Série: La foi chrétienne et le retour au paganisme
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La foi chrétienne et le retour au paganisme (1)

Introduction

L’Eglise Evangélique Baptiste à Lausanne est située à l’Avenue Vinet à deux pas de la clinique La Source. Rappelons qu’Alexandre Vinet (1797-1847) fut une des figures marquantes du Réveil évangélique du XIXe siècle avec, parmi bien d’autres, Agénor de Gasparin (1810-1871), défenseur inlassable de la Bible et fondateur de la clinique et école d’infirmière La Source. Cette église se trouve ainsi entourée de souvenirs se rapportant à ce remarquable mouvement de l’Esprit-Saint qui, au siècle passé, réveilla une partie importante de l’Eglise et amena de nombreuses âmes à Christ. Ce réveil suscita également, autant les oeuvres spirituelles et littéraires d’un Vinet que celles, ecclésiastiques et charitables, de la famille de Gasparin, fruits qui sont la marque de l’action véritable de l’Esprit de Dieu.

Mais aujourd’hui, l’Eglise n’a-t-elle pas pris beaucoup de distance d’un tel christianisme capable, par son seul rayonnement, d’avoir un impact social et culturel aussi vivifiant? A considérer la situation religieuse et culturelle qui nous environne, il nous faut constater que nous sommes aujourd’hui en présence d’un renouveau puissant de l’ancien paganisme. En descendant la rue du Pré du Marché, nous tombons à notre droite sur une toute nouvelle librairie, pimpante et florissante, qui porte le nom de Librairie des Astres et que certains en plaisantant appellent la Librairie Désastre. Car il s’agit d’une librairie exclusivement consacrée à la vente d’ouvrages ésotériques, astrologiques et consacrés aux religions païennes. Prenons un autre exemple de cette invasion des forces obscures. Il y a une vingtaine d’années, un journaliste lausannois, André Marcel, entreprit une enquête sur l’influence des guérisseurs dans notre région et découvrit, à son grand étonnement, qu’on y dénombrait davantage de guérisseurs que de médecins. Une connaissance qui, il y a une dizaine d’années, consultait chaque semaine son astrologue, on pourrait presque dire, de famille, nous disait, comme pour justifier ses pratiques, que la salle de consultation de son voyant préféré ne désemplissait pas et que le téléphone y sonnait sans cesse.

Depuis lors ce phénomène n’a fait que s’amplifier. De nombreux bébés des quartiers populaires de notre ville portent aujourd’hui des amulettes (bracelets de perles magnétisés) peur se protéger contre les maux de dents si fréquents à cet âge; des maîtresses d’école ont même introduit le pendule en classe pour découvrir lesquels de leurs élèves n’avaient pas fait leurs devoirs ou, encore, proposent à des enfants souffrant d’eczéma d’envoyer leur photo à un Monsieur qui la regarderait attentivement et qu’ainsi il ferait partir leur maladie. De tels exemples pourraient sans peine être multipliés.

Ce renouveau du paganisme moderne discernable partout en occident sonne le glas des restes d’une civilisation inspirée par la foi chrétienne. Le Réveil évangélique du XIXe sièc1e que nous venons d’évoquer, fut la dernière occasion dans notre pays où un renouveau spirituel soit parvenu à marquer, de façon publique durable, la vie même de notre civilisation. Dans notre ville, la Librairie des Astres n’est pas unique en son genre. Lorsque je vins pour la première fois à Lausanne en 1960, il est vrai, l’on pouvait y trouver des ouvrages ésotériques, mais à cette époque ils subissaient le même sort que celui réservé aux publications pornographiques: ces dernières étaient peu nombreuses et étaient reléguées aux rayons inaccessibles au public, ou dans des endroits peu fréquentés des librairies. Aujourd’hui, les choses sont bien différentes. Partout les ouvrages occultes les plus dangereux sont parfaitement disponibles, s’étalant sans honte aucune au grand jour, manifestant ainsi, à qui veut bien le remarquer, l’immense intérêt du public pour une spiritualité foncièrement païenne. Ce changement si profond s’est produit dans une période relativement courte, au cours des années soixante. Il s’agissait d’un verrou culturel qui sautait, effondrement qui affectait bien d’autres secteurs que celui de l’intérêt pour l’ésotérisme. Dans le domaine analogue de la pornographie, l’auteur de romans policiers Frédéric Dard (San Antonio) exprimait, dans un entretien avec l’évêque Mamie de Fribourg, son inquiétude et son désarroi face au fait que, pendant ces années cruciales, les exigences de ses éditeurs s’étaient radicalement modifiées. Avant, on lui reprochait l’excès de verdeur de son langage; après, de ne pas y aller assez fort dans la vulgarité et l’obscénité.

