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Hommage à Francis A. Schaeffer

Nombreux sont ceux que l’enseignement de F.A. Schaeffer a touchés profondément. C’est pour moi un privilège et une joie de pouvoir évoquer en cette occasion solennelle et émouvante certains aspects de son ministère, qui fut à bien des égards, prophétique. Les réflexions qui suivent seront accompagnées de citations bibliques afin de souligner la permanence et l’actualité de la sagesse divine.

Nous considérerons d’abord le début de la Genèse (« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre« , Gen 1.1) que nous rapprocherons du prologue de Jean (« Au commencement était la Parole et la Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu« , Jean 1.1,2). Lorsque j’ai rencontré Francis Schaeffer, dans les années 64/65, je vivais un temps de crise existentielle, de perplexité intellectuelle et de recherche théologique. Curieusement, plusieurs années de théologie m’avaient conduit à douter de l’existence même de Dieu C’est malheureusement une expérience que bien des jeunes ont faite dans des facultés de théologie en Europe comme aux Etats-Unis. C’est à la fois un drame et un scandale. Bien des hommes et des femmes sont aujourd’hui athées, agnostiques ou sans espoir, parce qu’ils ont reçu un enseignement qui les a détournés de la vérité. Aussi, lorsque j’ai rencontré Francis Schaeffer, c’était à Lausanne sur un quai de gare, après une étude biblique qu’il avait donnée dans un café de la ville. J’ai été frappé par son humanité et sa compréhension. Notre entretien a duré environ deux heures; en face de moi j’ai trouvé un homme d’écoute. C’était exactement ce dont j’avais besoin. Confronté àune réalité que je ne comprenais pas et à une pensée qui me créait des difficultés, je me posais toute une série de questions. J’en étais arrivé à me demander si elles étaient sensées, car je n’y trouvais pas de réponses. Ce jour-là, j’ai compris que toute interrogation honnête mérite d’être prise au sérieux, même si elle charrie avec elle beaucoup de confusion. Ce fut le début d’un cheminement qui m’a permis de comprendre que pour réellement saisir l’oeuvre de Jésus-Christ, il faut d’abord reconnaître l’existence de Dieu. Si Dieu n’existe pas, objectivement, qui est l’homme, que cela signifie-t-il qu’il soit pécheur ? Si Dieu n’existe pas, quel sens donner àla mort et à la résurrection de Jésus-Christ, et que veut dire proclamer le salut en Jésus-Christ ? Je devais par la suite parvenir à une conviction renouvelée et approfondie de la présence de cet ultime vis-à-vis et de la divinité de Jésus, le Messie attendu. Je me souviens encore très précisément de cette expérience. Je me trouvais à Huémoz, au châlet « Béthanie ». Je parcourais du regard ce paysage grandiose, avec devant moi la vallée du Rhône et les Dents du Midi. Alors que je considérais tout ce que je venais d’étudier, tout à coup j’ai été persuadé que le début de la foi chrétienne, c’est le Dieu infini et personnel. Il est l’ultime réalité, le fondement et le créateur de toute chose. Cette certitude ne m’a jamais plus quitté!

Le deuxième passage que je voudrais lire et commenter se trouve dans la première épître de Paul aux Corinthiens, chapitre 2, versets 6 à 16. « Cependant, c’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n’est pas de ce siècle, ni des princes de ce siècle, qui vont être réduits à l’impuissance ; nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu avait prédestinée avant les sièclespournotre gloire; aucun des princes de ce siècle ne l’a connue, car s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. Mais c’est, comme il est écrit: ce que l’oeil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, et ce qui n’est pas monté au coeur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. A nous, Dieu nous l’a révélé par l’Esprit. Car l’Esprit sonde tout, même les pro fondeurs de Dieu. Qui donc, parmi les hommes, sait ce qui con-i cerne l’homme, si ce n’est l’es-prit de l’homme qui est en lui? De même, personne ne connaît ce qui concerne Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu. Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin de savoir ce que Dieu nous a donné par grâce. Et nous en parlons, non avec des dis-cours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, en expliquant les réalités spirituelles à des hommes spirituels. Mais l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu; car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. L’homme spirituel, au contraire, juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne. En effet: qui a connu la pensée du Seigneur, pour l’instruire ? Or nous, nous avons la pensée de Christ. » Ce passage m’est très cher. J’en ai discuté à l’Abri à plusieurs reprises par le passé. Il est d’une importance capitale, car il nous rappelle, entre autres, que, dans le monde, il y a confrontation entre deux sagesses, celle de l’homme, qui se veut la mesure de toute chose, et celle de Dieu, cet être infini et personnel qui nous communique sa pensée et qui nous fait connaître sa vision du monde.

