Dossier: L’Épître aux Hébreux
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Pleinement Dieu, pleinement… Fils

« Fortifiez donc vos mains languissantes et vos genoux affaiblis. » (12.12) L’auteur veut raffermir la reconnaissance et la foi de judéo-chrétiens persécutés et tentés de délaisser le culte pour retourner à la première alliance. Celle-ci a été promulguée par les prophètes et — dans la tradition juive — par les anges. L’auteur va donc montrer la supériorité de Christ sur la première alliance, sur les prophètes et sur les anges.

Dieu a parlé deux fois (1.1-2)

Les auditeurs doivent rediriger leur foi dans la bonne direction. Or, la foi dépend de la considération portée à la révélation divine (Rom 10.17). C’est donc sur le contraste entre deux façons de la considérer que l’auteur commence. Il souligne le contraste entre la première révélation et la nouvelle, celle-ci étant, tout comme l’alliance, « plus excellente » (8.6).

Inachèvement de la première révélation (1.1)

Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes […]

Voici quelques caractéristiques de la première phase de la révélation divine :

• La première est close depuis longtemps (« autrefois ») : le dernier prophète en fut Malachie, plus de quatre siècles auparavant.

• La première est progressive (« à plusieurs reprises ») : Dieu l’a développée sur plusieurs siècles.

• La première est diverse (« de plusieurs manières ») : Dieu a employé plusieurs modes de communication pour transmettre la richesse de sa Parole (création, déluge, promesse à Abraham, prophéties, récompenses et punitions, sacrifices, etc.).

• La première était donnée essentiellement aux Juifs (« à nos pères »).

• La première a été communiquée par des intermédiaires (« par les prophètes »).

Perfection de la révélation par le Fils (1.2a)

Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils […].

• La nouvelle révélation dans le Fils est ouverte. L’expression « ces derniers temps » se réfère à la présente époque ouverte depuis l’Ascension et qui s’achèvera avec la seconde venue de Jésus.

• La nouvelle s’adresse à l’humanité. Le « nous » englobe Juifs et Gentils (Éph 2).

• La nouvelle révélation est communiquée par le Fils. Cette seule affirmation contraste avec ce qui vient d’être dit dans le paragraphe précédent : – non pas sur plusieurs siècles, puisqu’en trois années de ministère, – non pas de plusieurs manières, puisque par un canal unique, – non pas par plusieurs hommes (les prophètes), mais par un seul, – non par des hommes créés ou de simples intermédiaires, mais par un homme bien particulier : un « Fils ». L’original n’emploie pas l’article, comme pour indiquer là un statut et l’opposer au statut de prophète : il ne sera pas prophète mais fils. La suite du chapitre développe ce statut à part.

« Fils » : plus que « prophète » (1.2)

Il l’a établi héritier de toutes choses ; par lui il a aussi créé l’univers.

L’auteur s’applique à montrer qu’être Fils est supérieur à être prophète. Tandis que le prophète parle au nom de Dieu et qu’il est lui-même créé, le Fils, lui, parle avec autorité car « la maison » lui appartient.

1. Héritier

Être fils, c’est être « héritier de toutes choses ». Tout lui appartient, c’est-à-dire qu’il est souverain et contrôle toute chose et tout événement (2.7-8 ; cf. Ps 2.8 ; Phil 2.9-11).

Un prophète ne domine pas tout : il a pu subir à contrecœur les incompréhensions, l’hostilité et les méfaits de ses compatriotes. Le Fils est venu dans ce monde en sachant ce qui l’attendait. Lorsque nous méditons sa « passion », rappelons-nous qu’il avait prévu la croix et choisi de ne pas se défendre afin que s’accomplissent les Écritures qu’il avait inspirées. Une étude des textes de la passion montrera qu’il a lui-même provoqué la réaction en chaîne des événements. Il a bel et bien le contrôle de tout, même quand tout semble lui échapper ; la victoire sur la croix le prouve.

2. Agent créateur

C’est par lui que Dieu a « créé l’univers » (voir le parallèle en Col 1.15-17). Dieu a parlé par des prophètes mais il n’a pas créé le monde par eux.

Ces deux caractères décrivent la relation filiale, vue du Père. La suite la décrit, vue du Fils.

