Dossier: L'évangile de Jean
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Le fondement de l’unité des chrétiens selon la prière de Jésus (Jean 17.21)

selon la prière de Jésus (Jean 17.21)

L’unité : tentation humaine ou soumission à Dieu ?

En France, il n’existe pas moins de 50 dénominations évangéliques. Parmi 33 000 dénominations chrétiennes dans le monde ! On a beau jeu de dire que cette fragmentationrenvoie une image négative du christianisme et ternit la crédibilité des chrétiens. D’autant que certains passages bibliques condamnent tout esprit de schisme (1 Cor 1.10 ; Gal 5.20 ; Tite 3.10). On comprendra donc que la tentation soit grande de vouloir effacer toute différence par quelques bons sentiments tout humains et par un organisme mondial comme le COE (Conseil œcuménique des Églises, fondé en 1948). Devons-nous suivre ce chemin ? Les divisions sont-elles nécessairement scandaleuses ?

L’unité est un thème majeur de l’Évangile selon Jean. La prière de Jésus, notamment : « Que tous soient un » (Jean 17.21), a fourni le slogan de toutes sortes d’unifications étranges. Pour qui veut y voir clair, un seul réflexe : « Mais que dit l’Écriture ? » (Gal 4.30). Une première analyse grammaticale du verset laisse apparaître trois objectifs :

« Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, [1] afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, [2] afin qu’eux aussi soient un en nous, [3] pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (v.20-21). Cet article en fera son plan :

1. L’unité : le modèle de la Trinité

2. L’unité : à quelles conditions ?

3. L’unité : dans quel but ?

Laissons la Parole démêler la confusion concernant la nature, les conditions de possibilité et les diverses expressions de la véritable unité des croyants.

1. L’unité : le modèle de la Trinité

Caractéristiques de l’unité au sein de la Trinité

La première impression qui ressort d’une lecture lente et attentive du chapitre 17 est la profonde unité qui lie le Fils au Père. C’est au nom de cette communion parfaite que Jésus intercède pour ses disciples présents et à venir. Sa communion avec le Père célestesert de modèle à son projet terrestre d’unité au sein de l’Église (17.11, 21, 22, 23).

Des chrétiens désireux de connaître l’unité en trouveront doncle fondement dans la communion qui existe entre le Père et le Fils. Comment la Bible décrit-elle cette communion ? « [Elle] repose sur une identité de nature (1.1), de sainteté (8.46), de volonté et de but (5.19, 30 ; 10.30), sur un amour réciproque parfait (17.24 ; 14.31 ; 15.101). » D’autres passages montrent que le Saint-Esprit fait partie intégrante de cette communion2.

L’unité se vit donc quand des chrétiens possèdent « cette identité de nature : s’ils ont en eux la nature et la vie divines (2 Pi 1.4 ; Gal 2.20 ; 1 Cor 12.12-27), une recherche sincère de sainteté3, la volonté d’obéir à Dieu (Rom 12.1-2 ; 1 Jean 1.5-7) et cet amour pour Dieu et pour des frères qui ne peut être versé dans nos cœurs que par le Saint-Esprit (Rom 5.5) » (Kuen, p. 24-25).

Qui sont les bénéficiaires de la prière de Jésus ?

Reprenons les éléments de la prière sacerdotale pour décrire de manière plus pratique ces croyants que Jésus cite 45 fois.

– Ils ont reconnu l’autorité divine de Jésus et répondu à son appel à le suivre (v. 8) ;

– Ils appartiennent à Christ, car donnés par le Père (v. 2, 6, 9, 11, 12, 24) ;

– Ils croient en la Parole de Dieu comme étant la vérité (v. 17, nous parlerions aujourd’hui de défenseurs de l’inerrance des Écritures) ;

– Comme le Père et le Fils sont saints et séparés du monde (v. 11, 25), ils n’appartiennent plus au monde, bien qu’y vivant encore (v. 9, 14) ;

– Ils bénéficient d’une relation personnelle avec le Père (v. 6, 26) et de la joie du Fils (v. 13) ;

– Ils se séparent chaque jour du monde et se revêtent de la sainteté de Dieu sur les seules bases de sa Parole et de l’action de Christ en eux (v. 17, 19) ;

– Ils ont l’assurance d’un salut éternel, garanti par Dieu lui-même (v. 11).

