’alliance de ton Dieu ; sur toutes tes offrandes tu présenteras du sel. » (2.13) L’œuvre de Jésus nous introduit dans une relation d’alliance « inviolable et à perpétuité devant l’Eternel » (Nom 18.19).

L’huile

Elle était un constituant essentiel de l’offrande de farine. On pétrissait la pâte avec de l’huile, puis on en versait dessus. Cela évoque la conception de Jésus par l’Esprit et son onction par ce même Esprit (Luc 1.35 ; 3.22). C’est aussi par l’Esprit que Christ s’est offert lui-même à Dieu sans tache. (Héb 9.14) Aujourd’hui, notre culte est aussi rendu par l’Esprit de Dieu (Phil 3.3).

G. Ce qui doit être absent des sacrifices

Le levain3

Le levain est une bactérie qui fait fermenter et lever la pâte. Il était généralement proscrit (2.11). Dans la Bible, il est pris négativement comme une image du péché et de la vanité humaine (1 Cor 5.6 ; Gal 5.9). L’humble Jésus en était totalement exempt et nous montre la voie : comment nous approcher de Dieu avec un esprit d’orgueil ?

Le miel

Sa proscription peut étonner (2.11). Le parallélisme d’un texte des Proverbes peut nous mettre sur la voie d’une interprétation possible : « Manger beaucoup de miel n’est pas bon, et s’occuper de sa propre gloire n’est pas la gloire. » (Prov 25.27) Jésus n’a pas cherché sa propre gloire sur la terre ; là aussi, cherchons à l’imiter.

H. Ce qui appartient à Dieu<

Le feu

« Le feu qui est sur l’autel y brûlera ; on ne le laissera pas s’éteindre. Et le sacrificateur allumera du bois sur ce feu chaque matin, et y arrangera l’holocauste, et y fera fumer les graisses des sacrifices de prospérité. Le feu brûlera continuellement sur l’autel, on ne le laissera pas s’éteindre. » (6.12-13) Le feu symbolise la présence permanente et sainte de Dieu. Pas question d’apporter un autre feu, sous peine de mort, comme Nadab et Abihu, les deux fils aînés d’Aaron l’expérimentèrent tragiquement (10.1-2). Hier comme aujourd’hui, on ne s’approche pas de Dieu sans un profond respect devant sa grandeur et sa sainteté (Héb 12.28-29).

Le sang

Il est très présent dans tout le Lévitique. « Ce que je n’aime pas, dans votre religion, c’est tout ce sang, tous ces sacrifices. Cela me dégoûte ! » disait un jour une femme à qui l’on présentait l’évangile. Alors pourquoi est-il autant question de sang ? Quel sens et quelle valeur a-t-il donc ?

Lévitique 17.11 fournit une première réponse : « L’âme de la chair est dans le sang. » Dieu établit une équivalence entre le sang et l’âme. Le sang, en tant que tel, n’a pas une valeur particulière, mais il est le support et le symbole de la vie qui anime un homme ou un animal (son « âme »). La circulation sanguine est ce qui représente le mieux la vie. A contrario, quand quelqu’un meurt, son sang se coagule rapidement, avant de se décomposer. Si l’on saigne un être vivant, il ne peut plus vivre. Dans la pensée biblique, le sang symbolise donc la vie et le sang versé indique la mort.

La suite du verset du Lévitique donne un second principe important : « Car c’est le sang qui fait propitiation pour l’âme. » L’homme est coupable ; mais pour qu’il retrouve la faveur de Dieu, Dieu accepte que la vie d’un autre (symbolisée par son « sang ») soit donnée : c’est le sens du mot « expiation ». Le sang qui a coulé à la croix de Golgotha a témoigné que Jésus est bien mort, donnant volontairement sa vie (Jean 19.34-35). Tout ce sang, désormais, ne me répugne plus, car il évoque pour moi le « sang précieux de Christ » (1 Pi 1. 19), par lequel mon péché est remis pour l’éternité (Éph 1.7).

La graisse

« De ce sacrifice d’actions de grâces, il offrira en sacrifice consumé par le feu devant l’Eternel : la graisse… » (3.3) Voilà encore un élément qui n’est pas très populaire aujourd’hui… Il en allait tout autrement dans la culture antique. La graisse était le symbole de la force extérieure et de la prospérité (Gen. 27.28). Elle était réservée à Dieu (7.23-25). Reconnaissons que toute notre force et toute notre prospérité viennent de notre Dieu et remercions-le !

Conclusion

Dans les prescriptions et les rituels lévitiques se trouve une richesse symbolique qui renvoie encore et toujours à la croix et à ses conséquences pour nous. La gloire de Jésus Christ, dans sa personne et dans son œuvre, est telle que nos esprits limités, nos facultés encore si liées au monde tangible qui nous entoure, ont bien besoin de ces « ombres » pour en saisir les rudiments (Héb 10.1).

Après un long et passionnant développement sur le sens des sacrifices, l’auteur de l’épître aux Hébreux conclut par trois exhortations en liaison directe avec le sacrifice unique de Christ :
– « approchons-nous » (Héb 10.22) pour adorer notre Seigneur et entretenir la communion avec lui ;
– « retenons fermement la profession de notre espérance » (Héb 10.23) en n’hésitant pas à dire aux autres notre foi dans le sacrifice de Jésus Christ ;
– « veillons pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres » (Héb 10.24) en mettant en pratique notre foi chaque jour.

Aujourd’hui, Dieu ne nous demande plus d’aller lui sacrifier des animaux. Mais il veut plus ! Il souhaite que nous nous consacrions nous-mêmes, à la suite de notre Sauveur sacrifié, comme des sacrifices vivants (Rom 12.1). C’est sur rien moins que cela que doit déboucher notre culte. Alors nous entrerons dans le vrai sens des sacrifices du Lévitique.

1Pas toujours, cependant. Par exemple, la communauté devait offrir un agneau en holocauste matin et soir.
2Stricto sensu, l’offrande de fleur de farine n’était pas un « sacrifice », mais accompagnait plutôt les autres sacrifices. Le texte la place cependant sur le même plan que les sacrifices d’animaux, ce qui nous conduit à la faire figurer dans ce tableau.

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Dossier : Le Lévitique : Marcher avec un Dieu saint
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.