Série: Vivre dans un monde on mouvement
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4.L’évangélisation d’homme à homme


Les valeurs chrétiennes dans la vie de la cité. Un exemple africain, l’Eglise évangélique des Frères, Bangui, capitale de l’Empire Centrafricain, 1972 – 1976.



L’évangélisation d’homme à homme

  L’Eglise des Castors, qui est l’Eglise évangélique des Frères la plus importante de la capitale, Bangui, offre un modèle unique pour l’étude de l’évangélisation. Ce n’est pas un missionnaire occidental qui l’a créé, mais un pasteur africain. Il l’a appelé EVANGELISATION DE QUARTIER.
  L’Evangélisation de Quartier est l’enfant né du cerveau du pasteur Noël Gaiwaka. Son Eglise l’Eglise des Castors de Bangui – a connu une histoire remarquable de croissance, lente mais régulière. Peu après sa création en 1954, l’Eglise s’est rendu compte qu’il serait nécessaire et très valable d’adopter une limite optimale de croissance. Le pasteur aussi bien que les fidèles ont cru dès le départ au modèle biblique de « divisez et multipliez », principe qui a fait ses preuves.
  La première église « filiale » est née 3 ans plus tard. Par la suite, à chaque fois que l’église atteignait sa limite optimale, on créait une nouvelle église. En 1972, l’église avait ajouté 7 « enfants » à sa famille, avec au total 5000 fidèles assistant au culte, soit une croissance annuelle nette de 267 en moyenne pour les 18 premières années de son histoire.
  Puis, en 1972, une évolution remarquable a eu lieu dans le modèle de croissance de la famille de l’Eglise des Castors. Au cours des trois années suivantes, quatre églises « familiales » supplémentaires ont été créées dans la ville, et le nombre total des fidèles assistant au culte est passé à plus de 8000 – une croisance nette de 1000 par an pour les trois dernières années. Ceci constituait presque quatre fois la croissance annuelle nette pendant les 18 années précédentes.
  L’idée a germé dans Le coeur du pasteur Gaiwaka au cours d’une période où la croissance des Eglises des Frères dans l’Empire Centrafricain s’était presque – complètement immobilisée. De 1969 à 1972, les tensions se faisaient de plus en plus fortes entre église et mission. Il y avait de graves divisions au sein de la dénomination. Alors, au milieu de cette période de malentendus et de problèmes, une campagne d’évangélisation a été lancée dans tout le pays en 1970 et 1971, regroupant dans la coopération les cinq dénominations évangéliques du pays.
  Bien que la campagne ait eu pour plusieurs des groupes des résultats positifs importants, en fait la plupart des églises de la dénomination des Frères n’en ont tiré que peu ou pas de fruit durable. Les raisons semblaient évidentes: D’abord, la condition spirituelle des églises, dûe aux tensions existantes. Et, en second lieu, le manque de suivi adéquat dans la planification, la préparation et les procédures de la campagne.
  En 1968, le nombre des membres des Frères avait atteint une pointe de 60000 (dans l’ensemble du pays). Cependant, durant les tensions des 4 années suivantes, on n’a pas sorti de rapports statistiques et aucun n’était disponible. Quand finalement les problèmes ont été résolus à la Conférence générale en 1972 et que l’on a à nouveau rassemblé des données statistiques, on s’est aperçu que la dénomination avait eu une croissance de zéro au cours des 4 dernières années. Le nouveau total était exactement le même qu’en 1968: 60000.
  Toutefois, les résultats de la campagne nationale parmi les églises des Frères n’ont pas été négatifs dans l’ensemble. Deux points forts de la campagne ont eu un effet salutaire à la fois sur la dénomination dans son ensemble, et sur l’Egise des Castors en particulier, bien que le pasteur Gaiwaka n’y ait pas lui-même participé.
  L’une des forces de la campagne était l’accent mis sur l’évangélisation d’individu à individu ainsi que sur l’utilisation d’une littérature adaptée à la culture comme instrument efficace d’évangélisation. Ceci exigeait que tous les membres soient totalement engagés et soigneusement formés.
  On a noté qu’une grande campagne comme celle-là peut constituer un substitut ou un stimulant pour faire s’engager l’église dans la tâche d’évangélisation. Et pour le pasteur Gaiwaka, la campagne nationale a été un extraordinaire stimulant. Bien qu’il n’y ait pas participé, il s’est mis à voir en elle un potentiel illimité d’évangélisation, en ce qu’elle mobilise et motive les gens pour en gagner d’autres à Christ et les amener dans la communion de l’église.
  En mettant dans leurs mains un outil efficace et en leur apprenant à s’en servir, en faisant d’eux des disciples dans l’art de l’évangélisation d’homme à homme, le pasteur Gaiwaka a découvert une nouvelle énergie atomique spirituelle qui, si elle est mise en valeur comme il faut, pourrait résulter en une explosion évangélisatrice dans sa propre église et dans l’évangélisation d’une ville toute entière pour Christ.
  « Pendant des années », a-t-il témoigné lors de la séance de travail sur Evangélisation / Croissance de l’Eglise tenue en mars 1976, « j’ai pensé que le travail du ministère, et en particulier d’évangélisation, était le travail du pasteur. Mais j’ai changé totalement d’orientation. Comme il a été indiqué si nettement dans Ep. 4:11,12, c’est le travail de l’église toute entière. Ma tâche est d’en équiper les membres pour qu’ils évangélisent par l’exemple et par le précepte ».
  C’est ce changement d’orientation né de la stratégie de la campagne nationale d’évangélisation qui a constitué le tournant décisif. Mais ce changement d’orientation comportait plus que le simple fait de mobiliser et de motiver ses fidèles, ou d’en faire des disciples pour évangéliser. Le pasteur Gaiwaka a réalisé que cela exigerait une préparation minutieuse et beaucoup de prières.

