Série: Le Saint-Esprit donné
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Le Saint-Esprit donné (3)

Rappel de l’introduction

Les réflexions qui paraissent et paraîtront sous ce titre s’inspirent du magistral ouvrage de Frederick Dale Bruner: «A Theology of the Holy Spirit – The Pentecostal Experience and the New Testament Witness» (Une théologie du Saint-Esprit – L’expérience pentecôtiste et le témoignage du NT), Hodder & Stoughton, London 1970, 390 p. A ceux qui savent l’anglais, nous ne pouvons que chaleureusement en recommander la lecture. Ce livre est aussi actuel aujourd’hui qu’au jour de sa publication.

La réception du Saint-Esprit est devenue sujet à controverse depuis l’apparition du pentecôtisme en 1906 à Los Angeles avec son prolongement charismatique dans les années soixante. Il est impératif que l’Eglise soit édifiée, aussi en ce qui concerne ce point primordial, uniquement sur la base de l’Ecriture sainte, l’expérience ne pouvant être un fondement valable, pour deux raisons: elle n’est jamais normative; étant subjective, elle n’est pas nécessairement authentique quant à son origine et ses manifestations

II. Les moyens de l’Esprit

B. L’écoute de la foi

1. L’enseignement du NT

a) L’apôtre Paul posait cette question aux chrétiens de la Galatie (3.2): Est-ce en pratiquant la loi que vous avez reçu l’Esprit, ou en écoutant avec foi?

Le terme «écouter» a en grec la connotation de «rapport message». Or le message est objectif, alors que l’écoute est subjective. Ainsi donc, le message de l’évangile exige la foi, mais comme il est plus que la loi, il donne aussi la foi exigée. C’est un message-écoute de foi: la foi vient avec le message.

Dans l’introduction de sa lettre aux Romains, Paul nomme l’Evangile un message où Dieu s ‘y révèle par la foi et pour la foi (1.17). Cela revient à dire que, non seulement le don de Dieu est reçu par la foi initialement, mais qu’il est toujours reçu «pour» la foi (afin de susciter la foi).

Autrement dit: Dieu nous donne sa justice et son acceptation, son Esprit et sa présence – et ceci continuellement -, non pas en réponse à un quelconque effort de notre part, aussi louable qu’il soit, mais en réponse à notre foi.

b) Pour nous faire comprendre ce qu’est la foi, Paul la met constamment en contraste avec les oeuvres de la loi. La foi est présentée comme le contraire de l’oeuvre. La foi est quelque chose que Dieu fait, que Dieu nous met à même de faire, quelque chose qui est reçu sans qu’il n’y ait ni mérite ni «faire» de notre part. Voilà pourquoi Paul parle de la foi de Jésus-Christ (selon le texte grec; c’est une foi qui vient donc de Jésus).

La déduction est contraignante: si la foi émane de Dieu par l’écoute de l’Evangile, elle est l’oeuvre et le don de Dieu. Aux Galates, qui voyaient en la foi un acte humain, Paul décrit la foi comme étant venue à eux (3.25). Paul combattait ainsi l’idée que pour avoir la plénitude, il fallait la foi et l’obéissance, ce qui mettait en cause la toute-suffisance de la foi comme unique base pour la justification (Rom 5.1) et comme source effective des oeuvres bonnes.

Il fallait ensuite que l’apôtre Paul se défende contre l’accusation que, par sa doctrine de la foi seule, il préconisait en fait l’immoralité. Non! dit Paul; car si la foi est suffisante, c’est justement parce qu’elle identifie le croyant avec Christ, qui est pleinement suffisant pour garder le croyant de toute immoralité. Voici comment Paul explique cela aux Galates (2.20; 3.11-14):

Je suis crucifié avec Christ (le vieil homme pécheur est mort), et ce n ‘est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi (identification: réception de la vie de Christ, qui est éternelle); ma vie présente dans la chair je la vis dans la foi au Fils de Dieu (pas question de s’abandonner au dérèglement moral)… Le juste vivra par la foi (Sa Vie correspond à la vie de Christ, qui nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous… afin que… par la foi, nous recevions la promesse de l’Esprit).

c) Significatif aussi est le fait que dans l’écoute de la foi, le Saint-Esprit entre par le plus passif des organes majeurs de la personne: l’oreille, qui ne crée ni n e-met rien, qui ne fait que recevoir ce qui lui est donné. Du côté humain, l’écoute de la foi est la seule et unique condition pour recevoir le don de Dieu; ce n’est pas quelque chose qu’on fait. L’écoute de la foi est rendue possible par la présence du message de la foi.