Henri Bergson (1859-1941), philosophe français d’origine juive, appelait de ses voeux sur notre civilisation, un supplément d’âme apte à combler le vide laissé par une culture matérialiste, rationaliste et mécanique, ayant résolument tourné le dos aux valeurs spirituelles (1). Mais de quelle spiritualité pouvait-il donc s’agir? Rappelons simplement ici, comme avant-goût de ce qui nous attend dans la suite de cette étude, ces paroles du beau-frère de Bergson, Samuel Mathers, fondateur de l’ordre secret de l’Aurore sacrée (Golden Dawn), composé exclusivement de Francs-Maçons et de Rosicruciens de haut grade. Il évoque les expériences spirituelles très particulières que suscitèrent en lui ce supplément d’âme que son beau-frère souhaitait pour régénérer notre civilisation:

«En ce qui concerne les Chefs Secrets (…), je ne les ai que très rarement vus dans leur corps physique (…). Je sentais que j’étais en contact avec une Force si terrible (…) que j’éprouvais une grande difficulté à respirer (.. .); je passais par des sueurs froides, saignement de nez, de la bouche et parfois même des oreilles» (2).

Plus près de nous, André Malraux, tout athée et marxiste qu’il était, proclamait un peu pompeusement: « Le XXIe siècle sera religieux, ou il ne sera pas.» Le supplément d’âme et le renouveau religieux sont aujourd’hui avec nous, mais d’où viennent-ils’? Sont-ils païens ou sont-ils chrétiens?

Mes différents exposés forment un tout. Je traiterai d’abord du combat victorieux de l’Eglise de Dieu contre le paganisme, en premier lieu dans la Bible, puis dans l’histoire de l’Eglise. Ensuite j’examinerai le renouveau du paganisme dans l’histoire de l’Occident: enfin je porterai mon attention sur ce qu’on appelle aujourd’hui le Nouvel Age, qui n’est en réalité rien d’autre que le prolongement, sous une forme moderne, du paganisme antique. Ma conclusion cherchera à définir la voie que trace la Bible pour un retour à un christianisme qui saura manifester à nouveau aux yeux de tous la victoire acquise par Jésus-Christ à Golgotha sur toutes les forces de l’enfer. Il s’agit du retour à un christianisme ne se contentant pas seulement de l’apparence de la piété, mais en détenant également la force, force qui, nous dit la Bible, est faite de deux éléments inséparables: une foi véritable en Jésus-Christ, Sauveur et Seigneur; et le fruit d’une telle foi, l’obéissance, certes imparfaite mais grandissante, aux commandements de Dieu. Cette obéissance et cette foi, nous dit la Bible, sont victorieuses du monde, aujourd’hui encore capables d’enfoncer les portes de l’enfer et de renverser toutes les citadelles de Satan.

