Dossier: L'amour et la grâce de Dieu
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La grâce de Dieu

Qu’est-ce que la grâce ?

La « grâce » est un mot à la fois très courant dans la bouche des chrétiens et mal défini ou mal compris. Pour mieux saisir ce concept dont nous sommes naturellement tellement éloignés, prenons deux textes bibliques et trois situations profanes.

Pour comprendre la grâce… deux textes bibliques

• Le premier est tiré de l’A.T. Ruth est une étrangère, descendante d’une lignée qui était exclue du peuple de Dieu : « L’Ammonite et le Moabite n’entreront point dans l’assemblée de l’Eternel, même à la dixième génération et à perpétuité. » (Deut 23.3) Le mariage de Kiljon avec Ruth était donc une mésalliance coupable. Quelle indulgence pouvait attendre la jeune veuve en osant suivre sa belle-mère en terre d’Israël ? Elle ne peut compter que sur la grâce : « Laisse-moi, je te prie, aller glaner des épis dans le champ de celui aux yeux duquel je trouverai grâce. » (Ruth 2.2) Et « par bonheur », elle tombe sur Boaz, à qui elle dit avec reconnaissance : « Comment ai-je trouvé grâce à tes yeux, pour que tu t’intéresses à moi, à moi qui suis une étrangère ? » (Ruth 2.10)

Une femme d’une lignée honnie, qui reçoit par grâce le droit d’être intégrée dans le peuple de Dieu, mieux encore qui s’inscrit dans la généalogie du Messie… Cela ne commence-t-il pas à nous faire entrevoir ce qu’est la grâce ?

• Le second récit est tiré du N.T. Dans une de ses paraboles, Jésus parle d’un maître de maison qui emploie des ouvriers journaliers dans sa vigne. Au début de la journée, il en embauche certains pour un denier par jour (le tarif normal à l’époque). Puis, au fil de la journée, il en prend d’autres, sans leur donner d’indication précise sur leur paye. Le soir venu, le maître donne la même somme à tous, au grand dam des premiers qui, après avoir trimé toute la journée, pensaient recevoir davantage que ceux qui n’avaient travaillé qu’une heure (Mat 20.1-16).

Voilà une parabole qui n’est syndicalement pas correcte ! Elle permet à Jésus de faire toucher du doigt la différence entre le « donnant-donnant » et la grâce : les premiers ouvriers ont reçu le denier « convenu » ; les ouvriers de la onzième heure ont reçu le denier que le maître a voulu leur donner, parce que c’est son bien et parce qu’il est « bon ».

Un bon maître qui donne à tous également, cela ne nous fait-il pas entrer aussi un peu dans la pensée de la grâce ?

Pour comprendre la grâce… trois exemples profanes

Venons-en à quelques exemples actuels à travers trois tranches de vie :

– La feuille de paye : C’est le dernier jour du mois. Christian reçoit sa feuille de paye. Conformément au contrat de travail dûment signé entre son employeur et lui, il a travaillé les 152 heures requises dans le mois et il touche le salaire convenu exact. Tant d’argent pour tant de travail : c’est juste — « donnant-donnant ». La Bible confirme : « À celui qui fait une œuvre, le salaire est imputé, non comme une grâce, mais comme une chose due. » (Rom 4.4)

– La contravention : Christian fait une course entre son travail et son domicile et s’arrête sur une place de stationnement interdite. En reprenant sa voiture, il trouve une contravention sur son pare-brise. Il a commis une faute ; il doit payer : c’est juste — « donnant-donnant ». La Bible confirme : « Le salaire du péché, c’est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rom 6.23)

– Le bouquet : Christian et sa femme sont invités ce soir chez des amis. Ils ne veulent pas arriver les mains vides, d’autant que la dernière fois que ces amis sont venus chez eux, ils ont apporté un beau bouquet de fleurs. Christian et sa femme se sentent redevables et s’arrêtent chez le fleuriste pour acheter un bouquet équivalent à celui reçu quelques semaines auparavant. Ils ont reçu ; ils doivent rendre la pareille : c’est juste — « donnant-donnant ». La Bible confirme : « Si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres ; autrement la grâce n’est plus une grâce. Et si c’est par les œuvres, ce n’est plus une grâce ; autrement l’œuvre n’est plus une œuvre. » (Rom 11.6)

Définir la grâce ?