Comme toutes les conditions pour la réception de l’Esprit furent remplies par l’oeuvre de Christ en dehors de nous-mêmes, et comme le moyen utilisé par l’Esprit est le message de l’oeuvre de Christ qui nous atteint par la parole d’autrui, de même l’écoute qui reçoit le don rendu possible par l’oeuvre de Christ n’a pas besoin de faire appel à une puissance engendrant la foi, autre que la puissance inhérente en le message de la foi. C’est là toute la gloire de l’Evangile: il n’est pas seulement une parole concernant le salut; il est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit (Rom 1.16).

Dieu dispense son Evangile non en vue d’une action, mais en vue de l’écoute de la foi – de la «foi-écoute» -‘et même cette écoute, il la donne.

2. Conséquences d’une doctrine erronée

a) La foi vue comme une oeuvre

L’erreur cruciale de la doctrine pentecôtiste aussi bien que charismatique consiste à faire de la foi un accomplissement nécessaire pour recevoir l’Esprit en récompense. Ralph M. Riggs écrit dans «L’Esprit lui-même» (1949), après avoir précisé que le Saint-Esprit est reçu comme un don absolument gratuit: «Nous n’avons qu’à étendre notre main dans la foi, nous saisir de lui, nous l’approprier et le recevoir comme nous appartenant.»

Les trois expressions soulignées annulent l’affirmation du don gratuit, puisque la foi elle-même est le prix par lequel il est obtenu. On trouve toujours à nouveau l’idée erronée que «plus nous convoitons le don de Dieu, plus nous sacrifions pour l’obtenu; plus nous l’apprécierons une fois que nous l’avons obtenu».
 Selon cet enseignement, ce n’est pas la foi hormis les oeuvres, mais la foi après les oeuvres: «D’abord il faut être en ordre avec Dieu. Ensuite (!) nous cessons de faire des efforts et nous lui demandons le don que nous recherchons. Il attend que nous en arrivions là.» Encore une fois, c’est l’idée que Dieu attend et que l’homme agit.

Selon le NT, Dieu lui-même établit une relation «en ordre» avec lui par Christ, et ceci à l’exclusion de nos efforts et non en conséquence de ceux-ci. C’est Dieu qui vient à l’homme avec son don par l’Evangile, et non les hommes qui viennent quémander auprès de Dieu. Qui a donné le premier pour qu’il ait à recevoir en retour? Tout est de lui, par lui et pour lui! (Rom 11.35-36).

S’il faut d’abord faire quoi que ce soit avant de pouvoir recevoir le don de Dieu, il cesse d’être un don, il devient un dû. La foi authentique produit les oeuvres bonnes, comme le disent Paul, Jacques, les autres apôtres et les réformateurs avec eux.

Luther écrivait ces paroles bien connues dans sa préface à l’épître aux Romains: «O! la foi est une chose vivante, active, puissante, de sorte qu’il est impossible qu’elle ne produise pas continuellement ce qui est bien. La foi ne demande pas s’il y a des bonnes oeuvres a faire, mais avant qu’on puisse demander, la foi les a déjà faites.»

b) La foi vue comme une appropriation

Voici l’argument dont se sert le raisonnement fallacieux: Il est vrai que le don de Dieu n’est reçu que par la foi, tout comme, dans un certain sens (?), l’Esprit. Il est pourtant aussi nécessaire de faire un second acte de foi pour s’approprier entièrement (?) le Saint-Esprit, afin d’obtenir puissance, sanctification, victoire et la plénitude de l’Esprit. Car par la première foi n’ont été obtenus que grâce, justification et pardon des péchés.

Il y aurait donc une foi ayant pour objet Jésus-Christ en vue du salut, et une foi ayant pour objet le Saint-Esprit en vue de la puissance et de la consécration; cette seconde foi serait nécessaire parce que le don de Dieu exigerait une «appropriation». Il faut en déduire qu’il y aurait une foi (la première) procurant la grâce sans puissance.

La raison principale qui est avancée pour expliquer que le don reçu par la foi primaire serait insuffisant n’est pas l’insuffisance de Christ (qu’on ne veut pas dénigrer), mais l’insuffisance d’appropriation du croyant. «Appropriation» a le sens de «faire d’une chose sa propriété, acquérir une chose». C’est justement ce que la foi en Dieu n’est pas: «faire» plutôt que recevoir. Un don qu’on doit acquérir, qu’on doit «faire sien», n’est plus simplement reçu comme une grâce; il devient le résultat d’un effort. Ainsi l’oeuvre du salut est en fin de compte transférée de Dieu à l’homme, quelle que puisse être l’orthodoxie de ce qui précède l’acte d’appropriation.

Quand l’appropriation prend la place de la réception, il s’agit peut-être bien d’une oeuvre intentionnellement pieuse, mais ce n’est plus ce que le NT entend par la foi.

c) La foi vue comme un absolu

Finalement, la foi est souvent synonyme d’un abandon total. L’argument est le suivant: De même que l’on est justifié, ré généré et sanctifié par la foi, de même on doit recevoir le baptême du Saint-Esprit par la foi, pour autant qu’on se soit abandonné à Dieu en tous points.

