Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Les évangéliques (1)

      Un ami pasteur m’ayant demandé ce que je pouvais lui dire sur l’identité des évangéliques, je veux tenter de cerner un actuel mais vaste problème, au risque de schématiser des aspects importants.

      Dans l’AT, le peuple d’Israël est sans cesse exhorté à remémorer les interventions de Dieu dans son histoire. Pour nous aussi, il est essentiel de regarder le passé afin de comprendre le présent. Au travers de toute l’histoire de l’Eglise, nous voyons la continuité étonnante et parfois paradoxale de l’action de l’Esprit de Dieu dans le monde.

      Le mysticisme du moyen-âge trouve une certaine continuité dans le réveil puritain-piétiste apparu dès le 17e siècle, à son tour précédé de la Réforme et des anabaptistes, suite à de nombreux mouvements de retour à la Parole de Dieu à travers l’Europe.

A. Aperçu historique

1. Le réveil piétiste-puritain

      Arndt (1555-1621), Spener (1635-1705) et Francke (1663-1722) en ont été les pères en Allemagne. De là le réveil passa dans le monde anglo-saxon, où il y eut un premier réveil en 1734 avec G.Whitefield, puis une deuxième vague en 1780. Whitefield eut un ministère étendu, également en Amérique. Les « pères pèlerins », piétistes hollandais et huguenots entre autres, avaient préparé le terrain et produit de nombreux écrits puritains-piétistes.

      En Europe, le comte N.L. de Zinzendorf (1700-1760) fut à l’origine du grand réveil morave de 1722. Le mouvement piétiste était marqué par un fort biblicisme, ce qui empêcha qu’il dégénère en humanisme religieux ou simple mysticisme. Un point central fut la « nouvelle naissance », l’expérience d’une relation personnelle avec le Seigneur. La lancée missionnaire moderne commença réellement avec les piétistes. Le piétisme représente un profond réveil spirituel d’évangélisation missionnaire mondial. La préoccupation sociale, celle des principes éthiques et de l’éducation chrétienne en furent les autres traits caractéristiques.

2. Les courants évangélique et ocuménique

      Pour ce qui concerne les 19e et 20e siècles, je renvoie au discours inaugural du Congrès de Lausanne: « Pourquoi Lausanne ?  » de Billy Graham. Parlant des causes de l’affaiblissement des églises, il dit: « L’Eglise a perdu beaucoup du zèle et de la vision des jours passés (New York 1900, Edinburgh 1910). En voici les trois raisons principales:

      1. La perte de l’autorité et du message de l’Evangile.
      2. La priorité accordée aux problèmes sociaux et politiques.
      3. Une même préoccupation avec une unité organique.
      Le premier courant était évangélique; le second était de caractère ocuménique. »

3. La tradition évangélique

      Elle a comme base l’inspiration et l’autorité absolue des Saintes Ecritures. Elle fait suite aux réveils des trois derniers siècles. Le mouvement évangélique a connu une croissance énorme dans le monde entier, surtout par les « conquêtes missionnaires ». L.Drummond écrivait: « La plus grande contribution des piétistes fut d’injecter l’esprit missionnaire dans la Réforma­tion. »

      Le réveil évangélique en Suisse romande a été décrit par Paul Perret et Jacques Blandenier. Le mouvement évangélique ne s’est pas forcément superposé aux structures d’églises historiques. Souvent il a provoqué l’éclosion d’églises libres et de communautés largement autonomes, dont plusieurs à tendance baptiste.

4. La tradition libérale

      Elle a abouti à ce qu’on appelle « ocuménisme », mot actuellement employé dans des sens très divers. Il présente les trois caractères mentionnés par Billy Graham. Après la deuxième Guerre mondiale, à la suite de diverses rencontres historiques, le Conseil ocuménique des Eglises (COE) fut fondé et structuré en 1948 à Amsterdam. Il a gagné de nombreuses églises comme adeptes. Marqué de libéralisme et de pluralisme, le mouvement ocuménique a provoqué des réactions fortes dans le monde évangélique, et l’a parfois figé.

      Dans le monde actuel, et surtout dans le Tiers-Monde, il y a partout deux camps très distincts:
      b) les ocuméniques, qui progressent surtout dans le sens socio­politique, avec l’idée utopique de l’unité universelle, donc avec un certain syncrétisme (Bangkok).