Aujourd’hui encore, plus que dans les années soixante, nous avons besoin d’entendre ce message, d’être confronté à cette perspective-là. Car, plus que jamais, les hommes de notre temps, de notre génération, des années quatre-vingts, recherchent des réponses qui sont sans sagesse, sans intelligence. Elles relèvent de l’irrationnel, de la mystique, du domaine de la foi, mais d’une foi sans assise, qui a sacrifié la raison. Francis Schaeffer avait non seulement cette capacité de se mettre sur la même longueur d’onde que son prochain, créé à l’image de Dieu il avait aussi la passion de la vérité. Ce Dieu infini nous fait découvrir sa pensée, nous informe, et nous fait part de sa sagesse. Nous pouvons réellement connaître la vérité de Dieu avec notre intelligence, sans jamais pour autant l’épuiser. Encore faut-il s’ouvrir à sa parole et à l’action de son Esprit. Notre Dieu est un grand Dieu, c’est un Etre infini, personnel, qui se révèle à nous, qui nous communique sa pensée.

Le troisième passage qui retiendra un instant notre attention se trouve dans la deuxième épître aux Corinthiens. Je le reprends souvent à mon compte. La première fois que j’ai parlé en public à la Faculté de Théologie Réformée d’Aix-en-Provence, c’est ce texte que j’ai commenté. Il résume toute une partie du ministère de l’Abri. « Si nous marchons dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes devant Dieu, pour renverser des forteresses. Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élèvent contre la connaissance de Dieu, et nous amenons toute pensee captive a l’obéissance du Christ » (2 Cor 10.3-5). Chaque chrétien est engagé dans un combat spirituel, il ne faut jamais l’oublier. Nous menons aussi un combat psychologique. Beaucoup d’hommes et de femmes aujourd’hui vivent une crise d’identité. Ils ont des problèmes personnels et psychologiques. Ils ont besoin de compassion et d’accompagnement afin de se refaire une « santé intérieure ». Mais nous ne pouvons pas en rester là. Nous avons à mener un combat intellectuel. Il ne nous est pas possible d’esquiver ce choc avec les pensées de notre temps ainsi qu’avec les faux raisonnements. C’est peut-être le combat le plus dur, le plus aride, qui laisse le plus de traces dans l’individu. Francis Schaeffer a eu le courage de mener ce combat des idées. S’il ne l’avait pas mené, je ne serais sans doute pas ici à vous parler. Ce débat est fondamental. Depuis plus d’un siècle, l’Eglise évite plutôt cet affrontement. Or, que nous dit l’apôtre Paul ici? « Nous renversons les raisonnements et toute hauteur », les idéologies et l’orgueil de l’homme autonome qui s’élève contre la connaissance de Dieu lui-même. En fait, cette affirmation prolonge ce que j’ai dit sur la sagesse. Il existe une dimension polémique dans la proclamation de ‘Evangile. Puissions-nous ensemble, dans l’amour et la compassion, continuer comme le Seigneur le voudra, ce même combat, afin que Jésus-Christ devienne aussi la boussole de notre pensée.

Je terminerai ces quelques réflexions par une exhortation de l’épître aux Hébreux: « Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu; considérez l’issue de leur vie et imitez leur foi » (13.7). On pourrait aussi traduire la dernière phrase ainsi: « Le résultat de leur conduite, ou l’aboutissement de leur conduite ». Ce fut le texte de la méditation lors de l’ensevelissement de mon père, pasteur. A un moment précis de mon existence, Francis Schaeffer a été non seulement un frère dans la foi, mais aussi un père spirituel. Jésus-Christ veut être le Seigneur de notre vie tout entière, de notre vie spirituelle, psychique et intellectuelle. Il veut régner dans nos vies afin de les renouveler en attendant la plénitude de la gloire à venir. Pour ce faire, il nous donne des hommes et des femmes. Francis Schaeffer a été un de ces hommes. Il a été un exemple et un conducteur pour beaucoup d’entre nous. Il faut le reconnaître en toute simplicité et avec reconnaissance. C’est ce que je voudrais souligner en terminant ce bref exposé. Au sein même de sa faiblesse et de sa fragilité, au sein même de ses manquements et de ses errements, Francis Schaeffer fut un homme de foi, mais dont la foi reposait sur les promesses inébranlables de Dieu. De l’avis même de il ceux qui étaient auprès de lui, il a connu des luttes et des doutes jusqu’à l’article même de la mort. Pourtant, c’était un homme de foi, de foi authentique, celle qui s’enracine dans la vérité elle-même. Son amour dévorant de la Parole et de la Sagesse était la base de sa confiance en Dieu, en ce Dieu trinitaire: Père, Fils et Saint-Esprit. Puissions-nous ne jamais oublier qu’il n’y a pas d’orthodoxie doctrinale sans orthodoxie de pratique. C’est la condition de la réforme et du réveil que nous attendons dans lEglise de Jésus-Christ.

Pierre BERTHOUD
NOTICE BIOGRAPHIQUE

Né en 1943. Etudes théologiques Lausanne et au Covenant Seminary (St. Louis, USA). Assistant d’hébreu la Faculté Libre de Théologie Evangélique de vaux-sur-Seine. Collaborateur l’Abri de Francis Schaeffer (5 ans). Actuellement Doyen et Professeur d’A.T. la Faculté Libre de Théologie Réformée d’ Aix-en-Provence.

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