Dossier: Ésaïe, l'évangile de l'Ancien Testament
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

La gloire à venir : Ésaïe 58 à 66

La gloire à venir Ésaïe 58 à 66

La dernière section d’Ésaïe couvre les chapitres 58 à 66 de son livre1. Depuis le début du ch. 40, le prophète s’adresse par anticipation au reste du peuple juif déporté à Babylone, d’où il va ensuite remonter. Mais, au-delà de ces destinataires directs, tous les croyants sont visés par ces textes, comme le montre l’abondance des citations que les auteurs du N.T. font de ces chapitres2.

– Dans les ch. 40 à 48, face à la triple tentation de l’idolâtrie, du découragement et de la tentation, le prophète développe la grandeur du Dieu unique.

– Dans les ch. 49 à 57, grâce à l’œuvre du Serviteur souffrant, Ésaïe montre comment Dieu pourra pardonner à son peuple et ouvrir une large porte de salut à quiconque veut bien venir.

– Cependant une question importante reste à régler, celle de la justice : l’homme a été démontré injuste en pratique (ch. 1 à 39) ; seul Dieu peut le rendre juste par les souffrances de son Serviteur (ch. 40 à 57) ; mais quel est le lien entre cette justice de position et la justice pratique et comment ce lien permettra-t-il d’aboutir au dessein final de Dieu pour l’humanité ? Tel est le sujet de ces derniers chapitres (58 à 66).

Le renouvellement opéré par l’Esprit de l’Éternel

Au risque de caricaturer un peu, la seconde partie d’Ésaïe offre une présentation trinitaire de Dieu :

– les ch. 40 à 48 développent la gloire du Dieu incomparable,

– les ch. 49 à 57 sont centrés sur la personne et l’œuvre du Fils, le Serviteur souffrant et glorifié,

– dans les ch. 58 à 60, Ésaïe donne par avance les principales caractéristiques de la présence de l’Esprit de Dieu dans les croyants, qui sera une caractéristique majeure des « temps de la fin ».

Plusieurs versets préfigurent les effets de sa présence, qu’il nous est facile de mettre en relation avec des textes du N.T. :

a. La présence de l’Esprit de Dieu sera personnelle : « Voici mon alliance avec eux, dit l’Éternel : Mon Esprit, qui repose sur toi, et mes paroles que j’ai mises dans ta bouche, ne se retireront point de ta bouche, […] dès maintenant et à jamais. » (59.21)

Cette présence personnelle de l’Esprit concerne en premier lieu le Messie promis et son peuple renouvelé ; toutefois nous sommes désormais associés à lui si étroitement que ce texte s’applique aussi à nous. Jésus a annoncé que la présence de l’Esprit dans les siens serait éternelle (Jean 14.16). Paul rajoute que la présence de l’Esprit est caractéristique du croyant (Rom 8.9 ; Éph 1.13)

b. L’Esprit permet de jouir des bénédictions du salut : « Comme la bête descend dans la vallée, l’Esprit de l’Éternel les a menés au repos. » (63.14)

Historiquement, ce fut la part du peuple arrivé en Canaan. Et aujourd’hui c’est notre part : par l’Esprit, nous pouvons goûter un repos bien plus large ; il nous rend libres de ne plus être asservis par le péché, le monde et le diable (Héb 4.1-10 ; Rom 8.13).

c. L’Esprit est une puissance de témoignage : « L’Esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi, car l’Éternel m’a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux. » (61.1)

C’est conduits par l’Esprit que les premiers apôtres annoncèrent la bonne nouvelle à la suite de l’Oint divin (Luc 4.17-22 ; Act 1.8).

d. L’Esprit conduit dans un chemin de sainteté quotidienne : « Ils ont été rebelles, ils ont attristé son Esprit saint ; et il est devenu leur ennemi, il a combattu contre eux. Alors son peuple se souvint des anciens jours de Moïse : […] Où est celui qui mettait au milieu d’eux son Esprit saint ? » (63.10-11)

Le N.T. nous enjoindra de ne pas « attrister le Saint Esprit de Dieu » (Éph 4.30). Apprenons un peu du contre-exemple historique du peuple pour chercher à honorer cet hôte divin par notre conduite.

e. L’Esprit arme contre les ennemis : « Quand l’ennemi viendra comme un fleuve, l’Esprit de l’Éternel le mettra en fuite. » (59.19)

L’Esprit nous aide dans notre combat spirituel, en particulier en nous dirigeant pour utiliser à bon escient la Parole de Dieu (Éph 6.17-18) afin de mettre en déroute le diable et son flot de pensées pernicieuses.