B. La situation contemporaine

1. Catholiques et protestants

      a) Le COE: Depuis sa formation, il y a un effort de rapprochement des deux côtés. Dans la première phase de l’ocuménisme, ce fut surtout la recherche de l’unité de l’Eglise. Le progrès de l’unité avec orthodoxes, églises de l’Est et de l’Ouest s’est enlisé depuis dix à vingt ans. Il y a près de 300 grandes et petites églises dans le COE. Dans la deuxième phase du COE, les relations entre catholiques et protestants ont été fortement influencées par l’humanisme, le dialogue avec les religions et idéologies de notre temps, et surtout l’évolution sociopolitique. A part cela, nous constatons une mutation frappante du côté catholique.

      b) Le mouvement de Taizé, surtout en Europe, recherche une unité par une spiritualité catholique dans un vide spirituel protestant.

      c) Le mouvement charismatique, d’origine piétiste-pentecôtiste, a connu un développement phénoménal, surtout parmi les catholiques, mais aussi chez les protestants. Il a contribué à combler un vide spirituel chez les deux. On peut parler d’un oecuménisme charismatique qui se situe loin du COE à Genève, mais qui met l’accent sur la dimension expérimentale au détriment de la dimension biblique et doctrinale.

2. Evolution actuelle de l’ocuménisme

      Il s’agit de la variété de Genève. Son évolution peut être schématisée ainsi: – années 40: unité – années 50: Eglise – années 60: théologie du développement et pensée humaniste – années 70: en plus un engagement politique – années 80: appel à la lutte active, voire armée, contre les dominations, nuance qu’on peut désigner par le terme « christo-marxisme » (christianisme teinté de marxisme). Cette évolution va de pair avec une diminution de l’effort d’évangélisation.

      Tout cela s’est réalisé avec le développement de nouvelles théologies: les « théologies populaires » telles que la théologie de libération, la théologie noire, le féminisme extrémiste. Ces mouvements idéologiques sont basés sur des expériences faites à partir de la situation en Amérique du Sud et ailleurs, et sur un intense travail théologique fait par les oecuménistes radicaux. On parle d’une « nouvelle compréhension contextuelle de la Bible », parfois liée à une « lecture matérialiste de la Bible » faite dans une vision « christo-marxiste » du royaume de Dieu.

      On peut dire qu’il y a un abîme entre ce que fut l’ocuménisme en 1948 et ce qu’il est aujourd’hui. Cet abîme se traduit aussi par un discours anti-évangélique plus net (Melboume, Vancouver), tandis qu’une fraction cherche des contacts avec le monde évangélique.

3. Les évangéliques et les confessions protestantes

      Le courant évangélique est entré dans les églises traditionnelles des pays scandinaves (piétisme de Finlande et de Norvège surtout), de la Grande-Bretagne (fraction évangélique dans la « Low Church ») et, partielle­ment, de l’Allemagne (mouvement « Eglise confessante », relevant de la déclaration de Barmen, dans les églises luthériennes et réformées). En France, il y a eu division dans l’église réformée. Nous parlerons de la Suisse plus loin.

      Un problème important est celui de la théologie de Karl Barth, qui a combattu à la fois le libéralisme et le piétisme. Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il modifia sa position par rapport au piétisme. Le barthisme constitua, avant tout en Europe centrale, une barrière contre le courant évangélique, surtout dans les églises réformées. Aujourd’hui, avec la régression du barthisme, il y a un contact plus cordial entre réformés et évangéliques.

      Le changement de la situation se révèle toutefois dans le changement du vocabulaire. Dans les pays francophones, on distingue réformés, évangéliques et charismatiques. Dans les pays germanophones, un néolo­gisme fit son apparition: die Evangelikalen; ce mot fut réprouvé au début, mais il est largement utilisé aujourd’hui.

      Aux Etats-Unis, la situation est très différente, à cause de l’absence d’églises d’Etat. Cela constitue une différence fondamentale avec les églises d’Europe, particulièrement avec celles de la Grande-Bretagne, où il y a une coexistence entre évangéliques et églises d’Etat. L’absence de celles-ci aux Etats-Unis fait que les évangéliques y représentent une force considérable. Les grandes campagnes d’évangélisation qui eurent lieu aux Etats-Unis dans notre siècle y ont contribué à un renouveau spirituel, de sorte que les évangéliques forment la grande majorité du monde protestant, ce qui se répercute favorablement sur l’effort missionnaire. Il faut aussi mentionner le développe­ment de pointe d’une missiologie évangélique.

(à suivre)

Rodolphe BRECHET

Notice nécrologique

Le Dr. Rodolphe BRECHET, dont nous avons le privilège de publier l’article ci-dessus, est mort tout dernièrement à l’âge de 74 ans. Il servit le Seigneur en Angola, où il fit valoir ses capacités de médecin évangélique pendant 36 ans. Sa foi et sa consécration laisseront un souvenir durable.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page