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Le phénomène musique

Si le titre peut surprendre, de prime abord il n’en deviendra que plus significatif au fur et à mesure que vous avancerez dans le développement que je vous propose, pour autant qu’il soit entendu que phénomène désigne ce qui se manifeste soit à la conscience par l’intermédiaire des sens (domaine de la physique), soit à la sensibilité affective (domaine du psychisme). A la fin de notre voyage dans le royaume de la musique, vous saurez mieux apprécier à quel point la musique est une de ces « perfections invisibles de Dieu qui se voient comme à l’oeil, depuis la création du monde », pour emprunter à l’apôtre Paul ces paroles écrites aux croyants de Rome il y a près de deux millénaires; ce qui est valable pour l’oeil l’est aussi pour l’oreille.

Je n’ai évidemment aucunement la prétention de faire, en quelques pages, le tour du problème que soulève le phénomène musique. Aussi aimerais-je solliciter l’indulgence des musicologues professionnels et des amateurs avisés qui pourraient déplorer, dans mon article, l’absence de certains faits, de certains noms qu’ils auraient jugés essentiels. On voudra bien excuser le côté vulgarisateur de mon exposé: tout le monde n’est pas versé en matière musicale.

Le problème de la musique en tant que phénomène psychique a commencé à me préoccuper lors de mon séjour en Afrique équatoriale voilà bientôt trente ans. Comment, me disais-je, est-il possible que des Africains qui ne connaissent que la musique monophonique rythmée à gamme réduite (4 ou 5 tons) puissent goûter la musique polyphonique classique d’un Bach, Haydn, Mozart, sans avoir reçu la moindre initiation à cette musique qui, pourrait-on penser, doit leur être fermée? Certains de mes élèves africains en étaient arrivés à jouir de la musique classique à tel point que j’organisais de véritables petits récitals chez moi, mon piano tropique étant le seul moyen d’expression à ma disposition (il n’y avait pas encore de transistors en ce moment-là). J’ajouterai tout de suite que dès que je leur jouais les romantiques du 19e siècle, ils perdaient tout intérêt, sauf pour quelques pièces de Beethoven. Comme j’étais alors ignorant de certains faits avec lesquels je me propose de vous familiariser, les raisons de ce comportement m’échappaient. Par la suite, ces faits m’ont fait comprendre que la musique tonale, qui a trouvé son apogée dans le classicisme occidental, s’inscrit dans la condition humaine. Elle est donc indépendante des races et des cultures. On entend par musique tonale la musique qui est organisée selon les principes de la tonalité, où l’harmonie et la mélodie sont réglées par l’obligation de respecter un ton principal. Ainsi, une symphonie en la mineur est soumise aux lois inhérentes à cette tonalité.

Or il existe des musiques qui sont étroitement liées à des cultures ou à des races, musiques qui ne sont pas forcément goûtées ou comprises par des gens d’autres races ou cultures. Cependant, elles s’inspirent du même matériel tonal, ce qui expliquerait en partie pourquoi la musique classique tonale est accessible à des gens ne connaissant qu’une musique rudimentaire. Ils ressentent d’ailleurs la musique tonale de la période classique comme supérieure à la leur, aussi bien en tant que source de joie qu’absolument, pour autant qu’ils soient susceptibles de jouir de la musique tout court. Car, il ne faut jamais l’oublier, il y a des individus imperméables à la musique, soit par déficience organique (comme les daltoniens en ce qui concerne les couleurs), soit par constitution psychique.

On peut maintenant se poser la question d’où vient cette universalité de la musique tonale telle que je l’ai définie plus haut?

La première constatation qui me fit entrevoir une réponse à cette question, je la trouvai dans le livre d’Ernest Ansermet, « Les fondements de la musique dans la conscience humaine ». Ansermet, qui avait fait des études de mathématiques et de physique, qu’il enseigna pendant plusieurs années au gymnase classique de Lausanne, découvrit que le limaçon, cette partie en spirale de l’oreille interne humaine, est construit sur le logarithme 12.