  Premièrement, il s’est donné comme objectif d’atteindre la ville entière pour Christ. Les observations qu’il avait faites sur la récente campagne l’ont amené à croire que le moyen le plus efficace pour le faire se situait sur une base de formation de disciples d’individu à individu. Mais ceci exigeait le recrutement et la formation de tous ses membres.

  Deuxièmement, il s’est rendu compte que cela ne pourrait se faire d’un seul coup, en une seule réunion d’évangélisation de masse. Pour que son but soit atteint, il fallait que ce soit fait par l’église elle-même et non par un évangéliste venu de l’extérieur. Pas même le pasteur. Mais les gens eux-mêmes – tous participant systématiquement à la tâche de gagner la ville pour Christ. Et il fallait que ce soit fait par étapes.
Du point de vue administratif, la ville de Bangui est divisée en sections nettement délimitées, appelées quartiers. Pourquoi ne pas utiliser ces limites pré-établies, a-t-il pensé, et organiser notre objectif dévangéisation autour des quartiers de la ville déjà existants ?

  Troisièmement, le pasteur Gaiwaka s’est rendu compte qu’une évangélisation à longue portée suivant le modèle du Nouveau Testament doit avoir comme résultat à la fois de rattacher les convertis à des assemblées existantes et de donner naissance à de nouvelles assemblées. Sinon, la tâche d’évangélisation n’atteint pas son objectif. La stratégie des quartiers fournissait un cadre naturel pour réaliser ce double objectif. Il fallait qu’il édifie à partir du noyau de membres de chaque quartier. Il fallait qu’il en fasse des disciples de façon qu’ils fassent à leur tour des disciples dans leur voisinage immédiat. Et il devait aider à la fois les communiants et les convertis à comprendre les rapports et les responsabilités que Dieu leur assigne à l’égard de l’assemblée filiale novice dans leur propre quartier. L’implantation d’assemblées devait devenir un des objectifs du processus d’évangélisation.


A l’invitation du pasteur Gaiwaka, le missionnaire Don Hocking lui-même a participé à l’une des campagnes du quartier. Voici comment il décrit la stratégie en six points du pasteur Gaiwaka:

1. Elle a eu comme point de départ le pasteur.
En fait, en raison de l’importance numérique de l’Eglise des Castors, il y a 4 pasteurs. Deux d’entre eux sont chargés des réunions en Sango, la langue véhiculaire de l’Empire Centrafricain, et les deux autres des réunions en français, qui est la langue officielle du pays. Le pasteur Noël Gaiwaka étant le plus âgé, il est ce que l’on pourrait appeler le pasteur principal.
  Ensemble, ces 4 pasteurs ont mis au point la stratégie, coordonné les préparatifs, et préparé le terrain longtemps à l’avance par des messages sur l’évangélisation un enseignement sur la formation de disciples, la prière organisée et l’engagement de tous les membres. Lorsque la campagne dans le quartier suivant était annoncée, chaque membre de ce district prévoyait la responsabilité particulière qu’il y aurait. Et chacun des 4 pasteurs les aidait à s’y préparer.