Dans ces trois exemples, rien de choquant pour notre sens de la justice. Et ce sens de la justice est inné chez l’être humain. Il n’est que d’observer le comportement des enfants : à l’école ou à la maison, qu’ils sont prompts à s’écrier : « C’est pas juste ! »

Mais la grâce… Ce n’est pas une juste contrepartie ; c’est un pur don sans compensation, gratuit, généreux, libre… Un concept bien éloigné de notre façon de penser, un sentiment si difficile à saisir…

Peut-être la meilleure façon de la définir est d’en prendre l’antonyme : la grâce est l’opposé du « donnant-donnant ». La grâce donne contre rien du tout — au moins pour ce qui nous concerne. La grâce ne demande rien de plus. La grâce est illimitée : Dieu en rajoutera encore et toujours : « De sa plénitude, nous tous nous avons reçu, et grâce sur grâce. » (Jean 1.16, Darby)

La grâce en justification

Tout homme a un besoin fondamental de la grâce de Dieu parce que tout homme est pécheur. Mais la grâce est peut-être ce qui lui est le plus difficile à accepter. Les religions humaines fonctionnent sur le principe du « donnant-donnant » : tant de sacrifice pour tant de bénédiction, tant de prières pour tant de réponses, etc. Or Dieu ne peut rien recevoir de l’homme pécheur et attend juste de lui que ce dernier accepte le cadeau de l’amour divin.

La grâce personnifiée en Jésus

Ce cadeau divin est avant tout une personne, Jésus Christ fait homme :

– Même si Dieu avait déjà montré à de multiples occasions sa grâce sous l’ancienne alliance, fondamentalement, « la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. » (Jean 1.17)

– La venue de Jésus Christ a été l’incarnation, la personnification de la grâce de Dieu : « La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. » (Tite 2.11) « La grâce nous a été donnée en Jésus-Christ avant les temps éternels, et a été manifestée maintenant par la venue de notre Sauveur Jésus-Christ. » (2 Tim 1.9-10).

– Pendant sa vie sur la terre, ses actes et ses paroles « transpiraient » la grâce. La parole prophétique du psalmiste : « La grâce est répandue sur tes lèvres » (Ps 45.2) s’est réalisée quand tous « étaient étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche » (Luc 4.22).

– À la fin de sa vie, c’est par un acte de pure grâce, sans autre contrainte que son amour, qu’il s’est offert sur la croix pour nous enrichir (2 Cor 8.9).

La grâce du salut

Tous les auteurs du N.T. sans exception parlent de la grâce et insistent sur le fait que recevoir la grâce de Dieu en Jésus est le seul moyen d’échapper à la religion du « donnant-donnant » et d’être sauvé pour l’éternité : nous sommes « gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ » (Rom 3.24).

Deux précisions sont utiles :

– La grâce est valable pour tous : personne n’est trop loin pour être privé de la grâce de Dieu1. Ne nous disons jamais que quelqu’un a tellement mal agi qu’il est désormais impossible qu’il puisse bénéficier de la grâce de Dieu. Souvenons-nous des exemples de Manassé, de Paul et de tant d’autres ! Et n’hésitons jamais à la présenter de nouveau.

– La grâce est de Dieu : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. » (Éph 2.8) Le don concerne ici tant la grâce que la foi qui l’a saisie. Aussi n’ayons pas de regret si nous n’avons pas eu une conversion marquante « à la Paul » : ce n’est pas la « qualité » de notre conversion qui nous sauve, mais la grandeur de la grâce dont nous bénéficions.

La grâce en sanctification2

Comme chrétiens évangéliques, nous sommes facilement prêts à recevoir et à prêcher la justification par la grâce. Plus difficile est d’admettre que le processus de sanctification qui se développe à partir de notre conversion est également dû à la même grâce. Nous sommes à juste titre sensibles aux nombreux impératifs qui parsèment les Épîtres, aux exhortations à « faire tous nos efforts », à « mettre en œuvre notre salut » — et nous oublions que « sa divine puissance nous a [déjà !] donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété » et que « c’est Dieu qui produit en nous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Phil 2.12-13 ; 2 Pi 1.3-5).

Notre sanctification progressive implique notre obéissance positive et volontaire pour devenir opérante et produire des œuvres. Toutefois l’effort doit toujours procéder de la grâce, pour éviter de retomber dans une sanctification légaliste. L’indicatif précède l’impératif ; le don devance le devoir et la position assoit l’exhortation.

Le texte de Tite 2.11-12 donne un résumé concis mais percutant de l’action de la grâce de Dieu en sanctification :

– Le point de départ est le salut que Dieu propose à tous : « La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. » Il est un pur cadeau divin, offert à tous — même si, hélas, beaucoup ne l’ouvrent même pas !