Ils partagent ainsi « la même origine [que le Christ] (v.14, 16), […] la même mission dans le monde (v. 18 ; cf. Jean 5.30), […] le même avenir glorieux (v. 22, 24), […] le même amour du Père (v. 23), […] la même joie intérieure (v. 13), […] la même unité avec le Père (v. 23, 26) et sont en butte a` la même haine de la part du monde (v. 14) » (A. Kuen, p. 16).

Jésus a en tête et dans le cœur des personnes bien précises, lorsqu’il intercède ici. Il ne peut s’agir de tout le monde (v. 9) ni même de personnes religieuses fréquentant sporadiquement des cercles « vaguement christianisés ». Ces caractéristiques décrivent des personnes nées de nouveau qui ont professé la divinité et le mandat rédempteur de Jésus, qui ont reçu la Parole comme seule vérité et guide unique, qui renoncent chaque jour aux plaisirs de ce monde, trouvant en leur Seigneur une joie et une vie plus excellentes, avec l’espérance d’une patrie meilleure (Col 1.29 ; Héb 11.16).

Bref, ce sont des croyants régénérés et professants. Le COE se vante, au contraire, d’admettre en son sein toutes les Églises sans distinction, y compris les Églises multitudinistes, à savoir celles qui n’imposent pas de professer le nom de Jésus comme Sauveur personnel et Seigneur exclusif, ni de maintenir une relation vivante avec lui. Est-ce encore l’unité selon Christ ?

2. L’unité : à quelles conditions ?

L’unité, vue par Jésus lui-même dans sa prière

L’unité a été mal interprétée, car le mot a été isolé pour lui donner des connotations au gré des idéologies. Or, notre théologiene doit pas s’appuyer sur des opinions personnelles, mais sur le discours de Dieu, révélé dans la Bible. La prière elle-même indique la nature, les conditions de possibilité… et les limites de cette unité. Cette requête de Jésus accompagne en effet trois autres requêtes qui éclairent ce que Jésus entend par « unité ».

1. « Père saint, garde en ton nom ceux que tu m’as donnés, afin qu’ils soient un comme nous » (v. 11) ;

2. « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du malin » (v. 15) ;

3. « Sanctifie-les par ta vérité: ta parole est la vérité » (v. 17).

C’est d’abord en vertu dela sainteté du Père (notez le titre employé par Jésus) que les chrétiens sont préservés, et non en raison deleurs initiatives ou de leurs « bonnes œuvres » (v. 11). La foi en un Dieu saintles conduit à une sanctification qui opère un double mouvement : un détachement du monde, domaine du malin (v. 15), et un attachement à la vérité, par le moyen de la Parole de Dieu (v. 17). En se séparant des valeurs malignes du monde, les croyants se fortifient en Dieu (cf. 1 Jean 2.14). Enrespectantprofondément la Bible, unique Parole de Dieu et seul guide vers la vérité, ils rendent untémoignage clair. L’unité découle donc de la sainteté du Père et de la sanctification offerte aux croyants en réponse à la prière du Fils.

Autrement dit, un croyant qui recherche la sanctification par ses propres moyens, ou qui aime le monde plus que Dieu, ou qui ne puise pas dans la Bible pour cheminer dans la vérité ne peut espérer vivre l’unité avec d’autres chrétiens. Ses initiatives, même les plus élevées, échoueront. C’est Dieu qui sanctifie, c’est Dieu qui unit.

Ne fabriquons pas notre unité, elle existe déjà !

Une autre raison de se confier en Dieu qui sanctifie, afin de vivre l’unité, se trouve dans cette prière. Jésus ne prie pas les croyants, mais le Père. Requête déjà exaucée, nous en sommes persuadés, puisque le Père exauce « toujours » son Fils (Jean 11.42). L’unité est donc une réalité. Une réalité qu’il s’agit, non de créer (comme si nous étions Dieu), mais de nous efforcer de conserver (Éph 4.3).

Quels que soient les efforts humains, seul l’Esprit crée l’unité. Ceux qui conservent l’unité de l’Esprit sont ceux qui marchent par l’Esprit. Jésus ne pense pas un instant à l’union entre des organisations, mais entre des chrétiens régénérés, spirituels : « Le Seigneur ne demande pas à son Père que ces croyants soient unis mais qu’ils soient un. Le mot que les écrivains sacrés ont employé correspond à notre adjectif numéral : un. La différence est grande, entre une nation et des nations unies, entre une plante et des plantes réunies en un lieu, entre une union d’individus et un corps. » (Kuen, p. 21).