A. Les étapes du combat biblique contre le paganisme issu de la chute

1. La chute (3)

Le conflit entre la foi véritable et les religions inventées par la vaine imagination du coeur corrompu de l’homme, commence avec la tentation d’Eve et la chute de la race humaine. Pour comprendre le nouveau paganisme – ce nouvel âge dont on commence à parler dans nos pays francophones – il nous faut d’abord comprendre comment la Bible elle-même différencie la foi de l’alliance établie par le Dieu trinitaire avec son peuple, des religions innombrables que les hommes s’inventent pour échapper à la souveraine autorité de Dieu. Rappelons le dialogue entre Eve et le serpent (4):

La femme dit au serpent: «Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.»

Alors le serpent dit à la femme: «Vous ne mourrez pas du tout! Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal» (Gen 3.2-5).

 

Vous connaissez la suite du récit. La femme mangea du fruit défendu et en donna à son mari, qui n’osa s’opposer à son épouse. Par cet acte le péché entra dans le monde, et par le péché la mort. Mais ce qui nous intéresse plutôt ici, c’est la tactique employée par le diable, tactique qui au cours de l’histoire n’a jamais varié, ce que nous verrons clairement par la suite. Nous pouvons ici en discerner quatre étapes:
a) I apparaît à la femme, non sous sa propre forme, mais déguisé sous les apparences d’une des bonnes créatures de Dieu. Le diable est un expert en camouflage.
b) Il affirme que la parole de Dieu est fausse, que Dieu a menti à l’homme en lui imposant une restriction, un interdit.
c) Il promet que par la connaissance initiatique l’homme pourra accéder à un état supérieur où il connaîtra le bien et le mal indépendamment de la parole de Dieu.
d) Il affirme que l’homme obtiendra ainsi la capacité de devenir Dieu lui-même; il s’agit de la divinisation de l’homme par une connaissance supérieure.

 

Nous retrouverons tous ces éléments dans le paganisme de toutes les époques et, tout particulièrement, dans le néo-paganisme de ce qu’on appelle abusivement aujourd’hui le nouvel âge.

2. Le meurtre d’Abel

Dans l’opposition et la jalousie de Caïn pour Abel, nous voyons la première escarmouche dans le combat millénaire entre la vraie foi et la religion fabriquée par l’homme.

Au bout d’un certain temps, Caïn apporta des fruits du sol comme offrande à l’Eternel. Abel lui aussi, apporta des premiers-nés de son petit bétail avec leur graisse. L ‘Eternel porta un regard favorable sur A bel et sur son offrande; mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn, ni sur son offrande. Caïn fut irrité, et son visage fut abattu (…). Gain adressa la parole à son frère Abel, et comme ils étaient dans les champs, Caïn se dressa contre son frère et le tua (Gen 4.3-8).

La question qui se pose ici à nous est la suivante: pourquoi Dieu approuva-t-il le sacrifice d’Abel et rejeta-t-il celui de Caïn? Certes, comme nous dit le texte, la vie d’Abel était approuvée de Dieu, tandis que Caïn portait ses désirs vers le mal. Mais le texte va beaucoup plus loin. Caïn apportait à Dieu le fruit de son travail, tandis qu’Abel, lui, offrait à Dieu en sacrifice des premiers-nés de son petit bétail avec leur graisse. Le sacrifice d’Abel préfigurait les sacrifices du Tabernacle et du Temple, qui parlent tous, typologiquement et prophétiquement, du sacrifice de Jésus-Christ à la croix pour nos péchés. Abel voyait sa justice en l’oeuvre à venir de l’Agneau de Dieu et par sa foi en ce sacrifice à venir, il fut justifié, déclaré juste par Dieu. Par contre Caïn voulait se justifier lui-même par le sacrifice de ses propres oeuvres, passant ainsi à côté d’une prise de conscience du caractère radical de son péché, si profond, en fait, qu’aucune oeuvre ayant sa source en lui-même n’était capable de le rendre juste devant Dieu.

