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Le problème social d’après la Bible

L’homme est, par définition, un être social. Ayant créé Adam, Dieu dit: « II n’est pas bon que l’homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui » (Genèse 1 : 18). La famille et la société sont le cadre indispensable de toute vie normale. Dans ce cadre, l’homme désire trouver la paix, la justice, l’amour, le bien-être et la liberté. Malheureusement, depuis que le péché est entré dans le monde, nous voyons trop souvent autour de nous l’injustice, l’inégalité, la misère et la haine. C’est pourquoi, le problème social s’impose à la conscience de tout homme qui ne désire pas jouir égoïstement de ses privilèges, s’il en a.

Quel serait en somme l’état social idéal ?

L’Ecriture Sainte nous apporte sur ce point de précieuses indications, tout d’abord dans la législation donnée par Moïse au peuple Juif.
Le décalogue résume magistralement, en quelques lignes, quel doit être notre comportement général: ayant la crainte du Dieu saint et juste, nous devons honorer nos parents et respecter la vie, la famille, les biens, le repos, et l’honneur de notre prochain (Exode 20 : 3-17). Si nous mettions simplement cela en pratique, nous aurions accompli notre devoir social.

Mais la loi de Moïse ne se borne pas à des principes généraux: elle précise jusque dans les détails l’idéal que Dieu proposait à son peuple.

On doit avoir soin du pauvre et de l’étranger (Lévitique 19: 9-10). Il est défendu d’opprimer son prochain et de retenir le salaire de l’ouvrier (ibid. ver. set 13).

On doit avoir des égards pour les infirmes, les sourds et les aveugles (v. 14).
Les jugements ne doivent favoriser ni les grands ni les petits (v. 15). La prostitution est interdite en Israël (v. 29).

De même la liberté et la dignité des personnes sont garanties: les Israélites appartiennent à Dieu et ne doivent être esclaves de personne (Lévit. 25 : 42, 55).

Et voici la règle d’or qui résume tout: « Tu aimeras ton prochain comme toi- même »(Lévit.19:18).

A ces dispositions concernant les personnes s’ajoutent les trois règles sui- vantes :
Les terres sont réparties également entre toutes les familles. Elles ne peuvent se vendre à perpétuité, « car elles appartiennent à Dieu ». Un Israélite ne peut aliéner que l’usufruit, c’est-à-dire les récoltes de sa terre, jusqu’à l’année dite du jubilé. Tous les cinquante ans le jubilé permet à chacun de retourner entièrement libre sur son bien. On évite ainsi l’appauvrissement et l’enrichissement exagéré (Lévitique 25 : 8-23) .
L’argent prêté ne doit produire ni intérêt ni usure. Le pauvre est un frère qui sera aidé selon la crainte de Dieu (Lévit. 25 : 35-38).
Le repos est assuré pour tous: le patron, l’employé et même la bête de somme. On se reposera un jour sur sept, et plusieurs semaines par an à l’occasion des fêtes principales; puis un an sur sept, avec en plus la cinquantième année, celle du jubilé. La bénédiction de Dieu est promise à ceux qui se reposeront ainsi, de sorte que les produits de la terre ne leur manqueront pas (Lévit. 23 : 1-44 ; 25 : 1-22).

On est confondu par l’esprit progressiste de cette législation vieille de 3400 ans. Celui qui aujourd’hui voudrait l’appliquer intégralement serait plus révolutionnaire que les partis politiques les plus avancés. Dieu seul pouvait, au sein de l’antiquité dure et corrompue, révéler à son peuple un idéal social aussi élevé. De nos jours, la civilisation mécanique dont nous sommes si fiers tend à faire de nous des esclaves et des machines. Le plan divin pour l’homme était tout autre, et sa révélation nous apparaît comme l’une des nombreuses preuves de l’inspiration surnaturelle de l’Ecriture Sainte.

Il va sans dire que l’Evangile désire nous entraîner plus loin encore sur le chemin de la perfection. Jésus-Christ Lui-même n’est-il pas l’homme social, le réformateur, le révolutionnaire par excellence ? Né pauvre, ouvrier manuel, il est venu, non pour être servi, mais pour servir. Sa vie a été exemplaire, désintéressée et pure. Il n’a vécu que pour faire du bien; il s’est penché sur toutes les souffrances et il a eu le courage de dénoncer les hypocrisies et les abus. Il n’a pas seulement parlé d’amour: après avoir consacré toute sa vie à son peuple, il a subi volontairement pour nous la mort la plus atroce. On peut critiquer les chrétiens et les églises, mais Lui, jamais.

