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La maladie du pouvoir

L’existence de l’autorité

C’est un lieu commun de dire que l’Ecriture est très sensible à la qualité des rapports tissés entre les hommes. Et c’est vrai particulièrement dans l’Eglise. Un type de relations nouvelles y a été inauguré par le Saint-Esprit.

L’Eglise identifiée à un corps (Eph 4.12 5.23), où tous les membres sont bien coordonnés (Eph 4.16 I Cor 12. 14-27), nous parle à la fois d’un ordonnancement harmonieux et d’une explosion de vie nouvelle, mais sans anarchie.

L’autorité confessée, qui organise et gère cet état de choses, est toujours en fin de compte celle de Christ (Col 1.17-18) ; mais il faut reconnaître, dans la pratique, que le rouage de l’autorité existe entre les membres de l’Eglise, et plus spécialement entre les adhérents d’une église locale !

Ignorer cet axiome, c’est résoudre ce problème relationnel fondamental, soit par la dissolution de l’autorité, ce qui est illusoire et amène la pagaille soit par l’absolutisation de l’autorité, ce qui est usurpatoire et amène la dictature.

Les diverses formes de l’autorité

1) Dans notre société, il existe des chefs « naturels » qui détiennent une autorité que nous pouvons qualifier de hiérarchique les parents pour leurs enfants, les professeurs pour les élèves, les patrons, les maîtres, etc… Même seuls contre tous, ils décident et font appliquer ce qui leur paraît juste.
2) D’autres critères peuvent nous faire découvrir une autorité fonctionnelle, par exemple celui qui est plus âgé, ou l’animateur en Centre de Vacances, ou encore celui qui détient le savoir.

Le leader

Prenons précisément l’exemple de « celui qui sait » dans un groupe qu’il connaît et qui le connaît. Celui-ci sera désigné comme chef, tout simplement parce que les autres reconnaissent en lui le seul capable de les instruire de les guider, de répondre àleurs besoins. L’exemple des anciens dans ‘Eglise est typique. L’ancien n’est jamais celui qui se désigne, mais celui qui s’impose au groupe comme une évidence.

La conséquence immédiate de ce qui précède, est qu’il n’y a pas d’autorité sans groupe. Il en découle que la règle de l’unanimité prévaut lors de la reconnaissance du leader.

Il paraît alors légitime de penser que l’autorité personnelle, ou naturelle, est un leurre. Il existe certes des qualités pour être et rester leader mais celui qui s’impose de lui-même, qui est là et que l’on supporte, n’est plus vraiment un leader, mais une idole ou un despote, avec cette caractéristique redoutable : celui qu’on n’a pas voulu et à qui on donne constamment !

Les qualités d’un leader

1) Il est avant tout celui qui répond aux attentes du groupe, qui mène, qui nourrit, et qui montre par lé qu’il n’a pas usurpé sa place.
2) Il est aussi celui qui se remet en question constamment.
L’autocritique est biblique et permet de mieux se connaître (I Cor 11.28; Apoc 3.17,18). Mais ce dont il est question ici, c’est de se sentir constamment renvoyé à son rôle de chef, à tout moment, et de façon tacite !
3) Il est enfin celui qui est apte à »rentrer dans les rangs » à certaines occasions, et être lui-même capable d’investir un autre, sans arrière-pensée, d’une autorité de la même qualité que celle qu’il détenait.
4) Sans être exhaustif, les qualités morales telles que maîtrise de soi, honnêteté, simplicité, sincérité et justice, viennent compléter l’esquisse à peine ébauchée du leader d’un groupe.

L’ autorité pour quoi faire ?

Dans ce qui précède, nous avons tout d’abord découvert que celui qui a l’autorité, est celui qui, issu d’un groupe, d’une communauté, d’une église, est reconnu comme chef.
Maintenant que notre leader est découvert, il nous reste à examiner comment il va concevoir son rôle et exercer son autorité.

La mise en exercice de l’autorité

On peut légitimement s’attendre à ce que le leader assume pleinement le rôle pour lequel il a été choisi. Ses qualités, son savoir-faire, ses connaissances, qui ont guidé son « élection » dans le sein du groupe, n’ont de valeur que si le groupe lui-même tire profit de ce choix. Il est normal qu’une communauté ou une assemblée soit au bénéfice de ses anciens, au lieu de les subir.

Les critères d’un groupe qui avance sous l’impulsion de son chef sont finalement simples harmonie, gens heureux, pas de conflit, pour ne citer que ce qui frappe de prime abord.

La prise de pouvoir

Le tableau ci-dessus ne correspond mal heureusement pas toujours à la réalité. Il arrive parfois qu’un leader se coupe du groupe. Pour des motifs charnels tels que l’orgueil ou le goût du pouvoir, le leader s’investit alors lui-même d’une autorité qui ne correspond plus aux désirs du groupe. Issu des rangs du groupe, il n’est plus question pour lui d’y retourner : c’est la prise de pouvoir. Il détient bel et bien le pouvoir, mais il ne détient plus l’autorité authentique dans le groupe, puisque celui-ci lui échappe. Les échanges entre le groupe et lui, si abondantes au début, s’étiolent jusqu’é cesser totalement. Comment le leader peut-il alors exercer son autorité dans un groupe qui le rejette, si ce n’est en établissant le règne de l’autoritarisme?

Il est vrai que l’élection d’un leader au sein d’un groupe présente un double aspect:
d’une part, la promesse d’un épanouissement certain des éléments qui composent le groupe ; d’autre part, le risque de porter un homme à un poste de premier rang.

Sans le discernement collectif pour ce choix, parfois capital, il faut reconnaître que l’élection d’un leader comporte pour celui-ci une certaine tentation ; car la maladie du pouvoir est un danger réel qui, à des degrés très divers, fait des leaders des « tentés à vie ». Qui ne connaît ce « frère prêcheur », dont la recherche de la parole en chaire est le symptôme évident de cette maladie ? Qui ne connaît ce « frère indispensable », ou ce « frère président », dont l’activité est devenue activisme, toujours à cause de cette maladie?

Nuance

Ce qui précède présuppose un groupe adulte, mûr, capable de se choisir un leader, même s’il y a un risque. Mais dans une situation différente, au sein d’un groupe incapable de se gouverner, soit par inertie, soit par manque de vie, soit à cause de nombreux conflits, on ne peut s’attendre à ce que le groupe choisisse lui-même son chef. Dans ce cas, quiconque se lève est considéré comme prenant le pouvoir : c’est compréhensible, mais c’est parfois la seule méthode curative pour le groupe.

C’est dans ce cadre qu’il faut voir le ministère de Jésus sur terre. Il n’a jamais été accepté, mais il a opéré une prise de pouvoir salutaire chez les siens, par-ce qu’il connaissait mieux leurs besoins qu’aucun autre. (Jean 12.48 peut s’expliquer dans ce sens).

(à suivre)

Bernard COUSYN

* Cet article fait suite à celui de J. HOFFMANN, PROMESSES n0 69.

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Cousyn Bernard
Bernard Cousyn a été durant plusieurs années ancien dans son église locale dans le Nord de la France. Jeune retraité, il vit à Evian et est membre du Comité de rédaction de Promesses.