Dossier: Ésaïe, l'évangile de l'Ancien Testament
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Une issue aux malheurs

Le livre du prophète Ésaïe est parfois appelé « l’évangile de l’Ancien Testament », car, plus que tout autre livre de l’A.T., il annonce la bonne nouvelle du salut apporté par le Messie promis au monde entier1.

Pourtant, avant d’annoncer de bonnes nouvelles, Ésaïe est obligé de prononcer des malheurs sur le peuple, pour qu’il prenne conscience de sa situation morale. C’est ainsi que nous trouvons deux collections de six malheurs collectifs (5.8-25 et ch. 28 à 33).

Malheurs sur le prophète

Pour pouvoir exercer son ministère de prophète et annoncer au peuple les malheurs qui allaient fondre sur lui, Ésaïe doit premièrement être prêt à dire : « Malheur à moi ! »

La première collection est suivie d’un premier « Malheur à moi ! » (6.5). Ésaïe doit reconnaître devant un Dieu saint son état de perdition (« Je suis perdu… ») et recevoir de ce même Dieu la guérison (« Ton iniquité est enlevée… »).

La seconde collection est précédée d’un second « Ma maigreur, ma maigreur ! Malheur à moi ! » (24.16, litt.) Ésaïe doit faire sienne l’indigence spirituelle de son peuple. C’est l’attitude exactement inverse de l’église à Laodicée qui se vante : « Je suis riche, je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien. » (Apoc 3.17). Ézéchiel annonce que Dieu, le parfait berger, va détruire les brebis grasses et vigoureuses (images des mauvais bergers d’Israël) qui usent de violence et de dureté envers les autres brebis, sans pour autant ressentir leurs propres besoins spirituels (Éz 34.16,4).

Il y a donc deux conditions indispensables à l’exercice de quelque ministère que ce soit : l’expérience personnelle du salut et l’humiliation face à la totale insuffisance devant Dieu. Alors la puissance de Dieu peut s’accomplir au travers même de la faiblesse — admise et reconnue — du serviteur (2 Cor 12.9 ; 13.9).

Malheurs sur le peuple

Chacune des deux collections de six malheurs collectifs traite des mêmes sujets : dans la première série, la raison de la malédiction est simplement exposée, tandis que dans la deuxième série ces mêmes raisons sont développées et surtout, Dieu indique le remède au malheur — ou plutôt celui qui est le remède au mal.

1. L’orgueil

« Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, et qui joignent champ à champ, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace, et qu’ils habitent seuls au milieu du pays ! » (5.8)

« Malheur à la couronne superbe des ivrognes d’Éphraïm, à la fleur fanée, qui fait l’éclat de sa parure, sur la cime de la fertile vallée de ceux qui s’enivrent ! » (28.1)

L’orgueil humain se montre dans sa frénésie à posséder ou à jouir sans modération des biens terrestres. Pourtant, toutes ses richesses se faneront un jour et il n’en restera rien. Les assurances illusoires de l’homme (28.15) ne seront pas une protection au jour du jugement.

L’édifice construit par l’orgueil de l’homme tombe et est remplacé par celui que Dieu construit : « Voici, j’ai mis pour fondement en Sion une pierre, une pierre éprouvée, une pierre angulaire de prix, solidement posée. » (28.16a) C’est sur Christ que nous sommes invités à bâtir notre vie, en acceptant d’abord le salut qu’il nous offre (1 Pi 2.6-7), puis en contribuant à l’édification collective du peuple de Dieu (1 Cor 3.11-15). Alors plus de crainte du jugement ! « Celui qui la prendra pour appui n’aura point hâte de fuir. » (28.16b)

2. La religion humaine

« Malheur à ceux qui de bon matin courent après les boissons enivrantes, et qui bien avant dans la nuit sont échauffés par le vin ! La harpe et le luth, le tambourin, la flûte et le vin animent leurs festins ; mais ils ne prennent point garde à l’œuvre de l’Éternel, et ils ne voient point le travail de ses mains. » (5.11-12)

« Malheur à Ariel, à Ariel, cité dont David fit sa demeure ! Ajoutez année à année, laissez les fêtes accomplir leur cycle. » (29.1)

Le peuple du temps d’Ésaïe continuait dans ses pratiques religieuses (les fêtes, qui dégénéraient en festins orgiaques), tout en s’abandonnant à un péché moral et social éhonté. L’homme veut toujours faire des œuvres pour satisfaire Dieu ; il pense même pouvoir compenser par elles son inconduite. « Quand ce peuple s’approche de moi, il m’honore de la bouche et des lèvres ; mais son cœur est éloigné de moi, et la crainte qu’il a de moi n’est qu’un précepte de tradition humaine. » (29.13, repris par Jésus en Mat 15.8-9 et Marc 7.6-7). Mais Dieu en Christ a mis un terme à cette religion de façade : « C’est pourquoi je frapperai encore ce peuple par des prodiges et des miracles ; et la sagesse de ses sages périra, et l’intelligence de ses hommes intelligents disparaîtra. » (29.14, cité par Paul en 1 Cor 1.19). Notre foi n’est pas un ensemble de rites ou une pure spéculation intellectuelle : elle est une personne, Christ crucifié, qui est la puissance et la sagesse de Dieu (1 Cor 1.23-24).

