Dossier: L'évangile de Jean
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Jean 3.16

Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

Jean 3.16

On raconte qu’au XIXe siècle un prédicateur avait été invité pour une série de 7 soirées d’évangélisation. Le premier soir, il choisit pour texte Jean 3.16. Le deuxième soir, il reprit le même passage. À la surprise des organisateurs, il revint sur ce seul verset pendant les 7 soirées, sans pour autant répéter le même message !

Ce verset est un des plus connus (le plus connu ?) de toute la Bible. Peut-être même est-il celui qui a été à l’origine du plus grand nombre de conversions. Mais c’est aussi l’un des plus riches de l’Écriture. En quelques mots, il balaye les principaux thèmes bibliques, en donnant des éléments essentiels sur Dieu, l’homme, Christ, le salut et l’avenir.

Ce verset est parfois cité ou chanté sans omettre le « car » du début. En effet, il vient au milieu d’un échange entre Jésus et Nicodème1. À ce docteur de la loi, Jésus annonce les rudiments de la foi, avec la nécessité de la nouvelle naissance. Si avancées que puissent être nos connaissances bibliques, nous avons toujours besoin de revenir à la base, puiser aux profondeurs insondables de ce texte unique.

Théologie : ce que Jean 3.16 dit sur Dieu

Dans la Bible, Dieu ne commence pas parse présenterou par se décrire, mais il impose d’emblée sa réalité et sa présence. « Au commencement, Dieu… »,affirme la première page du texte sacré. Quoi qu’en disent les athées, l’idée de Dieu est innée au cœur de tout homme.

L’action de Dieu en création dévoile à qui veut bien le reconnaître sa puissance et sa sagesse (Rom 1.19-20). Mais son être profond, amour et lumière, n’est connu que par ceux à qui il se révèle.

Car qui est ce Dieu dont l’être humain pressent l’existence ? Quelle est sa vraie nature ? Adolphe Monod imagina qu’un jour, onavait découvert à Pompéi un fragment de manuscrit sur lequel était inscrit un extrait de 1 Jean 4. On arriva avec peine à déchiffrer d’abord : « Dieu est… » Quelle attente pour savoir la suite ! Enfin le mot crucial se découvre : « amour ». « Dieu est amour. » Monod s’exclame : « Oh ! Révélation bienheureuse qui met fin à toutes nos anxiétés 2 ! »

Mais pour autant on ne peut pas dire que l’amour est Dieu — contrairement à ce que prétend notre civilisation post-moderne qui idéalise et idolâtre « l’amour » (ce qui est fait « par amour » serait forcément bon, justifiable et inattaquable). Or Dieu est tout autant lumière qu’amour. Cependant on a pu dire avec justesse que l’amour est « premier » en Dieu, car il est à l’origine de son plan éternel (Éph 1.5) 3.

L’amour divin recouvre des facettes très diverses4. Notre verset en met une en exergue : l’amour selon Dieu est action, et Dieu « donne ». L’homme se représente volontiers la divinité comme exigeante — demandant de la part de la créature des offrandes, des prières, une conduite spécifique — alors que le Dieu vivant et vrai commence toujours par donner, librement, gracieusement, généreusement !

Quand nos filles étaient petites, nous avions un livre pour enfants intitulé « Dieu donne » ; sur chaque page, une simple phrase : « Dieu donne le soleil », « Dieu me donne des parents », etc., pour finir par « Dieu me donne son Fils ». Apprendre à des enfants, dès leur jeune âge, à concevoir Dieu d’abord comme le Donateur, quel privilège et quelle richesse pour eux.Cette pensée les accompagnera leur vie durant.

Anthropologie : ce que Jean 3.16 dit sur l’homme

Dieu a tant aimé « le monde ». Ce mot revêt plusieurs sens dans les écrits de Jean :

– 1° Il peut désigner le « cosmos », l’ensemble de l’univers créé ; c’est le sens qu’il prend quand le Fils parle à son Père de la gloire qu’il avait « avant que le monde soit » (Jean 17.5).

– 2° Il peut indiquer l’ensemble des êtres humains, quels qu’ils soient — et c’est sans doute la connotation la plus présente dans notre verset : Dieu aime tous les hommes et les femmes de la terre, sans exception.

