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Les fonctions des Anciens

L’Autorité de l’homme sous l’autorité de Dieu

C’est un sujet redoutable que de parler de l’autorité Partout elle est mise en cause. On le remarque dans le monde aussi bien que dans l’Eglise, malheureusement. Un courant d’anarchie influence toutes les sphères de la pensée et de l’action humaine. Derrière les tendances anti-autoritaires de notre temps, on peut facilement discerner un effort de l’adversaire, qui veut donner à l’homme l’illusion qu’il est possible, voire souhaitable, de vivre sans autorité et sans loi… Evidemment que certains abus d’autorité, et pas seulement dans le passé, ne facilitent pas l’exercice de l’autorité. Il y a donc lieu de s’interroger sur la signification de l’autorité.

Définition

Par autorité, il faut entendre le droit ou le pouvoir légitime de déterminer ce qui est juste au sens le plus large. Il faut reconnaître que l’autorité ne s’impose pas par la force, l’intelligence ou le nombre, mais par la légitimité. Il semble qu’aujourd’hui on a la tendance de croire que l’autorité doit s’exercer à partir du bas, en fonction de la majorité qui la soutient. Mais cela est loin de garantir la légitimité de l’autorité. Nous ne retiendrons ici que la notion d’autorité légitime, qui seule correspond aux catégories bibliques.

Fondement de toute autorité

Selon l’Ecriture, personne n’a le droit de prendre autorité sur son prochain. Seul Dieu détient l’autorité ce n’est qu’à partir de lui que l’autorité peut s’exercer dans le monde qui lui appartient (Mat 28.18 Phil 2.9-11). L’homme n’a le droit d’exercer son autorité que s’il l’a reçue de Dieu, qui est le seul vrai Souverain (Rom 13.1 Dan 4.14). Alors que l’autorité de Dieu n’a pas à se justifier, relevant de sa nature même, l’autorité de l’homme est fondée sur celle de Dieu, de sorte qu’en dernière analyse, toute conception de l’autorité est de nature religieuse.

Autorité déléguée

D’après la Bible, Dieu délègue son autorité dans trois sphères particulières la famille, l’Etat et l’Eglise. Il y a donc une autorité domestique, civil,’ et ecclésiastique, dont le devoir est de faire régner l’ordre selon la volonté de Dieu, par les moyens pratiques dont elle dispose.

C’est dans ce contexte plus large qu’il faut situer l’autorité des anciens dans l’Eglise. Il est à préciser que le NT utilise deux termes pour désigner les conducteurs spirituels dans l’Eglise :
l’ancien (grec « presbyteros ») et
le surveillant (« épiscopos », devenu « évêque »).

Ces termes sont interchangeables ainsi, les conducteurs spirituels d’Ephèse sont nommés anciens et surveillants (évêques) dans le même récit (Act 20.17 et 28 même procédé dans Tite 1.5 et 7). Il suffira donc d’utiliser la seule désignation d’ancien dans ce traité.

Texte de base

J’aimerais souligner quelques aspects de l’autorité des anciens dans l’Eglise de Jésus-Christ à partir du texte d’Héb 13.17 :

Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis. Car ils veillent au bien de vos âmes, dont ils devront rendre compte. Faites en sorte qu ils puissent le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne serait pas à votre avantage.

1. L’autorité des anciens est clairement établie :

Obéissez… et soyez-leur soumis.

Cette autorité est définie par le verbe « obéir » qui a en grec les connotations de « convaincre, apaiser ».

Par leur enseignement et par leur conduite, les anciens doivent illustrer les exigences posées par l’autorité divine, afin de persuader qu’il faut s’y soumettre. Mais même si les uns sont appelés à obéir et les autres à conduire, il ne s’agit jamais de deux classes (laïques et ecclésiastiques), car tous font partie du même corps, bien que n’ayant pas tous le même rôle. Pourtant ‘Eglise n’est pas une institution démocratique, idée tout à fait contraire à la pensée de Dieu.