3. L’hypocrisie

« Malheur à ceux qui tirent l’iniquité avec les cordes du vice, et le péché comme avec les traits d’un char, et qui disent : Qu’il hâte, qu’il accélère son œuvre, afin que nous la voyions ! Que le décret du Saint d’Israël arrive et s’exécute, afin que nous le connaissions ! » (5.18-19)

« Malheur à ceux qui cachent leurs desseins pour les dérober à l’Éternel, qui font leurs œuvres dans les ténèbres, et qui disent : Qui nous voit et qui nous connaît ? » (29.15)

Quelle duplicité chez ces Israélites qui semblent s’intéresser à la pensée de Dieu, alors qu’ils n’en font qu’à leur tête ! Pour contrer cette hypocrisie, une seule ressource : la Parole de Dieu. « En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre ; et, délivrés de l’obscurité et des ténèbres, les yeux des aveugles verront. » (29.18) Suis-je sourd et aveugle quant à ce que je suis réellement devant Dieu ? le « livre » me fera entendre et voir ; la Parole de Dieu, miroir de l’âme, me débarrassera de mes faux habits de piété et me sanctifiera de mon hypocrisie (cf. Jac 1.22-24 ; Jean 17.17).

4. La rébellion

« Malheur à ceux qui appellent le mal bien, et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière, et la lumière en ténèbres, qui changent l’amertume en douceur, et la douceur en amertume ! » (5.20)

« Malheur, dit l’Éternel, aux enfants rebelles, qui prennent des résolutions sans moi, et qui font des alliances sans ma volonté, pour accumuler péché sur péché ! » (30.1)

Fondamentalement, le péché consiste à agir sans tenir compte de la volonté de Dieu. C’est à cause de cette attitude d’indépendance (« sans moi »), que le malheur est entré dans le monde lors de la chute en Éden. Une confusion morale totale s’en est suivie, renversant les normes du bien et du mal. Alors Dieu permet que les rebelles que nous sommes par nature (Rom 2.8-9) connaissent l’angoisse et la détresse (30.20) et crient à lui. Et lui qui désire faire grâce se lève pour user de miséricorde (30.18-19). Et au lieu d’agir indépendamment, le rebelle retourné à son Dieu : – le laisse agir : « C’est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, c’est dans le calme et la confiance que sera votre force » (30.15) ; – et lui indiquer le chemin : « Tes oreilles entendront derrière toi la voix qui dira : Voici le chemin, marchez-y ! » (30.21)

5. La confiance en l’homme

« Malheur à ceux qui sont sages à leurs yeux, et qui se croient intelligents ! » (5.21)

« Malheur à ceux qui descendent en Égypte pour avoir du secours, qui s’appuient sur des chevaux, et se fient à la multitude des chars et à la force des cavaliers, mais qui ne regardent pas vers le Saint d’Israël, et ne recherchent pas l’Éternel ! » (31.1)

Face à la redoutable menace du nord (assyrienne puis babylonienne), le peuple de Juda a eu très souvent la tentation de s’appuyer sur l’Égypte, l’autre grande puissance de l’époque : il se croyait politiquement sage et intelligent. Mais Dieu lui reproche de préférer un appui visible mais peu sûr — un secours purement charnel et humain (31.3) — à sa protection à lui. En opposition à la confiance en l’homme (la « descente » en Égypte), l’Éternel va descendre, lui aussi (31.4). Il se compare lui-même à un lion qui vient combattre.

Nous savons que le lion de la tribu de Juda (Apoc 5.5) est descendu et qu’il a vaincu un ennemi, le diable, dont l’Assyrien d’autrefois n’était qu’une image. Dès lors, Dieu peut dire à tout homme : « Revenez à celui dont on s’est profondément détourné » (31.7) pour être sauvé, épargné, délivré, protégé (31.6). En lui notre confiance est bien placée (cf. Ps 118.7-9).

6. La destruction

« Malheur à ceux qui ont de la bravoure pour boire du vin, et de la vaillance pour mêler des liqueurs fortes ; qui justifient le coupable pour un présent, et enlèvent aux innocents leurs droits ! » (5.22-23)

« Malheur à toi qui ravages, et qui n’as pas été ravagé ! qui pilles, et qu’on n’a pas encore pillé ! Quand tu auras fini de ravager, tu seras ravagé ; quand tu auras achevé de piller, on te pillera. » (33.1)

À l’œuvre destructrice de Satan, enrôlant des hommes pour oppresser les innocents, piller et ravager, Dieu oppose celui qui est la « sûreté » de nos jours (33.6). Dieu a préparé pour ceux qui trouvent en lui leur sécurité un « séjour tranquille », une « tente qui ne sera plus transportée » (33.20). L’oppression sera remplacée par la domination parfaitement équilibrée de celui qui est à la fois juge, législateur et roi (33.22), le « roi dans sa magnificence » (33.17) ! C’est bien lui qui est le remède unique et ultime à tous les malheurs humains.

1L’expression « bonne(s) nouvelle(s) » se trouve au moins 4 fois dans le livre (40.9 ; 41.27 ; 52.7 ; 61.1).

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Hug André
André Hug, marié et père de 4 enfants, après une carrière professionnelle dans le domaine financier, retraité depuis quelques années, est actif pour l'enseignement dans le cadre de son église locale.