– 3° Le plus souvent chez Jean, il qualifie le système opposé à Dieu, marqué par le péché, dont le diable est le prince (Jean 14.30) et qu’il ne faut pas aimer (1 Jean 2.15).

S’il est utile de distinguer ces trois sens, il convient également de les rassembler : le « système monde » opère par le moyen d’êtres humains et l’action pécheresse du monde a entaché la création qui soupire après sa délivrance.

Dieu aime globalement toute l’humanité ; Dieu aime également chaque individu : c’est ce qu’indique le « quiconque » qui suit. Le côté individuel de son amour s’allie parfaitement avec son aspect collectif.

Et pourtant les personnes que Dieu aime ne sont pas aimables en elles-mêmes ! Contrairement à la forme la plus commune de l’amour humain, l’amour de Dieu ne trouve pas sa source dans les qualités réelles ou supposées de ses objets. Dieu aime des gens « dignes d’être haïs » (Tite 3.3) et entêtés dans le péché, comme Jésus l’indique dans les versets qui suivent : « Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. » (3.19) C’est ainsi que je dois me voir.

Aussi notre verset établit-il clairement le sort de cette humanité pécheresse : elle est destinée à périr, à mourir, à subir le juste jugement éternel d’un Dieu saint.

Christologie : ce que Jean 3.16 dit sur Jésus

Dieu a donné « son Fils unique » par amour. L’existence de plusieurs « personnes » en Dieu est en pleine cohérence avec la nature d’amour du Dieu trinitaire. L’amour, pour exister, a besoin d’un objet en dehors de lui-même. En un sens, on peut dire qu’un Fils est nécessaire pour que Dieu soit vraiment et éternellement amour. La relation d’amour entre le Père et le Fils est la base et le modèle de toute autre relation d’amour5.

Ce Fils est qualifié ici de « Fils unique ». La filiation de Jésus préexiste à son incarnation (1.18) et se distingue de la filiation dérivée qui est désormais la nôtre, à nous chrétiens, qui recevons le témoignage du Ressuscité : « Je monte vers mon Père et votre Père. » (20.17) Dans notre relation avec Dieu, subsiste, en même temps qu’une proximité réelle (« afin qu’eux aussi soient un en nous », 17.21), une distance liée à l’unité bien plus grande qui existe entre le Père et le Fils, éternellement et ontologiquement « un » (10.30).

Le Fils est celui qui « fait connaître » le Dieu que personne n’a jamais vu (1.18). Tout, dans sa vie terrestre et son ministère — paroles, actes, sentiments — est empreint de l’amour de Dieu.

Jésus, don d’amour de Dieu personnifié, va « mettre le comble » (cf. 13.1) à cette démonstration d’amour par l’offrande de sa vie sur la croix. L’Évangile ne détaille pas la signification théologique de la croix ; ce sera le rôle des Épîtres. Mais le simple rappel que fait le Sauveur d’un épisode de l’A.T. suffit à faire entrevoir les profondeurs de la croix : « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert… » (3.14) Jésus a été « fait serpent », l’animal sous la forme duquel le péché est entré dans le monde. Il s’est identifié au péché même : « Celui qui n’a point connu le péché, [Dieu] l’a fait devenir péché pour nous. » (2 Cor 5.21)

C’était le seul moyen pour réconcilier la théologie et l’anthropologie de notre verset : comment un Dieu qui est amour peut-il montrer son amour envers une humanité pécheresse ? Uniquement par le don de lui-même dans la personne de son Fils.

Sotériologie : ce que Jean 3.16 dit sur le salut

Le don du Fils à la croix procure le salut pour le monde. Jean 3.16 est un modèle de condensé magnifiquement équilibré de la doctrine du salut :

• Le salut est une initiative divine : C’est Dieu qui est acteur, qui a aimé et qui a donné son Fils. Le « il faut » du verset 14 indique cette nécessité morale impérative, seul moyen de concilier l’amour et la sainteté divines dans un acte unique.

• Le salut est offert à tous les hommes : Dieu a aimé « le monde » et nul n’est exclu du « quiconque ». L’universalité de l’offre ne saurait être exprimée plus clairement. Aussi ne pensons pas non plus que l’offre se limite seulement à ceux qui croiront un jour. Etne pensons jamais que quelqu’un puisse être déchu a priori de la grâce de Dieu.