En fait, on sépare la justification et la sanctification puisque, avant qu’on puisse vraiment recevoir le Saint-Esprit, il faudrait obéir totalement à l’exigence de l’abandon «en tous points».

Cela est exprimé clairement par Wade Horton: «Personne ne peut recevoir ou maintenir l’expérience pentecôtiste s’il n’obéit pas à toute la volonté de Dieu… Seulement une fois que le croyant s’est entièrement consacré et a obéi pleinement, l’Esprit entrera; une fois donc que toutes les conditions auront été remplies» («Pentecost Yesterday and To-day», 1964). Dans ces conditions, l’Esprit n’entrera jamais, puisque le croyant est laissé à lui-même pour opérer une consécration totale sans l’Esprit, ce qui lui est évidemment impossible.

Même si le langage utilisé par le pentecôtisme relève de la pure piété quand il parle de l’abandon à Dieu et de la consécration chrétienne, il ne s’agit plus de la foi néotestamentaire dans sa simplicité. Car les absolus d’abandon et de consécration exigés par la doctrine pentecôtiste appellent les chrétiens, non à la grâce en Christ, mais à une recherche acharnée et futile de trouver dans leur coeur des absolus qui n’y sont pas.

La foi telle qu’elle est définie par le NT est souveraine et suffisante. Elle est évoquée avec concision par Luther: «Crois et tu l’as reçu» («Glaubst du, so hast du»). C’est la doctrine du NT dans sa pureté. Aussitôt qu’on y ajoute: «Crois absolument (abandonne-toi, livre-toi, vide-toi) et tu l’auras» (langage d’apparence ultra-pieuse), on replace le croyant sous le poids de la loi et de l’impossible. Ce n’est certes pas par hasard que l’apôtre Paul ne lie jamais la foi à un adjectif ou un absolu.

3. Observations supplémentaires: «La foi seule» dans l’Evangile de Jean

Nous terminons nos réflexions sur la parfaite suffisance de la foi en Christ que le NT connaît par un texte de l’Evangile de Jean.

 Voici l’annonce programmatique dans Jean 7.37-39:

Le dernier jour, le grand jour de la fête, Jésus debout s ‘écria: Si quelqu ‘un a soif qu ‘il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Ecriture. Il dit cela de l’Esprit qu ‘allaient recevoir ceux qui croiraient en lui; car l’Esprit n ‘était pas encore donné, parce que Jésus n ‘avait pas encore été glonfié.

La foi en Jésus a pour résultat le don du Saint-Esprit. C’est l’enseignement unanime, clair et simple du NT. La foi en Christ et la réception de l’Esprit sont corrélatives. La foi n’est jamais «en l’Esprit»; ici elle est deux fois en Jésus. Pour recevoir le Saint-Esprit, Jésus-Christ est le seul objet de la foi; c’est toujours par la foi que Christ est reçu.

Le texte cité enseigne aussi que l’Esprit donné en réponse à la foi n’est nullement anémique; au contraire, il coule du croyant comme des fleuves d’eau vive.

N’y voir qu’un filet d’eau sans puissance fait bien peu de cas de la foi en Christ. Car la formulation pentecôtiste dit: la foi en Christ mène à la vie, alors que la foi ultérieure en l’Esprit résulte en puissance spirituelle, attestée par «le parler en langues». Mais selon Jean 7, la foi en Jésus ne produit pas seulement un filet d’eau propre à humecter la langue du croyant; au contraire, celui-ci reçoit du Christ aussi bien l’existence et la vivification spirituelle que la puissance spirituelle, donc aussi la puissance nécessaire au service.

Si la foi en Jésus ne confère pas la pleine réception de l’Esprit, comment le croyant saurait-il s’abandonner, se consacrer, faire toutes sortes de sacrifices, puis avoir une foi suffisante pour recevoir la «plénitude de l’Esprit» (le «baptême du Saint-Esprit»)? Ce n’est que parce que l’Esprit a été pleinement reçu qu’abandon, consécration et sacrifices sont possibles. Sinon, il s’agit d’une parodie de l’Evangile de la grâce.

La foi toute simple en Christ reçoit de Dieu tout ce qu’il a à donner. La foi qui ne repose pas sur ce principe rend l’Evangile inopérant.

En conclusion, voici encore une affirmation de Luther, citée par Karl Barth dans «Der Heilige Geist und das christliche Leben» (Le Saint-Esprit et la vie chrétienne): «Dieu ne veut pas nous voir donner notre confiance ou vouer notre coeur à quoi que ce soit d’autre, quelque saint ou rempli d’Esprit que ce soit, qu’à Christ seul dans sa parole.»

Responsable de la traduction-adaptation du texte de Bruner:
J.-P. Schneider

Au prochain numéro: III. Un seul baptême

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