Nous savons tous que la gamme tonale est constituée à partir d’une succession de 12 demi-tons. Mis en relation avec la découverte d’Ansermet, cela peut déjà paraître significatif. Mais cela le devient infiniment davantage du moment où l’on étudie les relations entre les tons de la gamme.

Les sons que nous percevons par notre oreille sont des vibrations transmises par le moyen de l’air. Ces vibrations, dont la fréquence par seconde varie considérablement, sont mathématiquement mesurables. Ansermet, ce mathé­maticien-musicien, montre la présence secrète d’une relation logarithmique dans la musique ce qui explique pourquoi, au sein de la conscience musicale, on ressent quelque chose de mathématique. Pour démontrer cette relation, il suffit de faire les réflexions qui suivent. (Que les lecteurs réfractaires aux mathématiques veuillent se reporter directement à la conclusion au para­graphe suivant).

Le nombre de vibrations par seconde (la fréquence) d’un ton donné est le double à l’octave supérieure de ce ton. Ainsi, si le la (troisième corde du violon) a une fréquence de 432, le la’ (octave supérieure) en a une de 864. La relation est arithmétique: 432+432=864 (addition). D’autre part, pour la conscience musicale (comme dit Ansermet), la quarte (quatrième ton de la gamme: re’ dans notre cas) et la quinte (cinquième ton: mi’), s’additionnent pour constituer une octave. Or, si l’on tient compte de la fréquence de la quarte (576) et de celle de la quinte (648), on constate que la fréquence de la quarte est 4/3 du la (432), et la fréquence de la quinte est 3/2 du même la; mais la multiplication (4/3 fois 3/2) donne 2 (relation géométrique), tout comme le rapport des 2 sons de l’octave (la et la’), qui peut s’exprimer par une addition dont le résultat est également 2 (1+1=2, simplification de 432+432=864).

Lorsqu’il y a correspondance, pour les mêmes chiffres, entre une série arithmétique et une série géométrique, comme c’est le cas ici, on parle d’une relation logarithmique. Ansermet en conclut que l’expérience musicale se laisse donc interpréter comme une structure logarithmique. Comme d’une part le limaçon de l’oreille humaine est construit sur le logarithme 12, et que d’autre part la fréquence des sons mise en relation avec la conscience musicale aboutit à une relation également logarithmique, on peut concevoir que deux ou un ensemble de sons émis en même temps seront ressentis comme une harmonie, créatrice de bien-être psychique, s’ils sont en relation logarithmique basée sur le chiffre 12. Voilà donc pourquoi tous les hommes de toutes races ont la capacité de jouir de la musique basée sur le système tonal que nous connaissons tous.

Si nous acceptons ce que la Bible nous dit, à savoir que Dieu a créé l’homme pour le placer dans une nature qu’il avait créée à son intention, nous devons conclure que le système tonal capable de former des harmonies qui réjouissent le coeur de l’homme, n’a pas été inventé, mais qu’il a été créé par Dieu et qu’il existe au même titre que la lumière, l’air et d’autres phénomènes naturels.

Dans ce contexte, la constatation qui a été faite par Alexandre Dénéréaz dans son livre « La gamme, ce problème cosmique » (Hug u. Co. Zürich) prend toute son importance. Mais avant de la communiquer, il y a lieu de rappeler quelques données astronomiques.

Des neuf planètes qui tournent autour du soleil, seul Pluton, la plus éloignée, ne se trouve pas sur le même plan elliptique, et de ce fait n’entre pas dans les considérations qui vont suivre. On peut calculer avec précision la distance moyenne de chaque planète du soleil. La distance terre-soleil étant 1, les distances entre le soleil et les quatre grandes planètes (Neptune, Uranus, Saturne et Jupiter), se situent, en gros, entre 30 et 5, et celles des petites planètes (Mercure, Vénus, Terre et Mars) entre 1/3 et 1,5.