Une unité de principe, organisationnelle, ne saurait remplacer l’unité spirituelle. La pression est forte de le croire, à cause de l’image négative renvoyée par nos divisions (1 Cor. 1.10-13 ;12.25 ; Gal. 5.20). La solution n’est cependant pas organisationnelle, mais spirituelle. Les hommes essaient de se rencontrer entre eux au nom de leur Christ au lieu de se rencontrer en Christ. L’unité existe déjà en lui.

Ce sera l’argument de Paul : comment Juifs et païens se sont-ils unis ? En venant l’un vers l’autre à coups de bons sentiments et d’actions humanistes ? Cela se saurait si ça marchait. Non, ils ont vécu l’unité en venant à Christ ; c’est là que Juifs et païens se sont « rencontrés »et ont formé « l’homme nouveau » (Éph 2.15). Ce principe vautaussipournos querelles internes : c’est lorsque deux frères, deux conjoints ou deux camps se réconcilient devant Dieu et retrouvent la communion avec Christ (mort pour leur péché et ressuscité pour leur justification en vue de la joie éternelle) qu’ils pourront rétablir l’unité entre eux (Mat 5.23,24 ; 18.15). L’unité est spirituelle : elle est en Christ, non dans les déclarations de principe des organisations, fussent-elles philanthropiques, catholiques ou œcuméniques.

3. L’unité : dans quel but ?

Attirer à l’Évangile de Jésus-Christ

Notre conception de l’unité est souvent statique : des croyants de différentes confessions se réunissent pour louer leurs belles intentions et organiser quelques activités « entre eux » ou en direction de croyants qu’ils veulent convaincre de les rejoindre. L’ordre de notre Seigneur est centré sur les non-chrétiens : « …pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (cf. v. 23).

Le monde a besoin de reconnaître que le mandat divin de Jésus, c’est desauver des âmesdu naufrage éternel. Pour prendre conscience de cette réalité, il a besoin de découvrir quelque chose qu’il ne connaît pas (v. 25), quelque chose d’attirant : l’unité chrétienne. Non pas le rassemblement d’une pluralité de groupes ou de confessions. Ça, le monde sait le fabriquer (Nations Unies,Parlement européen ou Confédération helvétique, par exemple). Mais une unité de personnes ne formant plus qu’un seul corps ou un même plante, ce qui est fort différent !

Si Dieu a conçu le projet de l’Église, c’est pour faire de nous les croyants « […] un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, afin que [nous annoncions] les vertus de celui qui [nous] a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1 Pi 2.9). C’est pourquoi nous ne pouvons éviter de nous heurter aux ambitions des systèmes politiques « laïques » qui tentent progressivement de convaincre leurs citoyens que la religion doit rester une affaire privée4. Cette tactique de l’ennemi vise à empêcher le monde de voir etde croire. Aussi prenons conscience que notre unité en action constitue un enjeu vital et éternel pour ceux qui nous entourent.

L’amour accomplit l’unité

Cet amour témoignant de l’unité fait indéniablement écho au commandement nouveau du Maître : « Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (13.33-34) L’amour doit caractériser les disciples de Jésus, cartrois choses sont évidentes : le Père aime le Fils (17.23), le Fils aime les siens (17.26)et le monde ne peut pas ne pas remarquer l’amour des croyants entre eux (11.36). En faisant leur demeure en nous par l’Esprit, le Père et le Fils nous chargent de manifester l’amour divin en leur nom.

L’amour est (devrait être ?) la caractéristique principale de l’Église. Quel est notre projet d’église locale ? Se résume-t-il à ses activités ? Le projet de Christ pour son Église, c’est de fonder une communauté d’amour en son nom dans un monde en perdition. Sacrifier son temps, son argent, son énergie pour porter les fardeaux de son frère : « ces choses sont conçues pour que le monde voie dans cette communauté de chrétiens quelque chose de nouveau, d’attirant et d’irrésistible5 ». L’unité n’est donc pas à rechercher, elle sera le fruit de cet amour, « lien par excellence » (Col 3.15).

Unis pour Dieu ou pour le monde ?

