Dossier: Préparer son avenir
Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page

Abraham prépare son avenir par la foi

Abraham occupe dans la Bible une place de choix : dépositaire de promesses inconditionnelles de Dieu, chef de la lignée à l’origine du peuple d’Israël, héros de la foi. Dans la liste des hommes et femmes de foi en Hébreux 11, l’expression « par la foi » introduit quatre rappels que Dieu se plaît à faire de la vie d’Abraham et de Sara. En mettant en parallèle les textes historiques de la Genèse et les réminiscences de l’Épître aux Hébreux, nous verrons que, dans ces quatre occasions, Abraham a compris, par la foi, qu’il devait laisser quelque chose pour son Dieu et que cet abandon était paradoxalement la meilleure façon de préparer son avenir. Et sa foi va même plus loin, jusqu’à entrevoir son avenir éternel.

  1. Par la foi, Abraham… laisse son pays et sa parenté

« C’est par la foi qu’Abraham, lors de sa vocation, obéit et partit pour un lieu qu’il devait recevoir en héritage, et qu’il partit sans savoir où il allait. » (Hébreux 11.8)

Dieu avait appelé Abraham alors qu’il vivait à Ur, en Chaldée, au milieu d’une civilisation brillante et évoluée : « Quitte ton pays et ta famille, et va dans le pays que je te montrerai. » (Act 7.3) Abraham obéit… mais en partie seulement. C’est son père qui prend l’initiative du voyage et qui part avec Abraham, sa femme et Lot, l’un de ses petits-fils (Gen 11.31). Abraham laisse bien son pays, mais pas sa parenté.

Le point de départ de notre vie de foi est toujours le même : quitter notre « pays », c’est-à-dire laisser moralement derrière nous le monde dans lequel nous avons vécu jusque-là pour aller vers l’inconnu, en suivant l’appel de Dieu. Pour certains, cet abandon peut coûter cher : les avantages matériels et intellectuels d’Ur étaient incomparablement plus grands que la vie précaire d’un nomade. Se décider pour Dieu, c’est donc faire le choix de partir pour un pays inconnu ; mais parce que c’est Dieu, le « Dieu de gloire », qui nous y appelle, nous y allons.

La famille d’Abraham ne va pas jusqu’au pays promis, mais elle s’arrête à Charan, à mi-chemin entre Ur et Canaan, jusqu’à la mort du père. Alors Dieu dit à Abraham, non plus : « Viens », mais : « Va-t’en » (Gen 12.1) ! Pour pouvoir progresser sur le chemin de la foi, Abraham doit aussi laisser sa parenté.

Pour ceux d’entre nous qui ont eu des parents chrétiens, et donc une enfance protégée, il est souvent moins difficile de laisser notre « pays » ; mais nous avons aussi à apprendre un jour à ne plus compter sur nos parents pour avancer sur le chemin de la foi. Il nous faut devenir autonomes et avoir désormais une relation directe avec Dieu. Par exemple, notre lecture de la Bible devient personnelle et ne se limite plus à la lecture en famille ou aux réunions. Nous laissons le confort d’appuis familiaux qui nous ont été très utiles pendant un moment, pour aller seuls vers l’inconnu. Mais comme pour Abraham, une riche bénédiction nous attend.

  1. Par la foi, Abraham… laisse les richesses

«C’est par la foi qu’il vint s’établir dans la terre promise comme dans une terre étrangère, habitant sous des tentes […]. Car il attendait la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur. » (Hébreux 11.9-10)

Abraham est parti d’une des plus riches cités de l’époque pour devenir nomade. Après une fâcheuse expérience en Égypte, voilà Abraham devenu très riche. Comme souvent lorsque vient l’abondance, les difficultés arrivent : ses bergers et ceux de son neveu Lot se disputent. Abraham a une sage réaction et propose à Lot qu’ils se séparent. Contrairement à l’ordre normal, c’est lui, l’aîné, qui laisse le plus jeune choisir. Notons bien qu’Abraham n’a pas choisi la montagne ; il laisse Dieu choisir pour lui, sans craindre de se retrouver dans la plaine. Il est libre face au choix de son neveu (Gen 13.9). Le drame pour Lot n’est pas de choisir la plaine mais vient du motif de son choix : il regarde à l’apparence matérielle (la plaine est bien arrosée) plutôt qu’à la portée spirituelle de son acte (il va aller vivre à proximité de « grands pécheurs contre l’Éternel »).