La soumission aux anciens n’a rien de servile et leur autorité rien d’autocratique. Dieu désire un ordre harmonieux. Il y a équilibre entre la responsabilité des anciens vis-à-vis du Seigneur et vis-à-vis de l’église entière. Si les anciens reflètent jusqu’à un certain point l’autorité de Dieu au sein de leur église, celle-ci représente dans son ensemble le peuple de Dieu face à son Seigneur. Chaque membre de l’église doit se savoir dépendant envers Dieu et envers les autres membres.

L’autorité des anciens est aussi clairement reconnue. L’obéissance et la soumission implique que l’on sait qui sont les conducteurs. L’obéissance ne peut être accordée qu’à quelqu’un dont le rôle est reconnu. Ainsi l’épître aux Hébreux se termine par cette salutation. Saluez tous vos conducteurs et tous les saints, ce qui implique que leurs noms sont connus, Voyez aussi Act 14.23 20.17 Jac 5.14.

2. L’autorité des anciens est déléguée du Seigneur lui-même :

Ils devront rendre compte.

Puisque toute autorité vient de Dieu, les conducteurs d’une église doivent agir et parler comme de la part de Dieu. Ils devront en rendre compte au Seigneur qui leur a confié cette responsabilité.

Il y a des communautés qui n’ont pas ce respect de l’autorité, croyant pouvoir ignorer ce que la Réforme a enseigné. Mais la Réforme ne peut pas être ignorée, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas la dépasser. La conception de l’église doit être celle d’une Eglise de professants et non celle d’une Eglise multitudiniste.

L’autorité fondamentale de l’Eglise de Jésus-Christ est la Bible, Ancien et Nouveau Testaments, Parole de Dieu à laquelle toute église de professants se soumettra sans réserve. C’est par le ministère de la Parole que la vie spirituelle d’une église entière comme de chacun de ses membres se développe, afin de servir à célébrer sa gloire, la gloire de son seul Chef, le Christ (Eph 1.9-12).

Pour que les anciens sachent dispenser ce ministère de la Parole, il faut qu’ils s’en nourrissent eux-mêmes, qu’ils la connaissent et se l’appliquent, qu’ils la vivent. Tout ancien se doit d’être attaché à la parole authentique telle qu’elle a été enseignée, afin d’être capable d’exhorter selon la saine doctrine et de convaincre les contradicteurs (Tite 1.9).

Tout ancien doit dépendre de l’enseignement non seulement de Christ et des apôtres dont les écrits sont confinés dans le NT, mais aussi de l’enseignement de l’AT, base du NT, les deux inspirés du même Saint-Esprit. Car exhorter selon la saine doctrine présuppose qu’ils la connaissent, qu’ils disposent d’une théologie suffisamment définie, sans quoi le ministère de la Parole n’est que trop souvent qu’un simple partage d’expériences. Là où règne une herméneutique pauvre ou même fausse, le ministère de la Parole ne peut être maintenu avec l’autorité qu’il exige.

Jésus disait à ses porte-parole les disciples : Celui qui vous écoute m’écoute (Luc 10.16). Cela exclut toute légèreté dans l’exercice de la fonction d’ancien, qui doit savoir parler comme de la part du Seigneur, enseigné qu’il est par la parole du Seigneur, connaissant donc la loi de Dieu, qui seule lui confère l’autorité de proclamer Voici ce que Dieu dit ! C’est là une redoutable responsabilité. -A méditer Héb 1.1-4.

3. L’autorité des anciens est de nature spirituelle :

Car ils veillent au bien de vos âmes.

L’autorité du père s’exerce dans la famille, celle du magistrat dans la société, celle des anciens dans l’Eglise. L’autorité de ces derniers peut être exercée seulement sur des personnes nées de nouveau, qui seules voudront se soumettre à l’ordre spirituel, ordre que les incrédules ne sauraient reconnaître. Car l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître (1 Cor 2.14).