Derrière la volonté d’unité, se cache souvent une vision humaniste du monde, et l’idéal qu’un jour tous les hommes se tiennent par la main — soudés par une religion mondiale exaltant l’homme. La prétention chrétienne à l’exclusivité rebute (Jean 14.6 ; Actes 4.12; 1 Tim 2.5)mais le dialogue inter-religieux attire6. Or, cette prière de Jésus pour l’unité établit une opposition franche entre deux camps : les enfants de Dieu et le monde (v. 9, 11). Le monde maintient son rejet de Christ (v. 25), le monde hait les chrétiens convaincus et pratiquants (v. 14), mais Dieu demande à ces derniers de proclamer qu’il y a une réconciliation possible et un salut de grâce (v. 21, 23). N’entrons pas dans le jeu d’une fausse unité : le monde peut parfois sembler très religieux, il peut avoir le nom de Christ ou de Dieu à la bouche, se prévaloir de la forme la plus éclairée de christianisme, et néanmoins persécuter les chrétiens, haïr le vrai Dieu et rejeter l’Évangile (2 Tim 3.4-5). Il a besoin de comprendre la tragédie éternelle qui le guette s’il ne répond pas à l’appel pressant de Christ. C’est par ses enfants que Dieu a décidé de faire entendreson appel. Comment ceux-ci pourraient-ils participer à des activités sous-tendues par une vision universelle humaniste, voire syncrétiste, du monde ?

Conclusion

Oui, oui, oui à l’unité voulue et créée par Dieu ! Alors que des organisations tentent de la fabriquer en signant des accords de principes, lui l’a réalisée par le sacrifice de Christ, en se rachetant un peuple d’entre toutes les nations.

Cette unité spirituelle peut se vivre entre des croyants en communion avec le Père, unis avec Christ et marchant par le Saint-Esprit : « …afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous ; or notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (1 Jean 1.3).

Lorsque cette communion avec le Père n’est pas honorée, lorsque sa Parole est mise en doute, des divisions sont inévitables. D’ailleurs, la Bible préconise la séparation lorsque l’unité n’est que de surface (c.-à-d. non fondée sur la communion avec Dieu, mais sur des sentiments ou des concepts humains) : « Si nous marchons dans la lumière, comme lui-même est dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres […] » (1 Jean 1.7).

Nous avons un devoir de rigueur et de fermeté dans la compréhension bibliqued’une unité qui correspondeau modèle divin, mais nous avons aussi besoin d’une conscience permanente de la finalité missionnairede notre unité. Pour autant que nous remplissions notre part, nous jouirons entre frères et sœurs en Christ de la liberté véritable, car l’Esprit du Seigneur exaucera lui-même sa prière (cf.2 Cor 3.17).

Quelquesréférences

– Gabriel Mützenberg, L’œcuménisme, une nouvelle religion ?(Éd. Farel, Paris, 1987). Recension par Jean-Jacques Dubois dans Promesses, n° 85, sept.1988.

– Alfred Kuen, Vivre l’unité de l’Église. Réédition de Que tous soient un, BLF Éditions, Marpent, 2010.

– Des numéros de Promesses sur le sujet : 25 (1973), 59 (1981), 85 (1988), et 119 (1997).

1 Alfred Kuen, Vivre l’unité de l’Église, p. 24.
2 Sur le sujet, nous vous renvoyons aux numéros de Promesses suivants : n° 162, déc. 2007, p. 10-12, n° 126, déc. 1998, p. 1-4, n° 180, avril 2012, p. 2, etc.
3 Cf. Rom 1.7 ; 6.19 ; Éph 4.24 ; 1 Thes 4.4 ; 1 Pi 1.15.
4 Cf. la collection du CNEF « Libre de le dire », et notamment le tout récent livret Libre de le dire dans l’espace public (BLF, 2015).
5 David Platt conversant avec Francis Chan, au sujet du livre de ce dernier sur le discipulat : Multipliez-vous, Marpent : BLF Éditions, 2015 [vidéo en ligne]. Source : .
6 Il y a bien une ambition syncrétiste au sein du COE ou d’autres mouvements qui s’y apparentent. Des extraits de déclarations étonnantes se trouvent dans le ch. 6 du livre d’A. Kuen déjà cité.

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Mondin Frédéric
Frédéric Mondin travaille pour les éditions BLF. Il vit actuellement en Bolivie avec sa femme. Il est membre du comité de rédaction de Promesses.