« Le fruit paisible de la justice »

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Certaines différences dans l’église sont dues à des incompréhensions, à des différences culturelles ou à des désaccords sur des points d’importance secondaire ou mineure. Cela se gère avec beaucoup d’amour, de patience, de respect et d’humilité.
D’autres différences sont beaucoup plus profondes. Elles se situent au niveau des points de doctrine ou d’éthique définis comme essentiels et donc non-négociables par l’église. Celle-ci doit alors intervenir pour corriger ce qui est faux, revenir à ce qui est juste, rétablir une vraie paix.
Comment y parvenir ? Le verset suivant indique une méthode efficace :« Aucune paideia (discipline), pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse ; mais plus tard, elle rend le fruit paisible de la justice à ceux qui sont exercés (= entrainés, formés) par elle. » (Héb 12.11 – JNDarby)
À notre époque, le mot discipline évoque la sanction et non la formation, la répression et non l’encouragement, la rigueur froide et sévère d’une procédure de type judiciaire.
Quelle est donc cette discipline qui produit la paix et la justice ? 

1) La discipline : une formation qui utilise deux méthodes 

Le mot du Nouveau Testament paideia dérive du mot « enfant », il est traduit parfois par « instruction » et parfois par « châtiment, correction ». Il n’y a pas de contradiction ou d’incohérence ! Ces deux sens sont comme les deux faces d’une même pièce de monnaie.
Instruction et correction sont en effet les deux éléments de l’éducation  d’un  enfant  :  ses  parents  l’instruisent  par l’enseignement, l’exemple et l’apprentissage. Mais parfois il leur est nécessaire de donner un signal : « Mon enfant, tu n’as pas respecté les consignes ; une sanction proportionnée à ton erreur va t’aider à en prendre conscience et à la corriger ».
La discipline selon la Bible a pour but de faire progresser une personne, pour la faire avancer sur la bonne route ou pour lui faire reprendre la bonne route si elle est déjà engagée dans une impasse dangereuse.

2) La discipline-instruction

Il vaut la peine de relever des versets qui mettent en évidence le sens biblique de la discipline.
Moïse fut instruit (discipliné) dans toute la sagesse des Égyptiens. » (Act 7.22)
«  J’ai  été  élevé  [Paul]  dans  cette  ville-ci,  et instruit (discipliné) aux pieds de Gamaliel, dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu. » (Act 22.3)
« Toute l’Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire (discipliner) dans la justice. » (2 Tim 3.16)
« Elle nous enseigne (discipline) à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines… » (Tite 2.12)
Moïse a été formé par la sagesse séculière des Égyptiens, le monde de son époque, mais il été ensuite formé par Dieu pendant ses quarante ans d’exil. Paul s’est imprégné des Écritures pendant sa formation auprès de Gamaliel. Ce sont les Écritures, lues directement ou expliquées par des enseignants de la Bible, qui instruisent et forment tout croyant.
Ainsi  la  discipline-instruction  a  pour  objectif de former : celui qui en bénéficie acquiert de nouvelles compétences, progresse en sagesse et en connaissance, développe son zèle pour Dieu, mûrit dans la justice selon Dieu, apprend à éviter les tentations et pièges.

3) La discipline-correction

La discipline-correction a pour objectif d’amener une personne à prendre conscience d’une erreur et à la corriger. Si un conducteur de véhicule ne ralentit pas en traversant un village, il risque de causer un grave accident ; il risque aussi de recevoir une forte amende. Il trouvera l’amende douloureuse mais il conduira plus prudemment ensuite.