2. Elle a été centrée dans un lieu de réunion spécifique.
Il y a dans chaque quartier une petite chapelle où les chrétiens se rassemblent chaque matin pour prier. Le dimanche, bien sûr, ils vont à l’église principale pour le culte. Ces chapelles sont petites et peuvent contenir au plus peut-être 100 personnes. L’Eglise des Castors peut contenir environ 1700 fidèles.
  D’une manière très naturelle, les chapelles de quartiers offrent un point d’identification et de continuité à long terme pour la congrégation naissante. Alors que dans le Nouveau Testament un bâtiment ou un lieu de réunion n’est jamais appelé l’ecclesia. (église), le corps local de Christ est cependant toujours identifié avec un lieu de réunion spécifique désigné par sa situation géographique, c’est-à-dire l’Eglise de Corinthe, l’Eglise dans la maison de Philémon, etc.
  Le pasteur Gaiwaka a trouvé que ces chapelles étaient extrêmement importantes comme centres de rassemblement, non seulement pour la prière, mais également pour l’enseignement, le culte, l’objectif d’évangélisation, ainsi que la naissance et le développement de l’assemblée embryonnaire.

3. Elle engageait systématiquement les membres dans une semaine intensive d’évangélisation.
Le lundi matin, ils se réunissaient dans la chapelle pour prier. L’après-midi, ils y retournaient pour y recevoir inspiration, et enseignement. Ceux qui n’avaient pas la possibilité de se réunir à ce moment-là, on prenait leur nom et on organisait pour eux une autre séance de formation. Mais tous étaient engagés.
  Après les chants et la prière, et une lecture édifiante de la Parole, chacun écrivait son nom en haut d’une feuille de papier en laissant la place pour les noms de ceux qui étaient susceptibles d’être amenés par lui à Christ. Chaque jour suivant de la semaine, le pasteur « fait l’appel ». On fait le point des progrès accomplis. On ajoute le nom de ceux qui sont venus à Christ le jour précédent, après s’être occupé de chacun individuellement.
Ensuite, les pasteurs font un cours sur la manière de gagner les âmes et sur l’utilisation des documents écrits préparés spécialement à cette intention. A la fin, les membres se divisent en groupes de trois pour la prière, après laquelle le pasteur et les fidèles sortent avec la ferme espéreance que, tandis que certains planteront et que d’autres arroseront; Dieu fera certainement croître. Tel est le processus qu’ils ont suivi tout au long de la semaine.
  Chaque après-midi, ils revenaient rendre compte de leurs activités. Il était stupéfiant de les voir amener avec eux de nouvelles personnes. Au lieu de 20, ce sont soudain 30, puis 50 personnes qui assistent à la réunion. A la fin de la semaine, la chapelle était comble, plus de 100 personnes étant présentes. La majorité d’entre elles avaient été amenées à Christ au cours de la semaine.
  Les gens partaient et revenaient avec de nouvelles personnes. On avait donné à chacun une carte de 7,5 x 12,5 cm sur laquelle il écrivait le nom de 6 amis non chrétiens. Deux jours plus tard, certains revenaient avec les 6 amis et réclamaient une autre carte « 6 amis ».

4. Elle a rendu les gens responsables vis-à-vis d’autres dans le Seigneur,
en quelque sorte des rapports de « grand frère » à « petit frère.. Lorsqu’une personne est gagnée à Christ et amenée dans la chapelle, son nom est inscrit sous celui de son « grand frère ». Celui qui a pris la responsabilité de l’amener là et de le conduire à Christ est à présent également responsable de la croissance et de l’éducation de son « frère cadet » en Christ. Cette délégation de responsabilité envers le chrétien « cadet » est l’un des traits les plus significatifs du concept d’évangélisation de quartier et, peut-être plus que toute autre chose, il est la raison du pourcentage élevé de « fruit qui demeure » (Je 15:16).

5. Le point culminant s’est situé le soir du dernier samedi, avec une grande fête.
Après la semaine intensive d’évangélisation, tous les chrétiens, y compris ceux qui avaient mis leur confiance en Christ durant la semaine, se sont rassemblés pour un moment de fête et de communion fraternelle. Ensemble, ils ont adoré Dieu en chantant, en priant et en tirant de la Parole un encouragement. Sans façon, ils ont pris une tasse de café ou une boisson fraîche, des makala (sorte de beignets) et des fruits, et ils ont rompu le pain ensemble ainsi que dans le Nouveau Testament. Ils ont vécu dans leur quartier un nouveau type d’appartenance mutuelle, et d’appartenance à Christ et à Son Eglise.

6. La stratégie comprenait un programme à long terme de suivi et de contiunité.
Tout nouveau converti a fait tout de suite partie d’une des classes organisées à l’avance pour la préparation au baptême. Tout nouveau converti a reconnu que « accepter Christ » signifiait faire partie de Son Corps visible – son association locale de croyants. En « recevant la Parole avec joie », ils ont été « baptisés » et « ajoutés » à la nouvelle assemblée. Et ils ont persévéré en « enseignement », « communion fraternelle » et « évangélisation »… « Et le Seigneur ajoutait chaque jour à lEglise ceux qui étaient sauvés » (Actes 2: 41-47).