Veiller au bien-être des âmes demande une connaissance approfondie des réalités spirituelles et beaucoup de discernement. Encore ne faut il jamais, d’une part, séparer le domaine spirituel de la réalité vécue, ni, d’autre part, oublier que seul l’Esprit de Dieu est en mesure de révéler les réalités par les Ecritures qu’il a lui-même inspirées.

Seul l’ancien qui se soumet entièrement à l’autorité que Dieu exprime par la Bible. d’où il tire toute sa connaissance doctrinale, combien nécessaire, saura exercer une autorité valable dans son église.

4. L’autorité des anciens a un caractère pastoral :

Car ils veillent…

Le but de Dieu, c’est la conformité de tout son peuple à l’image de Christ. Paul voulait rendre tout homme parfait en Christ (Col 1.28).

Dans ce cheminement, la tâche des anciens consiste à accompagner plutôt que dominer il s’agit d’une responsabilité envers les fidèles et non de droits sur eux. Les anciens ont à être sensibles aux besoins de chacun et paître le troupeau avec tact et douceur, tout en déployant de l’énergie et de l’initiative.

Il s’agit parfois de protéger la communauté de menaces qui peuvent surgir de l’extérieur ou se manifester à l’intérieur. La tâche des anciens consiste à veiller à l’unité de l’assemblée pour empêcher toute division.

Le service de chaque ancien a un caractère pastoral, car la vraie autorité est liée au souci des autres. Le but principal des anciens doit être d’amener les croyants à l’âge d’adultes en Christ en les guidant sur le chemin de la maturité spirituelle. C’est une tâche extraordinaire qui demande une grande consécration.

Pour être à la hauteur d’un ministère si exigeant, les anciens ont à prendre modèle sur leurs prédécesseurs tels que l’apôtre Paul, qui se pose lui-même en modèle à imiter (2 Thes 3. l4),indiquant aussi en quoi il veut être imité en parole, en conduite, en amour, en foi, en pureté (1 Tim 4.12). Pierre s exprime ainsi J’exhorte les anciens…, moi ancien comme eux… : Faites paître le troupeau de Dieu.., non en tyrannisant…, mais en devenant les modèles du troupeau (1 Pi 5.1-4).

Paul, Sylvain et Timothée écrivent aux Thessaloniciens, non aux anciens seulement, qu’ils sont devenus leurs imitateurs et ceux du Seigneur (1 Thes 1.6). Paul va jusqu’à exhorter les Ephésiens Soyez donc les imitateurs de Dieu.., et marchez dans l’amour en prenant exemple sur le Christ, qui s’est livré en sacrifice à Dieu (5.1-2).

Finalement, c’est le Christ lui-même qui a institué les anciens, lui le berger et le pasteur de vos âmes (1 Pi 2.25).

5. L’autorité des anciens s’exerce dans un cadre collectif :

Vos conducteurs.

Le terme grec comprend l’idée de gouvernement et évoque un rôle d’autorité. Comme toute autorité, celle des anciens peut devenir dangereuse si elle ne se concentre que sur une ou deux personnes. Même s’il y a, dans une communauté, un serviteur « à plein temps » (p.ex. un pasteur), il doit faire partie du collège des anciens, car la pluralité permet de compenser les faiblesses humaines : les idées peuvent être tempérées, les jugements hâtifs revus et les fausses orientations corrigées. Une église est composée de personnes tellement différentes qu’il serait illusoire de penser qu’un seul responsable, qui a ses limites comme tout le monde, puisse suffire aux besoins de tous.

L’autorité, loin d’être l’apanage d’un seul, incombe donc aux anciens dans leur ensemble. Car la corde à trois brins ne se rompt pas vite (Ecc 4.12). Celui qui ne sait pas travailler en équipe n’est pas propre à servir dans l’Eglise de Jésus-Christ.