– Négativement, la grâce nous « enseigne à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines ». Paul ne définit pas plus précisément ces dernières, car « chacun est amorcé par sa propre convoitise » (Jac 1.14). Nous avons parfois tendance à établir une liste exhaustive de ce que nous estimons être mondain, alors que saisir à quel point le cadeau que Dieu nous a déjà donné est magnifique est le vrai moyen d’être moins attiré par les offres du monde et d’y renoncer joyeusement.

– Positivement, la grâce nous enseigne à « vivre dans le siècle présent ». Elle ne conduit pas à nous couper de notre environnement pour trouver une sainteté illusoire loin de tout. Au contraire, nous sommes invités à manifester la grâce de Dieu par une manière de vivre qui plaît à Dieu dans les trois dimensions de nos relations :

• « sobrement » quant à nous-mêmes : En face des cadeaux si infinis de la grâce de Dieu, le reste perd comparativement de sa valeur et nous pourrons vivre en dessous de nos moyens (ce qui est, me semble-t-il, une des meilleures définitions de la sobriété). De ce fait, il nous sera plus facile de donner généreusement, joyeusement, non par contrainte, mais en étant heureux de pouvoir nous associer ainsi à celui qui nous a fait « un don merveilleux » (2 Cor 9.8-15)3 !

• « justement » quant aux autres : La grâce est un cadeau qui se multiplie par le partage. C’est pourquoi nous sommes appelés à être « de bons dispensateurs des diverses grâces de Dieu » (1 Pi 4.10), à veiller pour qu’aucun de nos frères et sœurs ne se prive de la grâce de Dieu (Héb 12.15). Cette attitude « juste » se montrera en particulier en laissant les autres être eux-mêmes, sans les critiquer indûment, sans nous comparer à eux, sans vouloir les régenter.

• « pieusement » quant à nos relations avec Dieu : Pour quel motif accomplissons-nous des actes « religieux » ? Pensons-nous à notre lecture biblique, à nos temps de prières, à nos réunions d’église, comme des devoirs, des obligations, des rites imposés par un Dieu exigeant ? Si tel est le cas, nous n’avons pas encore compris la grâce ! C’est elle qui nous enseigne à moins nous concentrer sur ce que nous faisons pour Dieu et davantage sur ce qu’il a fait pour nous… et nous nous apercevrons qu’à notre insu, cela nous rendra plus pieux !

La grâce en glorification

Le point d’orgue final au travail de la grâce de Dieu en notre faveur se produira au retour de Jésus-Christ : « Ayez une entière espérance dans la grâce qui vous sera apportée, lorsque Jésus-Christ apparaîtra. » (1 Pi 1.13) La grâce expérimentée dans le passé nous pousse à continuer, mais la grâce espérée nous tire vers l’avant.

Notre séjour sur terre prendra fin. Quelle grâce d’être alors définitivement débarrassé des maladies, des faiblesses, des entraves liées à notre vie actuelle dans un monde déchu et pécheur ! Quelle grâce aussi d’être enfin en présence de Jésus-Christ, de voir toute l’étendue de sa miséricorde qui nous a soutenus jour après jour ici-bas !

Conclusion : les bénédictions de la grâce

Comprendre la grâce de Dieu, recevoir ses multiples cadeaux, renoncer au « donnant-donnant » — tout cela produira de magnifiques résultats dans nos vies :

– nous nous fortifierons « dans la grâce qui est en Jésus-Christ » (2 Tim 2.1) ;

– notre louange sera plus nourrie pour « célébrer la gloire de sa grâce dont il nous a favorisés dans le bien-aimé » (Éph 1.6) ;

– notre croissance spirituelle sera plus ferme (1 Pi 5.10-12) jusqu’au jour où nous serons établis éternellement sur le fondement inébranlable de la grâce.

1Certains textes peuvent parfois troubler, comme celui sur le péché contre le Saint-Esprit, mais ce dernier est précisément le refus persistant et conscient de la grâce (cf. Promesses 180).
2
La sanctification dont il est question dans ce paragraphe n’est pas la position du croyant comme « saint » devant Dieu, concomitante de sa justification, mais la sanctification progressive à laquelle il est appelé.
3
Même si les traductions le rendent parfois par divers mots français, le mot « grâce » (charis) revient 10 fois dans les ch. 8 et 9 de 2 Corinthiens !

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Dossier : L'amour et la grâce de Dieu
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.