• Le salut réclame une réponse personnelle : Il est nécessaire que l’individu à qui est proposé ce salut « croie »6 . Le salut est offert par le don de Dieu — encore faut-il accepter ce don. Mais cette démarche de foi n’est pas plus méritoire que le regard que l’Israélite malade jetait au serpent d’airain. Elle est la réponse obéissante à l’offre généreuse et toute suffisante de Dieu. Plus encore, celui qui a répondu positivement à ce cadeau réalise ensuite que c’est le Père qui l’a attiré (Jean 6.44).

• Le salut est une volonté de Dieu : La tournure négative (« ne périsse pas ») l’indique. Le verset qui suit le précise : « Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (3.17) Il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive (Éz 18.23 ; 33.11).

Ce verset étaye donc clairement ce que les théologiens ont appelé « l’expiation universelle hypothétique » : l’expiation de Christ à la croix est suffisante pour tous et efficace pour ceux qui croient (cf. Luc 7.29-30).

• Le salut est éternel : Le temps du dernier verbe, le présent, ne laisse planer aucun doute : celui qui croit « a » la vie éternelle (3.36). Aucune restriction n’est rajoutée : la vie que nous recevons n’est pas conditionnée à notre ressenti, à notre fidélité, à des sacrements ; elle est liée à Dieu lui-même, Père et Fils (10.28-29) et il est impossible qu’elle nous soit ôtée. Paul énumérera beaucoup de « choses » menaçantes, mais il conclura glorieusement qu’aucune d’elles ne peut « nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur » (Rom 8.37-39).

Eschatologie : ce que Jean 3.16 dit sur l’avenir

Sous la plume de Jean, la « vie éternelle » est avant tout qualitative : elle est la connaissance du seul vrai Dieu et de son Fils, selon la “définition” de Jésus lui-même (17.3). Et cette relation est déjà actuelle (1 Jean 1.2-3).

Mais, même si cette note est moins présente, la vie éternelle a aussi un aspect quantitatif : une vie sans fin, pour l’éternité, dans la présence bienheureuse de Dieu. C’est pourquoi Jésus la relie souvent à la « résurrection au dernier jour ». Nous attendons le jour où, dans des corps parfaits, la réalisation de notre relation avec les personnes divines sera enfin parfaite, complète, ininterrompue.

Conclusion : ce que Jean 3.16 me dit personnellement

Nous venons d’effleurer quelques-unes des profondeurs théologiques de ce verset. Nous avons pu voir plusieurs facettes de sa richesse. Mais avant tout, ce verset doit rester un appel extraordinaire à notre cœur. J’invite donc chaque lecteur à méditer ce verseten remplaçant le « monde » et « quiconque » par son propre nom. Oui, Dieu m’a tant aimé, moi, le pécheur, qu’il a donné son Fils unique pour moi afin je ne périsse pas mais que j’aie la vie éternelle. J’en bénis Dieu éternellement et dès aujourd’hui !

1 Certains commentateurs estiment que les v. 16 à 21 sont un ajout de l’évangéliste qui ne faisait pas partie de l’échange initial avec Nicodème. Toutefois l’unité de thèmes des v. 1 à 21 incline à penser à une continuité de situation.
2 Adolphe Monod, « Dieu est amour », Pages choisies, G.M., 1982, p. 32.
3 Il est présomptueux de vouloir classer ou peser les attributs divins. Notons cependant qu’il est dit deux fois « Dieu est amour » pour une fois « Dieu est lumière ». Si Dieu avait montré d’abord toute sa lumière, nous aurions été consumés !
4 Voir Donald Carson, « La doctrine difficile de l’amour de Dieu », Promesses 184, p. 1 à 5. Dans cet article, qui résume un de ses livres paru en anglais, l’auteur détaille 5 aspects différents et complémentaires de l’amour de Dieu, tels que la Bible les présente.
5 Voir sur ce sujet l’article du même auteur, « Le carré de l’amour », Promesses n° 164, p. 29 à 31.
6Jean n’emploie jamais le substantif « foi » mais toujours le verbe correspondant « croire ». Le français ne permet malheureusement pas de relier spontanément ces deux mots ; aussi certaines versions traduisent-elle « croire » par « mettre sa foi ».

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Dossier : L'évangile de Jean
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.