Son enseignement a également une grande portée sociale. Il nous dit: « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis… Aimez vos ennemis… faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent… Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux » (Jean 15: 12-13; Mat th. 5: 44 ; 7: 12)

L’obéissance à de tels principes ne chasserait-elle pas du milieu de nous l’égoïsme, la haine et l’injustice ? Le Christ souligne encore le fait qu’il est venu particulièrement pour secourir les déshérités: « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres… pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance… pour renvoyer libres les opprimés » (Luc 4: 18-19) .

L’Eglise primitive, dans la ferveur de son premier amour, s’est vraiment efforcée de mettre en pratique l’enseignement de son Maître. Voici comment Luc la dépeint: « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un coeur et qu’une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartinssent en propre… Une grande grâce reposait sur eux tous. Car il n’y avait parmi eux aucun indigent… l’on faisait des distributions à chacun selon qu’il en avait besoin » (Actes 4 : 32-35).

Conquêtes sociales des chrétiens dans le monde.

Malheureusement cet état idyllique de la communauté primitive ne s’est pas maintenu longtemps. L’Eglise s’est enrichie et mondanisée, elle a recherché la puissance et on a déclaré finalement que la religion était devenue l’opium du peuple. Pourtant, ceux qui parlent ainsi oublient les fruits de libération et d’amour que le véritable Evangile n’a cessé de porter dans le monde.

Il est difficile d’exprimer la cruauté et la corruption morales de la société antique, si brillante par certains autres côtés. Elle était fondée sur le travail forcé de millions d’esclaves et sur une indifférence souveraine à l’égard de la souffrance. Ce sont les chrétiens qui affranchirent les esclaves, fondèrent les hôpitaux, développèrent les écoles, s’occupèrent les premiers des orphelins. des vieillards et des incurables. A l’époque moderne, de nobles croyants provoquèrent une nouvelle libération des esclaves, transformèrent la plupart des prisons, luttèrent contre la prostitution et l’alcoolisme. Un chrétien encore fonda la Croix-Rouge, un autre les Unions chrétiennes de jeunes gens. Oui, la grande parole de Vinet est toujours vraie: « L’Evangile est dans le monde l’immortelle semence de la liberté ».

Il est facile de voir que dans les pays où la Bible est plus répandue, la situation sociale est bien meilleure. Elle demeure lamentable lorsque l’Evangile n’est pas connu ou qu’il est abandonné.

D’où vient l’insuffisance de tous les efforts dans le domaine social ?


Malgré ce qui vient d’être dit, il est évident qu’il y a dans le monde trop peu de vrais chrétiens prêts à appliquer chaque jour la loi divine dans leurs rapports avec leurs semblables. Les Eglises n’ont pas réussi à transformer le monde à ce point de vue (pas plus qu’elles ne sont parvenues à empêcher la guerre) .Elles ont cependant jeté dans la société une semence qui a fini par rendre celle-ci plus consciente de ses devoirs. Au moment même où les hommes rejetaient la dépendance de Dieu, ils prenaient à coeur d’améliorer eux- mêmes leurs conditions de vie. Un peu partout, l’Etat, les partis politiques, même parfois les organisations commerciales se mirent à imiter les chrétiens. On développa toujours plus sur une base laïque les hôpitaux, les écoles. les oeuvres de relèvement, les orphelinats, les asiles de vieillards et d’incurables, les colonies d’enfants, les secours aux. économiquement faibles », etc. Commet ne pas se réjouir d’une telle multiplication des moyens d’entr’aide ! Toutefois, force nous est de constater une fois de plus que le fond du problème n’a pas encore trouvé sa solution.

Rousseau s’était imaginé que l’homme naturellement bon n’était corrompu que par la société. Sur ce principe, la Révolution française avait proclamé pour tous la liberté, l’égalité et la fraternité. Les communistes en théorie ont prétendu établir le paradis social sans classes. Nous savons ce qu’il est en réalité. Dès qu’il parvient au pouvoir, sa tendance est toujours d’établir la dictature au profit de son parti et de son pays. On n’a jamais tant parlé de démocratie, de liberté et de paix que de nos jours. Pourtant il y a encore des millions d’esclaves (ou de travailleurs forcés) , les inégalités choquantes subsistent, et nous sommes menacés par la plus effroyable de toutes les guerres.

(à suivre)

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Pache René
René Pache (1904-1979) a été directeur de l’Institut biblique d’Emmaüs et auteur de plusieurs livres de doctrine chrétienne. Cet article est extrait du livre Notes sur l’Évangile de Jean (éd. Emmaüs, Vennes sur Lausanne, 1963, p. 153-157, 32ème leçon, Le Saint-Esprit).