Pour être bref, le sacrifice d’Abel représente le salut par la foi nue en l’unique sacrifice ultime de Jésus-Christ à la croix, qui lui seul peut ôter les péchés du monde. Le salut vient de Dieu, il est pure grâce, c’est Emmanuel, Dieu avec nous, et non, comme l’entendait Caïn, nous avec Dieu. Par contre Caïn imaginait que ses oeuvres religieuses pouvaient lui permettre de combler l’abîme qui le séparait de Dieu. A la place de la justification par la foi en l’unique sacrifice du divin Médiateur, il mettait sa propre justification, obtenue par l’offrande à Dieu du travail de ses mains. Abel préfigure l’Eglise de Dieu qui met toute sa confiance en l’oeuvre extrinsèque du Seigneur Jésus-Christ. Caïn préfigure toutes les religions non-chrétiennes – le judaïsme apostat, l’Islam et toutes les religions païennes -, qui se fondent sans exception sur les efforts de l’homme pécheur pour combler le gouffre qui le sépare de Dieu.

Nous verrons par la suite qu’une des marques dominantes du renouveau actuel du paganisme est son insistance constante sur la nécessité d’accomplir certaines oeuvres – expériences, initiations, privations, disciplines, techniques, etc. – pour rétablir une communion perdue avec la divinité. Sur le plan profane, un tel salut par l’effort de l’homme s’exprime très clairement dans la symbolique maçonnique (l’équerre et le compas), instruments qui permettent de faire la vérité dans la loge rassemblée en atelier, ou dans celle du communisme (marteau et faucille), où l’homme se crée lui-même par son travail. Dans la dialectique marxiste, l’homme n’est pas; il se fait par son travail, il est son propre créateur. Ce que fait une nature divinisée dans l’évolutionnisme darwinien est attribué à l’homme dans le marxisme. C’est parce qu’ils partageaient la vision marxiste d’un salut opéré par les oeuvres d’une religion sécularisée, que les nazis furent conduits à reprendre pour leur compte la pratique communiste d’une ré-éducation (c’est-à-dire une recréation) des aliénés sociaux, des perdus, par le travail forcé des camps de concentration. Ils affichèrent publiquement leur but sotériologique (qui concerne la doctrine du salut) en plaçant au-dessus des portails de ces machines à salut que sont toujours les goulags, le slogan «Arbeit macht frei» (le travail libère). L’usage, si répandu depuis une quinzaine d’années, du mot atelier pour désigner un groupe de discussion montre clairement à quel point l’idéologie des loges a pénétré et façonné même le langage évangélique. Et nous savons fort bien que les glissements de sens précèdent presque toujours des dérapages doctrinaux et pratiques.

Jean-Marc Berthoud
(1) Jacques Maritain: La philosophie bergsonienne Marcel Rivière, Paris. 1914
(2)
Dave Hunt: Peace, Prosperity and the Coming Holocaust Harvest House, Oregon, 1983, citant: Louis Pauwels et Jacques Bergier: Le matin des magiciens Gallimard, Folio, Paris, 1988 (1960), p. 343 >
(3) Sur le récit de la chute, le meilleur commentaire reste celui de: Edward J. Young: Genesis 3. A Devotional and Expository Study Banner of Truth, Edinburgh, 1983 (1966)
Nous recommandons les commentaires modernes suivants:
H. C. Leupold: Exposition of Genesis Evangelical Press, London, 1972 (1942)
G. Ch. Aalders: Genesis Zondervan, Grand Rapids, 1981, 2 vol.
James Montgomery Boice: Genesis. An Expositional Commentary Zondervan, Grand Rapids, 1982, 3 vols.
(4)Nous citons partout la Nouvelle version Segond révisée, dite Bible à la Colombe, Alliance Biblique Universelle, 1978

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Série : La foi chrétienne et le retour au paganisme
Berthoud Jean-Marc
Jean-Marc Berthoud est le président de l’Association Vaudoise de parents chrétiens. Il est l’auteur de nombreux livres sur la défense de la foi chrétienne face à la montée de la sécularisation et du modernisme.