Des exemples de discipline injuste

Le but de la discipline peut être détourné. Dans ce cas elle est injuste et maltraitante. En voici deux exemples : 
« Je [Pilate] le relâcherai [Jésus] donc, après l’avoir châtié (discipliné). » (Luc 23.22) 
[Paul et ses compagnons] « Nous sommes comme condamnés (disciplinés) et pourtant pas mis à mort. » (2 Cor 6.9 – Segond 21)
Il s’agit en fait de persécution, par mépris, irritation ou haine. Tout l’opposé de la bienveillance.
Dans le cadre de la famille, il existe un danger d’abus d’autorité, peut-être parfois sous la forme d’abus de discipline-correction. « Pères, n’irritez pas vos enfants, mais élevez-les en les corrigeant et en les instruisant selon le Seigneur. » (Éph 6.4) Cet excès provoque chez l’enfant une irritation parfois proche de l’exaspération. Cela le rend probablement peu réceptif à l’éducation que son père prétend lui donner. De même dans l’église, un abus de remarques « bien envoyées » aura probablement pour résultat de susciter l’agacement et le blocage.

Des exemples de discipline parfaite

L’Évangile  selon  Jean  nous  présente  quatre exemples de discipline, douce et guérissante mais remarquablement efficace. Le Seigneur amène deux femmes et deux hommes à reconnaître leurs graves fautes ; il ne les accable pas de reproches, il ne les enfonce pas dans la honte ou la culpabilité ; au contraire il les en libère et leur donne un nouvel élan.
•   La femme samaritaine (ch. 4)
 Jésus  va  à  sa  rencontre,  l’attend,  engage  la conversation en lui demandant un service (de l’eau à boire). Il lui fait ensuite entrevoir une espérance extraordinaire, mais touche le point sensible : elle n’a pas respecté la loi du mariage monogamique. Elle reconnaît : « il m’a dit tout ce que j’ai fait. » (v. 29) ; sa conscience est libérée.  
Résultat : elle a l’honneur de recevoir une révélation exceptionnelle sur l’adoration ; elle est bouleversée en se rendant compte que le Messie lui-même s’est intéressé à elle. Elle en devient aussitôt un témoin enthousiaste dans son village.
•   La femme adultère (ch. 8) 
Elle a été surprise en flagrant délit, sa culpabilité est indéniable, elle est probablement remplie de honte et de peur. Mais Jésus fait retomber la confusion sur les accusateurs : ils disparaissent et emportent leur accusation avec eux. « Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? Elle répondit : Non, Seigneur. Jésus lui dit : Je ne te condamne pas non plus, va, et ne pèche plus. » (v. 10-11) Elle est déjà bien consciente de sa faute, inutile d’insister.
Résultat : sa reconnaissance envers son libérateur l’amènera certainement à ne plus récidiver. Elle est libre !
•   Thomas (ch. 20) 
Il a gravement offensé Jésus en déclarant qu’il ne croyait ni à sa résurrection ni à son apparition parmi les autres disciples. Il reste dans cette attitude de défiance pendant huit jours, jusqu’au moment où Jésus apparait de nouveau devant les disciples, devant Thomas. Comment Jésus va-t-il réagir ?
Des reproches sévères (comme il en a adressés aux Pharisiens ; Mat 12.34), une disqualification définitive ?
Thomas avait dit : « Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point » (v. 25). Jésus ne relève pas l’insolence de cette provocation. Au contraire ! Il le prend au mot : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois. » (v. 27). 
Résultat : « Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ! » Il reconnaît pleinement la puissance et l’autorité de Jésus sur lui. Une relation personnelle forte est rétablie.
•   Pierre (ch. 21)
Pierre s’était déclaré capable de suivre fidèlement Jésus, même au prix de sa vie, même si les autres disciples n’en n’étaient pas capables (Marc 14.31). Mais quand il s’est senti menacé, il a renié son maître, non pas une fois mais trois fois (Jean 18.17-27). Jésus avait dit, dans un autre contexte :  Celui qui me reniera devant les hommes sera renié devant les anges de Dieu. » (Luc 12.9)
Là  encore Jésus  n’attend  pas  une  confession détaillée, il ne banalise pas non plus. Mais il trouve un moyen de toucher délicatement la conscience de Pierre. Il a d’abord bien préparé l’entretien : il a accordé à Pierre une pêche miraculeuse et instantanée après une nuit d’efforts improductifs, il a apprêté pour Pierre et les autres disciples un barbecue pain-poisson pour qu’ils retrouvent leurs forces. Mais il faut encore amener Pierre à sentir à la fois la folie de ses prétentions et la grâce de son maître.
« Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne m’aiment ceux-ci ? » (v. 15) Pierre a renié trois fois son maître ; Jésus lui demande trois fois s’il pense toujours que son attachement est plus fort que celui des autres disciples ; puis il lui renouvelle une pleine confiance. Il l’établit comme berger de ses agneaux et brebis !
Résultat : ce travail de discipline bienveillante et douce a suffisamment transformé Pierre pour que Jésus lui confie aussitôt une grande responsabilité.