Une fois de plus, que le lecteur qui trouve les détails d’ordre mathématique par trop ennuyeux se reporte directement à la conclusion. Je tiens à avertir que ce qui suit est rudimentaire, mais je puis espérer que ce sera suffisant pour comprendre comment Dénéréaz est arrivé à sa conclusion. L’idée principale consiste à comparer la distance des planètes du soleil aux distances des tons de la gamme sur une corde d’une longueur donnée. Grâce au résonateur acoustique de Hermann Helmholtz (19e siècle), sur lequel une corde de 100cm est tendue et accordée à do, on peut constater que, dans l’accord parfait majeur, les intervalles entre do-mi et mi-sol (mesurés en mm) forment entre eux une section d’or, aussi nommée « divine proportion », dont le rapport est de 618 sur 1000. Cela donna à Dénéréaz l’idée de faire intervenir la section d’or pour les distances des planètes du soleil. Il constata alors que ces distances sont exactement proportionnelles aux distances entre les tons de la gamme.

Sur le diagramme qui suit, les chiffres se trouvant sous les planètes représentent les distances de celles-ci du soleil. Les chiffres se trouvant entre les planètes représentent la différence entre leurs distances du soleil, chiffres qui correspondent exactement aux distances proportionnelles entre les tons de la gamme!

Tout comme le soleil est symbole de vie et de transformation, ainsi le fa dièse permet la modulation de la tonale à la dominante (de do à sol), ce qui peut se répéter en passant par les 12 tonalités. Sans soleil, pas de dynamisme: sans fa dièse, pas de modulation tonale, donc pas de dynamisme non plus.

Un calcul du même genre, dont je vous dispenserai, s’applique aux quatre petites planètes, à ceci près que la corde doit avoir la longueur de la section d’or de celle du résonateur de Helmholtz, donc 61,8cm, pour que les proportions entre les planètes et les tons de la gamme soient identiques. Mais alors que les distances entre les quatre grandes planètes s’accordent avec les distances entre les tons de la gamme du mode lydien (majeur), les mêmes données concernant les quatre petites planètes correspondent aux modes dorien (mineur), à savoir do-si bémol la bémol – sol (Mars – Terre -Mercure – Soleil) et phrygien (neutre), à savoir do – si bémol – la – sol (Mars -Terre – Vénus – Soleil).

Comme il est absolument impensable que ces corrélations mathématiquement mesurables et donc prouvables, entre le système des planètes et le système tonal, puissent être le jeu du hasard, on arrive à cette conclusion inéluctable: Le système tonal de la musique est conditionné par les distances des planètes du soleil. Il s’agit donc bien d’un phénomène cosmique, de là le titre du livre d’Alexandre Dénéréaz. Mais il en découle alors un autre fait significatif: On ne peut pas davantage changer le système des harmonies naturelles que l’on peut changer la distance des planètes par rapport au soleil.

Que n’enseigne-t-on pas ces merveilles aux élèves de nos écoles? Craindrait-on qu’ils s’inclinent devant Dieu, le Créateur de l’univers, pour l’adorer?

Dans le livre d’Ernest Ansermet cité au début, il y a un chapitre intitulé « Phénoménologie de Dieu ». Jean-Claude Piguet, dans son petit livre sur « Ernest Ansermet et les fondements de la musique » (Payot Lausanne), dit très justement que « Dieu est le centre caché du livre » d’Ansermet, et « qu’à partir de Dieu s’amorce le mouvement descendant qui conduit à la constitution, dans la conscience, des formes musicales ». Et plus loin cette phrase capitale: « Seul le christianisme, pour Ansermet, a permis à la musique occidentale d’accéder à sa vérité éthique« .

(à suivre)

Jean-Pierre SCHNEIDER
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