« Fils » : révélateur et révélation de Dieu (1.3)

Il est le rayonnement de sa gloire et l’empreinte de son être. Il soutient toutes choses par la parole de sa puissance. Après avoir fait la purification des péchés, il s’est assis à la droite de la Majesté, dans les lieux élevés.

Ce verset produit, en première lecture, un sentiment merveilleux. Il entrouvre la porte d’un profond mystère. À partir de là, ce n’est plus « Dieu » le sujet mais « il », le Fils : le prédicateur change de ton. Il n’est plus question de mettre en contraste ancienne et nouvelle alliance, mais de dévoiler un peu plus la nature divine et le rôle salvateur du Fils.

1. Un « rayonnement » : Christ est le révélateur de Dieu

Le Fils est « le reflet de sa gloire » ou : « le rayon, le rayonnement ». Les scientifiques ont découvert qu’un rayon lumineux révèle une quantité d’informations incroyable sur des étoiles se trouvant à des milliers de milliards de kilomètres : composition chimique, âge, durée de vie, vitesse d’éloignement ou de rapprochement, etc. Quel exploit, quand on y pense ! Un monde objectivement inaccessible nous est ouvert et nous paraît moins lointain. Il en est ainsi du Fils : il accomplit l’exploit incomparable de mettre Dieu à notre portée. En effet, « Dieu est lumière » (Jean 1.5) dans sa gloire inabordable, lui qui « habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir » (1 Tim 6.16). Or, « personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître » (Jean 1.18). Ce Dieu objectivement transcendant, Jésus le rend accessible (4.16 ; 10.19-20 ; cf. aussi Rom 5.2 ; 1 Cor 16.9 ; Éph 2.18 ; 3.12). Il fait de notre Créateur lointain un Père proche et abordable (Rom 8.15-17 ; Gal 4.6-7).

Si la lumière révèle la nature et le mouvement de l’étoile lointaine, celle-ci n’en est cependant pas affectée le moins du monde : elle demeure à sa place, dans le ciel. De même, la révélation du Père par le Fils n’ôte rien au caractère glorieux et transcendant de Dieu. Dieu demeure dans son ciel de majesté. Le Père et le Fils partagent la même nature « lumineuse » tout en étant distincts l’un de l’autre.

Pas besoin d’avoir fait de hautes études pour saisir, en s’exposant à la lumière naturelle, que le soleil est « chaud » ! De même, à proximité de Christ, nous bénéficions de toute la « chaleur » bienfaisante de notre Père céleste : sa grâce, sa miséricorde, ses perfections, sa majesté, etc.

2. Une « empreinte » : Christ est la révélation de Dieu

L’image du rayonnement parle d’un Dieu rendu proche, mais ne fait pas tout à fait honneur au Fils lui-même. Un « reflet »… Pourquoi pas un fantôme ? Ce n’est pas une blague : certains hérétiques — les docétistes — affirment dès le ier siècle que le Christ possède un corps apparent, mais irréel. Faire de Christ une simple émanation de Dieu serait toutefois lui refuser la fatigue, la faim, la soif, et jusqu’à la mort. La résurrection n’aurait-elle donc pas tout à fait eu lieu ?

L’auteur n’en reste heureusement pas là. Il affirme que Christ est « l’empreinte » de Dieu : sa manifestation réelle sur terre. Plus encore, il est « l’empreinte de sa personne ». Le concept de personne est tardif ; le texte parle plutôt de « substance » (litt. : hypostase). Il désigne l’être de Dieu. Christ est donc véritablement Dieu en chair et en os, lui « que nos mains ont touché » (1 Jean 1.4).

Le mot « empreinte » se traduit aussi par « caractère ». Pensez au caractère d’imprimerie qui s’enfonce profondément pour marquer de son empreinte le papier encore vierge. C’est ainsi que le Fils montre les marques du Père.