CE PLAN AVAIT DE NOMBREUX AVANTAGES:   – L’organisation de la campagne était facilitée par les divisions pré-établies de la ville.
  – Il y avait des membres de son église qui vivaient dans pratiquement tous les quartiers, fournissant ainsi un noyau d’évangélisation dans chaque secteur de la ville. Il pouvait édifier sa stratégie autour de ces noyaux.
  – Les quartiers eux-mêmes étaient constitués de goupements homogènes à l’intérieur desquels les rapports naturels se prêtaient à une évangélisation d’individu à individu. Les membres des tribus qui migrent vers la ville tendent à s’installer parmi leurs propres congénères. Ils se sentent à l’aise parmi eux. Et ils sont acceptés naturellement, ce qui ouvre la porte au témoignage et à la formation de disciples. L’évangélisation « par quartiers », le pasteur Gaiwaka le savait, tiendrait compte des gens eux-mêmes qui vivent dans ces secteurs; des disciples faisant des disciples à l’intérieur du contexte de leur sphère d’influence et de leur style de vie individuel. Ceci constitue à son avis Le pilier de la moisson d’évangélisation.
  – La stratégie d’évangélisation quartier par quartier a fourni un moyen excellent de mesurer les réalisations. Elle a permis au pasteur et aux fidèles de savoir quand une phase de la poussée d’évangélisation était terminée et qu’une autre commençait. Dimanche après dimanche, l’assemblée des Castors pouvait suivre les progrès accomplis. Ils se sentaient participer à l’ensemble de la poussée d’évangélisation. Comme on avait prévu pour chaque quartier une semaine d’efforts d’évangélisation, on recrutait les membres habitant dans ce district. Ainsi, chaque membre avait un rôle à jouer dans la stratégie couvrant toute la ville.


LES RESULTATS
de cette nouvelle stratégie d’évangélisation ont été très encourageants.

  Premièrement, elle a eu pour résultat de faire s’engager un grand nombre de personnes dans l’évangélisation. Pas tous, mais certainement la majorité (plus de 50 % des membres de l’Eglise des Castors) ont participé à la série de campagnes, qui a duré un an.

  Deuxièmement, elle a eu pour résultat une tentative systématique pour atteindre la ville entière pour Christ. Il y a eu à présent une campagne dans chaque quartier. Et les habitants de chaque partie de la ville ont été confrontés aux exigences de Christ.

  Troisièmement, elle a eu pour résultat une croissance certaine de l’église. Le nombre de fidèles assistant au culte du dimanche dans toute la ville a passé de 5000 à 8000, soit un taux de croissance de 60% De plus, depuis le début du programme, 4 nouvelles églises des Frères ont été créées par l’assemblée des Castors: Garamba, Yembe Trois, Bimbo et Bangui Mporo.

  Quatrièmement, elle a eu pour résultat l’initiation à un programme de formation de disciples dans lequel la majorité des membres ont été, ou sont actuellement, formés à faire des disciples. Ils viennent à présent au culte du dimanche non en tant qu’observateurs, mais en tant que participants à la véritable « raison d’être » de l’église, à savoir faire des disciples.

  Cinquièmement, elle a eu pour résultat de pousser toute la dénomination à entreprendre un programme d’évangélisation passionnant et productif qui a vu 22 000 personnes venir à Christ en 7 mois, de juillet 1975 à février 1976. Environ 40 % de celles-ci sont devenus des disciples, ont été baptisés et intégrés aux églises locales. Les autres sont encore dans des classes où on leur enseigne la Parole pour les préparer au baptême.

  Sixièmement, elle a eu pour résultat la réunion de la séance de travail sur Evangélisation / Croissance de l’Eglise en mars 1976, dont le point culminant a été des projections par la foi pour les 17 églises des Frères y participant, et totalisant 13 275 nouveaux membres et 26 nouvelles églises pour les 5 années à venir. Les pasteurs de ces églises sont retournés dans leurs assemblées locales pour y organiser à leur tour des séances de travail semblables et encourager leurs églises à fixer des objectifs de foi.

  Juste avant la séance de travail du mois de mars, le dimanche 29 février 1976 au matin, plus de 800 fidèles avaient assisté au premier culte en français. Au second culte en Sango, il y en avait environ 1700, ce qui fait au total plus de 2500 fidèles assistant au culte du dimanche matin pour l’Eglise des Castors. Si l’on tient compte des cultes des 12 églises, on estime les fidèles à environ 8000 ce matin-là.

  Un peu plus d’un mois plus tard, à la suite de la séance de travail, l’Eglise des Castors a mené sa propre séance de travail sur la croissance de l’église dont le point culminant a été la fixation d’un objectif de foi de 6000 nouveaux membres et la création d’une nouvelle église « filiale » au cours des cinq années venir !

(Autorisé par A. E. A. M.)
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