Les nouveaux cieux et la nouvelle terre

Le propos final de Dieu ira jusqu’à nous amener dans la pleine possession de l’héritage dont l’Esprit est les arrhes, dans une création renouvelée. Or les deux seules mentions dans tout l’A.T. des « nouveaux cieux et la nouvelle terre » sont dans ces chapitres :

– « Je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre ; on ne se rappellera plus les choses passées, elles ne reviendront plus à l’esprit. » (65.17)

– « Comme les nouveaux cieux et la nouvelle terre que je vais créer subsisteront devant moi, dit l’Éternel, ainsi subsisteront votre postérité et votre nom. » (66.22)

Y répondent les deux mentions du N.T. :

– « Nous attendons, selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera. » (2 Pi 3.13)

– « Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu. » (Apoc 21.1)

Ésaïe envisage l’aboutissement du plan de Dieu dans un état définitif, renouvelé, caractérisé par la justice3. Comment sera cette nouvelle création ? Dans ces chapitres, il esquisse quelques détails, en pleine cohérence avec le N.T. :

– La présence de Dieu sera centrale, lumière des hommes : « Ce ne sera plus le soleil qui te servira de lumière pendant le jour, ni la lune qui t’éclairera de sa lueur ; mais l’Éternel sera ta lumière à toujours, ton Dieu sera ta gloire. » (60.19 ; cf. Apoc 21.23)

– Les conséquences du péché auront pris fin : « Les jours de ton deuil seront passés. » (60.20) « On n’y entendra plus le bruit des pleurs et le bruit des cris. » (65.19 ; cf. Apoc 21.4)

– Ceux qui ont refusé le salut subiront un jugement éternel : « Quand on sortira, on verra les cadavres des hommes qui se sont rebellés contre moi ; car leur ver ne mourra point, et leur feu ne s’éteindra point ; et ils seront pour toute chair un objet d’horreur. » (66.23-24 ; cf. Apoc 21.8)

La gloire

La « gloire » est un des mots-clefs de cette section (avec 8 mentions sur 22 dans l’ensemble du livre). Si les nouveaux cieux et la nouvelle terre sont caractérisés par la présence personnelle de Dieu, cette dernière ne peut être que glorieuse (60.19-20).

Cette gloire :

– sera à contempler : « Le temps est venu de rassembler toutes les nations et toutes les langues ; elles viendront et verront ma gloire. » (66.18)

– sera racontée par toute la terre : « Je mettrai un signe parmi elles, et j’enverrai leurs réchappés vers les nations, à Tarsis, à Pul et à Lud, qui tirent de l’arc, à Tubal et à Javan, aux îles lointaines, qui jamais n’ont entendu parler de moi, et qui n’ont pas vu ma gloire ; et ils publieront ma gloire parmi les nations. » (66.19)

Cette gloire,

– Dieu se plaît à la mettre et à la faire voir dans les siens : « Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l’Éternel se lève sur toi. Voici, les ténèbres couvrent la terre, et l’obscurité les peuples ; mais sur toi l’Éternel se lève, sur toi sa gloire apparaît. » (60.1-2)

– elle conduit alors à l’adoration et au respect : « On craindra le nom de l’Eternel depuis l’occident, et sa gloire depuis le soleil levant. » (59.19)

La joie

a. Non seulement la présence de Dieu fait resplendir sa gloire, mais elle apporte aussi la joie à ses rachetés.

– Cette joie contraste avec la situation précédente d’une terre marquée par la honte du péché et la mort : « Au lieu de votre opprobre, vous aurez une portion double ; au lieu de l’ignominie, ils seront joyeux de leur part ; ils possèderont ainsi le double dans leur pays, et leur joie sera éternelle. » (61.7) ; « …pour accorder aux affligés de Sion, pour leur donner un diadème au lieu de la cendre, une huile de joie au lieu du deuil. » (61.3)

– Elle sera liée à un cœur renouvelé et heureux : « Voici, mes serviteurs chanteront dans la joie de leur cœur. » (65.14) « Vous le verrez, et votre cœur sera dans la joie, et vos os reprendront de la vigueur comme l’herbe. » (66.14)

– Elle sera la conséquence de l’œuvre de Dieu en salut : « Je me réjouirai en l’Éternel, mon âme sera ravie d’allégresse en mon Dieu ; car il m’a revêtu des vêtements du salut. » (61.10) « Réjouissez-vous plutôt et soyez à toujours dans l’allégresse, à cause de ce que je vais créer ; car je vais créer Jérusalem pour l’allégresse, et son peuple pour la joie. » (65.18 ; cf. 60.15)