Bien entendu, même la pluralité des anciens n’exclut pas le danger de l’autoritarisme. Il peut se créer une oligarchie qui est coupée du corps de la communauté et qui est incapable d’écouter les autres. L’exigence pour un collège des anciens valide réside dans la soumission réciproque (Eph 5.21). La confession mutuelle au sein du collège des anciens peut contribuer à maintenir l’humilité nécessaire et une relation d’estime réciproque. Cela vaut bien entendu pour tous les membres du Corps de Christ.

On peut aussi se demander s’il ne faudrait pas considérer le caractère collégial du ministère des anciens sur un plan plus large que le plan strictement local. Des rencontres d’anciens sur le plan régional, national et international pourraient donner à l’idée de collégialité sa véritable dimension. Lorsque les frontières personnelles et culturelles sont dépassées, il est possible de s’ouvrir à une perspective large et féconde pour la gloire de Dieu.

6. L’autorité des anciens doit pouvoir s exercer dans la joie :

Faites en sorte qu’ils puissent le faire avec joie et non en gémissant, ce qui ne serait pas à votre avantage.

L’ancien qui travaille dans son église avec un sentiment de frustration ne peut en éprouver de la joie. Y a-t-il rien de plus démoralisant que des anciens tristes !

Non, le Seigneur désire que les anciens accomplissent leur tâche dans la joie, sans quoi leur travail ne saurait être profitable. En plus de l’estime entre anciens, il faut que les membres de l’église estiment leurs anciens afin de profiter de leur ministère. Le Corps de Christ a besoin des différents ministères pour son édification (Eph 4.11-13).

C’est à la fois une grâce infinie et une mission redoutable que de pouvoir être, sous l’autorité de Dieu, les instruments de ses bénédictions pour son peuple. Aussi tout bricolage, toute superficialité et toute hypocrisie doivent-ils être exclus. Le jour vient où le travail de chaque ancien, tout comme celui de chaque enfant de Dieu, sera jugé par le Seigneur, car il nous faut tous comparaître devant le tribunal du Christ (2 Cor 5.10); ainsi chacun de nous rend compte pour lui-même (Rom 14.12). La grâce du pardon accordé en vertu du sacrifice de Christ n’est pas une excuse pour mal faire le travail ou mal employer les dons spirituels reçus.

Mais le sérieux de la tâche ne doit décourager personne. Les promesses de Dieu permettent d’entreprendre tout ministère spirituel dans l’espérance et non dans la crainte, dans la certitude du triomphe du Seigneur Jésus-Christ. qui est le fondement de toute autorité.

7. Etre ancien: une belle activité!

Si quelqu’un aspire à la charge d’ancien (surveillant), il désire une belle activité (1 Tim 3.1).

La difficulté, c’est de trouver l’équilibre entre l’autoritarisme et l’indulgence. Il faut vivre sous la croix de Jésus-Christ, où la faiblesse rejoint le pouvoir et où l’humilité épouse l’autorité. Ce n’est que par lui et en lui que l’autorité peut aussi être service pour la gloire du Seigneur.

Ma conclusion, ce sont des QUESTIONS que je soumets à votre réflexion.
1. Si dans l’Eglise l’autorité ne vient pas d’un courant majoritaire, c’est qu’elle vient de Dieu. Mais comment Dieu fait-il connaître à la communauté ceux à qui il veut confier cette autorité ?
2. A qui les anciens sont-ils soumis sur le plan humain ? Y a-t-il un contrôle qui s’exerce sur leur autorité ?
3. Quels sont les aspects pratiques qui montrent que l’exercice de l’autorité dans l’Eglise est différent de l’exercice de l’autorité dans le monde ?
4. Pouvez-vous illustrer par des exemples comment la notion de soumission mutuelle fonctionne dans la communauté ?

Conférence donnée dans le cadre de la Consultation des assemblées d’Europe, en 1985 à St. Légier (suisse)

par PIETRO BOLOGNESI
Professeur de théologie systématique à l’institut biblique évangélique de Rome
Directeur de la revue « Studi di teologia »
Condensé par J-P Schneider
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