Plus tard, alors que le patriarche demeure toujours dans des tentes, Lot habite à Sodome, où il est pris dans les agitations politiques du moment (Gen 14.12). Abraham le délivre et se voit offrir à nouveau des richesses par le roi de Sodome. Va-t-il, lui aussi, succomber, cette fois-ci ? Non, il reste à la fois ferme (il refuse tout butin) et juste (il réclame une part pour ses compagnons de bataille). Derrière les questions matérielles, il discerne un enjeu spirituel. C’est alors que Dieu se présente devant lui comme sa richesse suprême : « Je suis ta très grande récompense. » (Gen 15.1, Darby)

Lorsque nos biens matériels sont en jeu, que ce soit par rapport à d’autres frères dans la foi (Gen 13), ou à des incrédules (Gen 14), savons-nous montrer le même désintéressement, la même fermeté, la même liberté qu’Abraham pour laisser le choix à Dieu ? Ou bien notre vision spirituelle est-elle appesantie par notre attachement excessif aux choses matérielles ou par la peur de manquer dans le futur ? Ne nous leurrons pas : si notre échelle des valeurs personnelle ne nous fait pas d’abord considérer Dieu et les « insondables richesses » qu’il nous donne en Christ comme nos seuls biens « meilleurs et qui durent toujours » (Héb 10.34), nous risquons de manquer de foi au moment de prendre une décision. Abraham attendait la cité céleste ; c’est pourquoi il pouvait facilement laisser les richesses terrestres. Est-ce notre cas ?

  1. Par la foi, Abraham… laisse sa femme libre

«C’est par la foi que Sara elle-même, malgré son âge avancé, fut rendue capable d’avoir une postérité, parce qu’elle crut à la fidélité de celui qui avait fait la promesse. » (Hébreux 11.11)

Une nouvelle étape s’ouvre dans la vie du patriarche : Dieu scelle avec lui son alliance par le signe de la circoncision. De plus, il change son nom : Abram (père élevé) devient Abraham (père d’une multitude). Il ajoute ensuite : «Tu ne donneras plus à Saraï, ta femme, le nom de Saraï; mais son nom sera Sara. » (Gen 17.15) Certains traducteurs font remarquer que l’infime différence d’orthographe entre ces deux noms est riche de sens : Saraï (ma princesse) devient Sara (princesse).

Jusque-là, Abraham considérait sa femme comme sa possession. Certes, il l’estimait et la trouvait très belle (Gen 12.11), mais au même moment il n’hésitait pas à la prostituer auprès du Pharaon pour assurer sa propre sécurité (Gen 12.19) ! Aussi n’est-ce pas directement à Sara, mais à son mari que Dieu annonce ce second changement de nom. C’est Abraham qui a besoin de voir sa femme sous un nouveau jour : non, elle n’est pas qu’à lui ; elle a une valeur personnelle pour Dieu et une autonomie quant à sa vie de foi, elle aussi.

Le Nouveau Testament se fait l’écho de ce changement et cite deux traits remarquables de cette femme : sa foi (le verset cité en en-tête) et sa soumission (1 Pi 3.6). En comparant le récit de la Genèse avec ce témoignage de l’Épître aux Hébreux, on est peut-être un peu surpris, car Sara semble avoir montré davantage d’incrédulité que de foi (Gen 18.12-15). Mais Dieu a œuvré dans son cœur et lui a donné la force, à près de cent ans, de mener à terme une grossesse : quelle prouesse ! Son rire d’incrédulité s’est changé en un rire de joie qu’elle veut faire partager (Gen 21.6). Illuminée par sa maternité, c’est elle qui y verra clair pour chasser Ismaël (Gen 21.12).

Ces récits nous parlent, maris chrétiens : comment considérons-nous notre femme ? comme notre possession ? comme quelqu’un dont la vie spirituelle dépend nécessairement de la nôtre ? Ou bien lui laissons-nous son autonomie de chrétienne à part entière, dont le discernement est parfois bien meilleur que le nôtre ? Abraham a dû attendre des décennies de vie commune avant de recevoir cette leçon ; essayons de la comprendre à notre tour et préparons-nous ainsi une suite de vie de couple enrichie.