Montrer les caractères du Père est aussi le plan de Dieu pour tous ses enfants. Et pour faire ressortir sa gloire, il doit parfois « frapper fort », en sorte que Paul dira : « Je porte en mon corps les marques de Jésus » (Gal 6.17) en parlant de ses persécutions (2 Tim 3.12). Dieu veut aussi marquer de son empreinte d’amour tous ses enfants, afin que sa gloire soit manifeste dans le monde : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13.35 ; cf. Éph 5.1-2 ; 1 Jean 3.10). C’est le rôle de l’Esprit : transformer notre « caractère » à la ressemblance de Jésus (2 Cor 3.17), lui-même caractérisant le Père. Adam, créé à l’image de Dieu, a déformé celle-ci par le péché. Le second Adam, Christ, recrée en nous l’image de Dieu.

3. Le rôle salvateur du Fils

Ces deux attributs du Fils laissent place à trois actions qui résument son mandat : création soutenue, rédemption, glorification.

a. Création : « portant toutes choses par la parole de sa puissance »

Le Fils, Parole de Dieu, a créé le monde (1.2 ; Gen 1.1), mais il le préserve aussi de la destruction.

b. Rédemption : « après avoir fait la purification des péchés »

Dieu lui-même, venu en chair, a pourvu au salut (Rom 8.33 ; 1 Tim 3.16). La formulation décrit un souverain sacrificateur opérant le rite sacrificiel, ce que la suite de l’Épître développera.

c. Glorification : « assis à la droite de la Majesté »

Christ ne vit pas dans une gloire statique. Comme il soutient sa première création, il préserve aussi sa nouvelle création.

« Fils » : plus qu’« ange » (1.4-14)

Étant devenu d’autant plus excellent que les anges, qu’il a hérité d’un nom plus excellent que le leur.

« Les Juifs se glorifiaient d’avoir reçu la loi par le ministère des anges (2.2 ; cf. Actes 7.53 ; Gal 3.19). Il fallait montrer combien Christ était supérieur à ces intelligences célestes pour prouver la supériorité de la révélation dont il était le porteur (1.1). » (La Bible annotée) Ses auditeurs veulent retourner à la loi ? L’auteur montre que celle-ci avait prévu la supériorité de Christ sur les anges, d’où le grand nombre de prophéties messianiques pour appuyer ses dires.

• Contrairement aux anges, le Fils est considéré par Dieu comme son Fils, son égal (1.5, citant 2 Sam 7.14 et Ps 2.7).

• Même les anges doivent adoration au Fils (1.6, citant les Ps 89 et 97).

• Dieu ne s’adresse pas aux anges, ses serviteurs, comme il s’adresse au Fils l’appelant lui-même Dieu et roi, juste et bienheureux (1.7-9 citant les Ps 104 et 45).

• Dieu honore le Fils et souligne sa souveraineté sur sa propre création, sa divinité éternelle et sa royauté parfaite et juste (1.10-12 citant les Ps 102 et 104).

• Contrairement aux anges, Dieu a appelé son Fils à la royauté et à la sacrificature (1.13 citant Ps 110.1).

Le verset 14 conclut : contrairement au Fils, les anges n’occupent pas la place d’honneur dans le ciel, mais assument un rôle de serviteurs en faveur de ceux qui doivent hériter le salut.

Conclusion

Il a obtenu un ministère d’autant supérieur qu’il est le médiateur d’une alliance plus excellente, qui a été établie sur de meilleures promesses. En effet, si la première alliance avait été sans défaut, il n’aurait pas été question de la remplacer par une seconde. (8.6-7)

Le premier chapitre de l’Épître aux Hébreux frappe fort et dévoile une image majestueuse et incomparable de Christ dans sa personne (divine), dans son œuvre (créatrice et rédemptrice) et dans sa supériorité sur tous les saints anges. La nouvelle alliance ne pouvait bénéficier d’un meilleur fondement !

Le chapitre 2 équilibre cette présentation glorieuse du Fils avec l’humanité d’un Jésus compatissant et proche de nos faiblesses et de nos préoccupations. L’Épître peut alors développer en quoi il est un intercesseur plus excellent que les prêtres mosaïques.

Puisse cette Épître raffermir nos cœurs vacillants et nous encourager à suivre le modèle de nos pères dans la foi, ayant en vue la joie éternelle donnée à tous ceux qui auront persévéré.

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Mondin Frédéric
Frédéric Mondin travaille pour les éditions BLF. Il vit actuellement en Bolivie avec sa femme. Il est membre du comité de rédaction de Promesses.