– Elle produira la louange : « Ils annonceront avec joie les louanges de l’Éternel. » (60.6, Darby)

– Elle sera liée à un service éternel : « Mes serviteurs se réjouiront. » (65.13)

b. La joie des rachetés sera à l’unisson de la joie de Dieu lui-même. Privilège extraordinaire, nous contribuerons à la joie éternelle du Dieu intrinsèquement bienheureux ! Il peut dire : « Je ferai de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie. » (65.19) « Comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu. » (62.5)

La fin de l’éthique : la justice selon Dieu

Ces chapitres abondent en considérations éthiques. Fondamentalement, l’homme ne peut pas faire valoir sa conduite. Deux constats, parmi bien d’autres :

– « Toutes nos justices sont comme un vêtement souillé. » (64.6)

– « Il n’y a personne qui invoque la justice, et personne qui plaide en jugement avec intégrité. » (59.4)

Alors Dieu doit intervenir et donner une justice autre : « Il m’a revêtu des vêtements du salut, il m’a couvert de la robe de la justice. » (61.10, Darby) Les chants du Serviteur (et le chant supplémentaire que constitue le ch. 61) indiquent par quel moyen cette justice nous a été acquise : les souffrances du Messie.

Cependant la justice imputée par Dieu (justice de position) doit avoir pour suite immédiate une justice pratique : « … afin qu’on les appelle des térébinthes de la justice » (61.3). Au lieu d’une injustice constante (59.1-15) ou d’une religion extérieure purement formelle (58.1-4), le croyant renouvelé montre sa justice intérieure par des actes justes, que Dieu apprécie beaucoup plus que des rites sans réalité : « Voici le jeûne auquel je prends plaisir : détache les chaînes de la méchanceté, […] partage ton pain avec celui qui a faim ; […] si tu vois un homme nu, couvre-le. » (58.6-7) Ce faisant, le fidèle anticipe dans un monde de ténèbres la lumière du règne glorieux de Dieu (58.8-14).

De plus, notre conduite ici a des conséquences directes dans l’avenir, dans ces nouveaux cieux et cette nouvelle terre dont la justice concrète sera une des caractéristiques premières : « Il ne se fera ni tort, ni dommage. » (65.25) Le temps viendra où Dieu dira : « Je connais leurs œuvres et leurs pensées » (66.18) — le temps où les conséquences de nos actes seront finalement établies. Quel encouragement à « pratiquer avec joie la justice » (64.4) !

* * *

Ces chapitres 58 à 66 ne sont pas les plus connus d’Ésaïe. Pourtant, à travers un kaléidoscope de tableaux divers, souvent d’une poésie saisissante, le prophète esquisse par touches différentes des perspectives qui touchent à l’éternité. Il ouvre l’espérance à tout homme humble, qui craint la parole de Dieu (66.2), d’un renouvellement universel, glorieux et joyeux, centré sur la présence même de Dieu. Animé par l’Esprit de Dieu, sur la base d’un salut acquis par le Serviteur souffrant, le croyant vit déjà dans cette attente en montrant son salut par sa justice pratique. Il vaut la peine d’écouter et de vivre le message du livre de la gloire à venir !

1Certains commentateurs considèrent que les ch. 40 à 55 forment une unité et les ch. 56 à 66 une autre. Bien que cette thèse ait quelques arguments en sa faveur, nous préférons nettement un plan des ch. 40 à 66 en trois fois neuf chapitres (40-48 ; 49-57 et 58-66), marqués par un indice textuel fort (même refrain à la fin des ch. 48 et 57).
2Voir Luc 4.18-19 ; Act 7.49-50 ; Rom 3.15-17 ; 10.20 ; 10.21 ; 11.26-27 ; 1 Cor 2.9 ; Éph 5.14, etc.
3Il est souvent délicat d’attribuer tel verset au millénium ou à l’état éternel. Ce n’est d’ailleurs pas le but d’Ésaïe qui présente des tableaux de la gloire à venir sans se préoccuper d’établir une chro-nologie ; celle-ci ne sera clairement posée que dans le dernier livre de la Bible, l’Apocalypse. Soyons moins concentrés sur la séquence des événements et cherchons davantage à suivre les auteurs bibliques dans le but propre de leur exposé du futur, qui est avant tout moral et spirituel.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page
Dossier : Ésaïe, l'évangile de l'Ancien Testament
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.