  1. Par la foi, Abraham… laisse son fils

« C’est par la foi qu’Abraham offrit Isaac, lorsqu’il fut mis à l’épreuve, et qu’il offrit son fils unique, lui qui avait reçu les promesses, et à qui il avait été dit : En Isaac, tu auras une postérité appelée de ton nom. Il pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les morts ; aussi, il retrouva son fils, ce qui est une préfiguration. » (Hébreux 11.17-19)

Un jour, la voix divine, familière, se fait entendre à Abraham avec un message surprenant : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste. » (Gen 22.2) Nous laisserons de côté la portée symbolique de ce récit, qui préfigure de façon si saisissante le sacrifice du Fils de Dieu, pour nous intéresser aux relations entre Abraham et Isaac. On peut s’étonner que Dieu ne désigne pas d’abord Isaac par son nom ; au contraire, il met en avant la relation d’Abraham avec lui : « ton », « ton », « tu » : Dieu lui demande d’offrir ce qu’il a de plus précieux. Quant au « va-t’en », ne lui en rappelle-t-il pas un autre, environ 40 ans avant (Gen 12.1) ? De la même manière qu’Abraham, au début, avait dû laisser sa parenté, il doit maintenant laisser son fils.

La foi d’Abraham atteint ici son point culminant : sans hésiter, il obéit. Nous connaissons bien sûr l’issue de cet épisode, mais Abraham, lui, ne la connaissait pas ! Il est persuadé que Dieu le conduira jusqu’au bout, et c’est la perspective de la résurrection possible de ce fils de la promesse qui le soutient dans cette épreuve. Et c’est seul qu’il revient vers ses serviteurs (Gen 22.19). Son fils est devenu autonome.

Notre foi est-elle assez forte pour, le moment venu, laisser nos enfants devenir autonomes ? Comptons-nous sur la puissance de Dieu qui peut les garder dans le futur bien mieux que nous le ferions et tout autant qu’il nous a gardés nous-mêmes ? Ne cherchons pas à faire dépendre leur avenir de nous, mais laissons-les aller vers l’autonomie, même si cette séparation nous coûte forcément.

  1. Par la foi, Abraham a entrevu son avenir éternel

Les promesses de Dieu à Abraham tournaient autour 1° d’un pays promis à sa descendance, la terre de Canaan qui deviendra le pays d’Israël et 2° d’un héritier promis, son fils Isaac. Mais la foi d’Abraham lui a permis d’entrevoir un avenir qui allait bien au-delà d’un territoire physique et d’une descendance immédiate.

Loin de se limiter à la perspective de voir ses descendants posséder la terre où il avait planté sa tente (Gen 13.15), il attendait une patrie céleste, « la cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l’architecte et le constructeur » (Héb 11.10,14,16). Il se considérait comme « étranger et voyageur sur la terre », un pèlerin dont la destinée allait bien au-delà du tangible, vers l’invisible, vers la cité préparée, vers Dieu lui-même. Ses descendants physiques, qui se disputent tant le territoire où Abraham a vécu, devraient reconsidérer la perspective qui fut celle de leur ancêtre.

De même, la promesse d’un fils tant attendu s’élargissait pour Abraham à une seule descendance, en qui se réaliseraient les promesses de bénédiction universelle que Dieu lui avait faites : Christ (Gal 3.16). Jésus a affirmé à des Juifs, si fiers d’être des enfants d’Abraham : « Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour : il l’a vu, et il s’est réjoui. » (Jean 8.56) Même si les modalités de cette perception anticipée de la venue de l’Héritier des promesses nous échappent, le témoignage même du Seigneur nous montre que le patriarche avait une foi qui pointait vers un avenir bien plus vaste que celui que les textes de la Genèse suggèrent.

C’est en cela qu’Abraham est le « père des croyants », « l’ami de Dieu » et que « Dieu n’a pas honte d’être appelé » le « Dieu d’Abraham » (Héb 11.16).

Privilégiés par la plénitude de la révélation de Dieu et par la présence intérieure de l’Esprit, nous pouvons, encore mieux qu’Abraham, envisager notre avenir éternel : non pas un endroit où habiter, si beau soit-il, non pas des enfants, si bénie que soit leur présence — mais une cité céleste irradiée de la présence de Dieu et de l’Agneau (Apoc 21). Notre avenir ne pourra jamais se limiter à une vie personnelle riche, à une vie de couple heureuse, à l’éducation réussie de nos enfants ; il va au-delà, jusque dans une éternité où nous attend une joie incomparable. Et cette espérance sera l’aliment de notre vie de foi d’aujourd’hui.

Share on FacebookShare on Google+Tweet about this on TwitterShare on LinkedInEmail this to someonePrint this page
Dossier : Préparer son avenir
 

Prohin Joël
Joël Prohin est marié et père de deux filles. Il travaille dans la finance en région parisienne, tout en s'impliquant activement dans l’enseignement biblique, dans son église locale, par internet, dans des conférences ou à travers des revues chrétiennes.