Un exemple de discipline parfaite mais non acceptée

Un homme riche accourt vers le Seigneur, se jette à genoux devant lui, désire hériter la vie éternelle. Sa vie est exemplaire, il respecte la Loi. « Jésus, l’ayant regardé, l’aima, et lui dit : Il te manque une chose ; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi. Mais, affligé de cette parole, cet homme s’en alla tout triste ; car il avait de grands biens. » (Marc 10.21-22) Jésus regarde cet homme, il l’aime, il ne met pas en cause son obéissance aux commandements de la Loi ; il l’invite à le suivre.
Son offre va beaucoup plus loin que la demande de l’homme ! Il ne lui fait pas de reproches sur ses richesses temporaires, il l’invite à s’en débarrasser pour gagner ce qui a une bien plus grande valeur un trésor dans le ciel. Cette générosité bienveillante et aimante place l’homme devant un choix clair et décisif sur ses priorités.
Résultat : l’homme riche choisit de garder ses biens et de renoncer à suivre Jésus. Pourtant l’attitude de Jésus a été empreinte d’amour, de douceur et de générosité. La meilleure discipline reste sans fruit si elle n’est pas acceptée.

4) La discipline : avec quelle attitude, dans quel but ?

Des mots-clés émergent des versets suivants :«  Qu’il  [le  serviteur]  corrige  (discipline)  avec douceur les contradicteurs. » (2 Tim 2.25 ; cf. Gal 6.1).
« Moi [Jésus-Christ], je reprends et je corrige (discipline) tous ceux que j’aime. Aie donc du zèle et repens-toi ! » (Apoc 3.19)
« Dieu nous [corrige] pour notre bien, afin que nous participions à sa sainteté. Toute correction (discipline), il est vrai, paraît être au premier abord un sujet de tristesse et non de joie ; mais plus tard elle procure un paisible fruit de justice à ceux qu’elle a formés. » (Héb 12.10-11, Segond Révisée)
La  discipline  corrective  n’a  pas  pour  but  de sanctionner avec dureté. Elle agit avec amour et douceur. Son but final est de permettre à la personne concernée de revenir à ce qui est juste aux yeux de Dieu et ainsi de trouver ou retrouver une vraie paix.

Conclusion

Dans  l’église  chacun  est  libre  de  refuser  une discipline-instruction bienveillante au sujet de points essentiels de doctrine ou de la façon de vivre. Dans ce cas l’église n’a pas d’autre choix que de prendre ses distances avec la personne concernée (2 Thes 3.6).
Mais Jésus nous a donné de magnifiques exemples de discipline produisant « le fruit paisible de la justice ». Il ne fait pas de reproches mais touche le cœur des personnes concernées, établit ou rétablit une relation vivante et personnelle, libère et remet en piste !
Ces exemples sont probablement des modèles idéaux pour nous. Nous en retenons cependant la douceur, la spécificité des approches selon les personnes, l’amour, l’humilité. Cette attitude est valable dans l’église ; elle peut aussi enrichir et apaiser notre vie familiale, notre vie professionnelle, nos relations de voisinage ! 

Vivre les différences dans l'Église

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Lacombe Jean

Jean Lacombe a été pendant de nombreuses années missionnaire en République Démocratique du Congo, puis au Burkina-Faso. Il est depuis quelques années en Suisse, où il a rejoint une équipe qui coordonne l’activité de centres bibliques dans divers pays d’Afrique. Il est marié et père de quatre fils. Il est ancien de son église locale et s’implique également dans l’enseignement biblique.

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